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Décisions

CA Paris, 3e ch. A, 23 janvier 1990, n° 88-20697

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Segma-Liebig-Maille (SA)

Défendeur :

Gourdain (ès qual.), Meille (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Borra

Conseillers :

Mmes Aubert, Nerondat

Avoués :

Me Baufume, SCP Varin-Petit

Avocats :

Mes Potot, Gantelme.

CA Paris n° 88-20697

23 janvier 1990

LA COUR statue sur l'appel relevé par la société Segma-Liebig-Maille (SLM) du jugement du 28 juin 1988 par la 2e Chambre du Tribunal de commerce de Paris qui a essentiellement

- rejeté sa demande tendant à ce que sa créance soit admise pour 519 012,71 F au passif de la société Sopegros,

- fixé cette créance à la somme de 499 034,29 F.

Les éléments du litige peuvent être résumés de la façon suivante :

Par lettre du 16 février 1978 la société Brooke Bond Liebig France, aux droits de laquelle vient SLM, s'était engagée à payer aux adhérents de la centrale d'achats Sopegros diverses ristournes assises sur le chiffre des affaires traitées avec eux en 1978. Par arrêt confirmatif du 6 mars 1984, cette Cour avait notamment dit que la société Sopegros n'est plus habilitée à poursuivre l'encaissement des ristournes dues par les fournisseurs aux adhérents lorsque leur compte courant est débiteur mais qu'elle reste habilitée à poursuivre auprès des fournisseurs le paiement des ristournes afférentes aux années 1977 et 1978 aux adhérents ayant un compte débiteur. A la suite du règlement judiciaire de Sopegros, intervenu le 31 janvier 1979, la société Liebig a produit au passif pour une somme qui a été rejetée à hauteur de 19 976,42 F, montant des ristournes dues à 5 adhérents. Le litige porte sur le paiement de ces ristournes.

Devant la Cour, la société SLM, appelante, estime souhaitable de renvoyer l'examen de la créance litigieuse devant l'expert désigné le 2 octobre 1987 par le Tribunal de commerce de Nanterre pour faire les comptes entre les parties. Elle prie la Cour de dire que les ristournes doivent être calculées sur le chiffre d'affaires, réglé par l'adhérent au fournisseur et ne sont dues que si cet adhérent est créancier net du fournisseur, de déclarer infondée la déduction de 19 978,42 F opérée car les adhérents de Sopegros auxquels SLM pourrait devoir des ristournes sont débiteurs nets de SLM, de dire en conséquence que sa créance doit être admise dans sa totalité.

Me Gourdain et Me Meille, en leurs qualités de syndics à la liquidation des biens de la société Sopegros, intimés, concluent à la confirmation du jugement ; subsidiairement, ils soutiennent que les ristournes ne pourraient être dues que sur le seul chiffre d'affaires payé et ne pourraient dépasser la somme de 10 731,15 F. ils sollicitent la condamnation de l'appelante à leur payer la somme complémentaire de 3 000 F par application de l'article 700 du NCPC.

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que l'objet du litige se réduit à déterminer si la centrale d'achats Sopegros doit des ristournes sur toutes les ventes, payées et impayées, conclues entre les fournisseurs et ses adhérents concernés, ou sur les seules ventes payées par ces derniers ;

Que sa solution dépend donc de l'analyse retenue de la notion de ristourne ;

Considérant que deux conceptions s'opposent :

Que selon la première, la ristourne est une réduction de prix consentie par le fournisseur au client pour l'inciter à acheter de préférence à ses concurrents ;

Qu'elle trouve sa cause dans l'achat et que dès lors qu'elle est incluse dans les conditions de vente acceptées, elle est due par le fournisseur sur tout achat, indépendamment du paiement, sauf convention contraire ;

Que selon la seconde conception, le fait générateur de la ristourne n'est pas la commande mais le paiement du prix ;

Qu'il s'en déduit que seules les sommes effectivement payées constituent l'assiette de la ristourne ;

Considérant en l'espèce qu'il importe de se référer à la loi des parties contenue dans la lettre du 2 février 1978 par laquelle la société Liebig France indique que les accords sur les ristournes s'appliquent " à l'ensemble du chiffre d'affaires " ;

Qu'il apparaît que la volonté commune des parties a été de calculer les ristournes obtenues par Sopegros sur les fournisseurs et réparties par elle à ses adhérents sur le volume global des affaires réalisées par chacun d'eux avec chaque fournisseur ;

Que ces ristournes constituent un élément du prix convenu avant tout achat et que le chiffre d'affaires envisagé comprend, selon le sens habituel, l'ensemble des affaires traitées indépendamment du paiement effectif du prix ;

Qu'il s'ensuit que les adhérents débiteurs, et par conséquent Sopegros, ne sont tenus de payer que le prix convenu, déduction faite des ristournes ;

Que la production de la société SLM doit donc être minorée de la somme correspondant aux dites ristournes comme à bon droit l'ont dit les premiers juges dont la décision sera confirmée ;

Que la mesure d'instruction sollicitée apparaît dépourvue d'utilité ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés les frais non taxables qu'ils ont exposés en appel et que la Cour estime à la somme de 3 000 F.

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Segma Liebig Maille à payer à Me Gourdain et à Me Meille ès qualités de syndics à la liquidation des biens de la société Sopegros la somme de 3 000 F par application de l'article 700 du NCPC ; La condamne aux dépens d'appel ; Admet la SCP Varin Petit, titulaire d'un office d'avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du NCPC.