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Décisions

CA Versailles, 13e ch., 16 décembre 1987, n° 921-87

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sole France (SARL)

Défendeur :

Société Générale des Coopératives de Consommation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Vigneron

Conseillers :

Mmes Monteils, Brunat

Avoués :

SCP Gas, Me Jouas

Avocats :

Mes Faizan, Mettatel.

T. com. Nanterre, du 17 oct. 1986

17 octobre 1986

Statuant sur l'appel interjeté par la SARL Sole France contre un jugement rendu le 17 octobre 1986 par le Tribunal de commerce de Nanterre qui a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la société Générale des Coopératives de consommation (SGCC) à lui payer 805 551,93 F au principal.

La SGCC, groupement d'achats regroupant les commandes de coopératives adhérentes, a passé le 8 février 1985 un protocole d'accord avec Sole, par lequel Sole France s'engageait à satisfaire aux commandes des coopératives en charbon de bois, commercialisé sous la marque de SGCC, conditionné dans des emballages payés pour un prix convenu, dont une partie, 2 % était ristournée à la centrale pour prix de son intervention. Une partie des adhérents n'ont pas réglé les commandes et Sole s'est retournée contre SGCC pour obtenir son paiement.

Les premiers juges ont estimé que SGCC n'avait pas acheté pour elle-même la marchandise et ne pouvait être considérée comme mandataire ducroire de ses adhérents de sorte qu'elle ne pouvait être tenue à se substituer à la défaillance de ces derniers. Ils l'ont seulement condamnée à payer la valeur des emballages qui portaient sa marque (ce point n'est pas discuté en appel).

Ils ont, enfin, refusé d'octroyer à la centrale le montant de sa ristourne, 56 301,11 F, faute pour le vendeur d'avoir pu encaisser son prix.

La SARL Sole France, appelante, reprend sa demande ordinaire (805 551,91 F en principal), outre 100 000 F de dommages-intérêts pour résistance abusive. Elle se fonde sur une reconnaissance de dette qui serait contenue en une lettre du 6 septembre 1985 du SGCC et, surtout, sur le contenu du protocole du 8 février 1985, où elle voir un contrat d'adhésion, SGCC jouant seul un rôle de partenaire actif les coopératives adhérentes n'ayant avec elle aucun autre lien que de passer commande.

Ceci posé, elle soutient d'abord que SGCC n'était nullement mandataire de ses adhérents destinataires de la marchandise. Cette qualité ne pouvant résulter ni de mentions parfois portées au bas de certains bons de commande, ni de ce que la facturation était établie directement aux destinataires.

Elle voit dans cette stipulation une promesse de porte-fort, au sens des dispositions de l'article 1120 du Code civil : par là, SGCC se portait fort de ce que ses adhérents livrés par Sole lui régleraient les factures. Cette clause conditionnait l'engagement de Sole, qui ne connaissait pas la solidité des sociétés auxquelles elle livrerait.

Elle met enfin en avant la responsabilité contractuelle de la centrale d'achat, pour avoir omis de prévenir Sole France de la précarité de la situation financière de certains de ses adhérents, tombés en déconfiture peu après 1985 et ce, d'autant plus qu'elle interdisait tout contact direct entre le fournisseur et ces derniers, qu'elle représentait un poids économique très supérieur à celui de son partenaire, enfin, qu'elle était personnellement intéressée à la santé financière de ses adhérents.

La SGCC demande la confirmation de la décision et reprend sa demande de paiement de la ristourne.

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'il est constant que la société Générale des Coopératives de Consommation SGCC est un groupement d'achat qui se charge de négocier aux meilleurs conditions des offres avec les fournisseurs au profit de ses adhérents, ou affiliés, lesquels conservent la maîtrise de leurs achats ;

Que la convention conclue dans ce cadre avec Sole France s'analyse en un contrat de référencement, contrat de référencement présentant des affinités avec le contrat de commission quoique ne s'y assimilant pas, faisant intervenir directement ou indirectement trois partenaires ou groupes de partenaires : le fournisseur, le groupement d'achats, les affiliés, chacun d'eux y trouvant son intérêt propre évident ;

Considérant qu'en général de tels accords ne constituent pas des achats par le groupement, qui revend ensuite à ses adhérents, ce que Sole France ne soutient d'ailleurs pas ; que la vente est passée, quelque soit l'organisme par lequel ait éventuellement transité la commande, directement entre le fournisseur et l'adhérent, lequel a la maîtrise de l'opportunité de la commande, de son importance, reçoit la marchandise et en règle le prix ;

Considérant que la garantie, de la part du groupement d'achat, du paiement par son affilié n'est pas exclue et se rencontre fréquemment dans la pratique ; qu'elle ne découle toutefois pas nécessairement des caractères du contrat de référencement;

Considérant qu'en l'espèce cette garantie n'a pas été expressément stipulée; qu'elle ne résulte pas non plus du contenu de l'acte; qu'en particulier aucune des prérogatives que s'est réservées le groupement quant aux contrôles des prix et de la qualité, la marque, la durée ne trouve sa contrepartie dans une garantie de paiement ;

Considérant ainsi que les deux premiers moyens présentés par l'appelant ne peuvent qu'être rejetés ; qu'il sera ajouté que la lettre du 6 septembre 1985 n'a aucunement la portée que lui attribue Sole France ;

Considérant, sur le troisième moyen, que les ristournes versées au groupement par le fournisseur référencé constituent la rémunération des services que le bénéficiaire rend à ses adhérents, assurés d'achats aux meilleures conditions, et au fournisseur, qui a obtenu l'ouverture d'un marché d'une toute autre ampleur que ce qu'il aurait pu obtenir par ses propres moyens ;

Considérant cependant qu'au regard de cet avantage, le fournisseur perd non seulement la liberté des conditions de paiement et du volume des livraisons mais aussi du choix même des acheteurs, lesquels lui sont imposés du fait de leur affiliation au groupement d'achat ; qu'il s'ensuit que celui-ci est tenu envers les fournisseurs d'une obligation de renseignement sur la solvabilité de ces derniers ; considérant, ceci posé, que Sole France n'établit pas que SGCC ait eu connaissance de la mauvaise situation de ses adhérents suffisamment à temps pour en informer le fournisseur ; que la structure déconcentrée du réseau des sociétés régionales coopératives exercent leur activité sous la marque COOP rend d'ailleurs peu vraisemblable cette connaissance, du moins assez précise pour que le groupement d'achat ait l'obligation d'en informer les fournisseurs référencés ; qu'ainsi le moyen sera également rejeté, par manque de preuve ;

Considérant, sur la demande reconventionnelle, que SGCC ne saurait prétendre à des ristournes, c'est à dire à un reversement d'une fraction du prix encaissé par les fournisseurs, que pour autant que ce prix l'ait été effectivement, ce qui n'est pas le cas ;

Considérant en définitive qu'il y a lieu de confirmer le jugement en son entier ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande fondée sur l'article 700 du NCPC, ainsi qu'à dommages-intérêts.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Confirme le jugement entrepris, Condamne la société Sole France aux dépens et autorise Maître Jouas, avoué, à les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.