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Décisions

Cass. com., 4 janvier 2000, n° 97-21.067

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Codhor (SA), Lafont (ès qual.)

Défendeur :

Treiz'Or (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

M. Grimaldi

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Boullez, SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez.

T. com. Epernay, du 17 janv. 1995

17 janvier 1995

LA COUR : - Sur les trois moyens réunis, pris en leurs diverses branches : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Reims, 1er octobre 1997), que M. Lafont, commissaire à l'exécution du plan de cession et mandataire ad litem de la société Codhor, centrale d'achats, mise en redressement judiciaire, a assigné en paiement de diverses sommes la société Treiz'Or, adhérente de la centrale ; que la cour d'appel, après avoir constaté que cette société avait dû payer à un de ses fournisseurs la somme de 122 888,89 F qu'elle avait pourtant déjà versée à la centrale, qui ne l'avait pas reversée à ce fournisseur, a d'abord dit que la société Treiz'Or restait redevable à la centrale des cotisations de fonctionnement demeurées impayées ainsi que de sa participation à des frais de publicité engagées par la centrale ; qu'elle a ensuite opéré la compensation et rejeté la demande de M. Lafont, ès qualités ;

Attendu que celui-ci reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il est de l'essence du mandat d'être un contrat de représentation, le mandataire agissant au nom et pour le compte du mandant ; qu'en qualifiant la société coopérative Codhor, qui est une centrale d'achats, de mandataire des adhérents, sans relever les éléments constitutifs du contrat de représentation entre la société Codhor et la société Treiz'Or, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1984 du Code civil ; alors, d'autre part, que la personne qui agit en son nom pour le compte d'autrui est, non pas un mandataire, mais un commissionnaire qui contracte personnellement avec les tiers ; qu'en l'espèce, en dépit des conventions conclues par la société Codhor en son nom, auprès des fournisseurs pour le compte des adhérents, la cour d'appel a jugé que la société Codhor était un mandataire, de sorte que les dettes nées du contrat qu'elle avait conclu étaient personnelles aux adhérents, violant ainsi les articles 1165 et 1984 du Code civil, ensemble l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de troisième part, que l'effet relatif des conventions s 'oppose à ce qu'un contractant puisse agir directement contre un tiers, quand bien même le contrat conclu lui bénéficierait finalement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a jugé que les fournisseurs impayés avaient une action directe contre les adhérents en vertu du contrat de vente de marchandises conclu avec la société Codhor, méconnaissant ainsi le principe de l'effet relatif des conventions qui veut que seules les parties contractantes disposent d'actions l'une envers l'autre, nées de la formation ou de l'exécution de leur convention ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1165 du Code civil ; alors, de quatrième part, que la cour d'appel, qui fonde sa décision sur le motif que "la procédure collective dont la société Codhor fait l'objet rend tout-à- fait incertaine la perspective d'un règlement futur des fournisseurs concernés, exposant ainsi son mandat au risque inadmissible d'un double paiement", se prononce par des motifs hypothétiques qui équivalent à une absence de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de cinquième part, que la compensation suppose nécessairement l'existence de dettes et de créances ; que la cour d'appel, qui relève que les sommes versées dans le cadre d'un "circuit direct" par lequel les adhérents de la société Codhor réglaient leurs achats en en versant le montant à la coopérative, constituent une créance de l'adhérent dès lors que ces mêmes sommes n'ont pas été versées aux fournisseurs, méconnaît le mécanisme de paiement direct et l'effet extinctif du paiement desquels il résulte que les versements faits par l'adhérent ne sont que le paiement des marchandises reçues et utilisées, et doivent s'analyser en un paiement libératoire qui ne saurait constituer une créance de l'adhérent ; qu'ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1270 du Code civil ; alors, de sixième part, que la cour d'appel, qui dit que la compensation opérée a pour effet de libérer intégralement la société Treiz'or, sans relever la nature des créances et des dettes compensées par les juges, ni leur montant, se prononce par des motifs insuffisants à justifier la solution retenue et échappant à tout contrôle par la Cour de Cassation, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, de septième part, que la cour d'appel qui estime que la société Treiz'Or bénéfice d'une créance certaine de 265 000 francs contre la société Codhor en dépit du rejet de cette même créance par une ordonnance du juge-commissaire en date du 15 novembre 1994 devenue définitive et irrévocable en l'absence de tout recours dirigé contre cette décision, méconnaît l'autorité de chose jugée qui s'attache aux actes juridictionnels en violation de l'article 1351 du Code civil ; et alors, enfin, que la compensation suppose l'existence de deux dettes certaines entre les deux mêmes personnes ; qu'ainsi la cour d'appel, qui procède à la compensation de deux dettes dont l'une était irrévocablement inexistante car ayant été rejetée par une ordonnance du juge-commissaire de Pontoise en date du 15 novembre 1994, ordonnance devenue définitive à défaut de toute contestation comme le soutenait expressément la société Codhor dans ses conclusions d'appel, ordonne une compensation entre une dette certaine et une dette inexistante, en violation de l'article 1289 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que M. Lafont n'a jamais contesté, devant les juges du fond, que la centrale était mandataire au paiement de ses adhérents envers les fournisseurs , ce dont il résulte que c'est à juste titre qu'en raison des liens directs subsistant entre le fournisseur et son client, la société Treiz'Or a payé à son fournisseur la somme que celui-ci lui réclamait ;

Attendu, en second lieu, dès lors qu'il n'était pas contesté que tous les fournisseurs non payés avaient déclaré leurs créances, lesquelles avaient été intégralement admises, et que la société Treiz'Or était subrogée dans les droits du fournisseur qu'elle avait dû payer, la cour d'appel a retenu à bon droit que la créance de la centrale et celle de l'adhérente étaient connexes comme procédant de l'exécution d'une convention unique, régissant les rapports financiers des parties ; d'où il suit, qu'abstraction faite du motif critiqué par la quatrième branche qui est surabondant, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses huit branches ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.