Livv
Décisions

CA Colmar, 2e ch. civ., 8 novembre 1991, n° 2289-89

COLMAR

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Peter Kaiser (SARL)

Défendeur :

Lévy Bloch (SARL), Centrale d'acheteurs en chaussures (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Hoffbeck (conseiller faisant fonction)

Conseillers :

M. Muller, Mme Sanvido

Avocats :

Mes Cahn, Zimmermann, Perrard.

TGI Mulhouse, du 10 avr. 1989

10 avril 1989

Selon un acte introductif d'instance du 30 avril 1987, la société Peter Kaiser a assigné la société Lévy Bloch en paiement de la somme de 100 608,85 F correspondant à une livraison de chaussures.

La société Lévy Bloch s'est opposée à la demande en rétorquant que les marchandises avaient été livrées par l'intermédiaire de la Centrale d'acheteurs en chaussures CEDAC SA et qu'aucun lien de droit ne l'unissait à la demanderesse.

Elle a par ailleurs demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle a consigné les montants réclamés entre les mains d'un séquestre, et a appelé en déclaration de jugement commun la société CEDAC, qui fait l'objet d'une procédure collective.

La Centrale d'acheteurs en chaussures CEDAC, représentée par son syndic, Maître Guillemonat, a également fait valoir qu'il n'existait aucun lien de droit entre la société Peter Kaiser, fournisseur, et la société Lévy Bloch, détaillant, obligeant ainsi la première à produire au passif de la concluante pour les factures impayées. En conséquence, elle a sollicité le versement à son profit des sommes détenues par le séquestre.

Par un jugement du 10 avril 1989, le Tribunal de grande instance de Mulhouse a débouté la société Peter Kaiser de sa demande, a déclaré le jugement commun à la Centrale d'acheteurs en chaussures CEDAC SA et à son syndic, et a dit que les fonds détenus par le séquestre du chef de la société Lévy Bloch reviennent à la société CEDAC, représentée par son syndic.

Les 13 juin 1989 et 2 novembre 1989, la société Peter Kaiser a régulièrement interjeté appel de ce jugement en intimant l'ensemble des parties. Elle a demandé à la Cour de :

Infirmer le jugement de la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Mulhouse du 10 avril 1989 et statuant à nouveau,

Condamner la société Lévy Bloch à payer à la société Peter Kaiser la somme de 100 608,85 F, avec les intérêts de droit de la somme de 137 820,33 F du jour de l'assignation de l'acte introductif d'instance devant le TCG de Sarreguemines jusqu'au 18 novembre 1987 et de la somme de 100 608,85 F du 18-11-1987 au jour du paiement,

Condamner la société Lévy Bloch à payer à Peter Kaiser une indemnité de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamner la société Lévy Bloch aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel,

Déclarer l'arrêt à intervenir commun à la société CEDAC représentée par son syndic Me Guillemonat.

Au soutien de son appel, elle fait valoir :

- qu'en réalité, la société CEDAC n'est pas une centrale d'achat, mais un groupement d'achat ne pouvant être considéré a priori comme un commissionnaire d'achat ; qu'elle n'est pas intervenue dans le mécanisme des commandes conclues entre Peter Kaiser et Lévy Bloch ; qu'en conséquence, aucun obstacle juridique n'interdit au fournisseur de réclamer paiement de ses factures au destinataire ;

- que sous peine de dénaturer une convention particulièrement claire, le rôle de la société CEDAC ne peut être défini autrement que comme celui d'un fournisseur de garantie ducroire.

La Centrale d'acheteurs en chaussures CEDAC, représentée par son syndic, a sollicité la confirmation du jugement entrepris et a réclamé paiement d'une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Lévy Bloch a conclu comme suit :

Statuer ce que de droit sur le point de savoir à qui revient de la SARL " Peter Kaiser " ou de la SA " Centrale d'acheteurs en chaussures ", la somme de 143 781,74 F, détenue en qualité d'administrateur séquestre par Maître Levet administrateur judiciaire à Paris,

Constater qu'en tout cas aucune condamnation ne peut intervenir sous peine de double paiement, à l'encontre de la concluante.

Condamner la partie succombante en tous les dépens vis-à-vis de la concluante,

La condamner par ailleurs, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au paiement à la concluante de la somme de 3 000 F.

Vu le dossier de la procédure, les pièces produites par les parties et leurs écrits auxquels la Cour se réfère pour plus ample exposé des faits et des moyens ;

Attendu que les premiers juges ont à bon droit relevé qu'à défaut d'écrit, le principe du consensualisme permet de déterminer le rôle respectif des parties en se référant aux conditions d'exécution des obligations des uns par les autres et aux usages en vigueur ;

Attendu que la société CEDAC produit en annexes un document intitulé " fournisseur agréé ", lequel, même non signé par la société Peter Kaiser, éclaire la nature des relations qui devaient, selon elle, exister entre les parties :

" La CEDAC centralise les commandes de ses adhérents, les transmet aux fournisseurs à une date déterminée et vérifie la ponctualité des livraisons.

... le groupement effectue les paiements pour la totalité des factures de ses adhérents, émanant des fournisseurs agréés, et se porte ducroire de ses adhérents à l'égard des mêmes fournisseurs.

En contrepartie de ces services, une commission d'intervention lui est versée par le fournisseur.

... les fournisseurs agréés de la CEDAC doivent toujours et sans aucune exception, considérer les membres de la CEDAC au travers de cette société, étant expliqué que l'accord aux présentes conventions crée un lien de droit qui exclut pour eux, de façon absolue, la possibilité de traiter avec un sociétaire, en dehors ou à l'insu de la CEDAC.

Attendu qu'il ressort des pièces versées au dossier que les factures relatives à la demande formée par la société Peter Kaiser sont à en-tête de la société CEDAC, avec la mention référence fournisseur : Etablissements Peter Kaiser, et à destination de la société Lévy Bloch ;

Attendu qu'au bas de ces factures, il est mentionné que la Centrale d'acheteurs en chaussures CEDAC centralise les commandes de ses adhérents et les transmet ;

Attendu qu'il est également constant que les factures étaient habituellement réglées par le détaillant à la société CEDAC, qui en assurait ensuite le paiement en son propre nom au fournisseur ;

Attendu qu'il n'est pas davantage contesté par la société Peter Kaiser que celle-ci avait elle-même porté sur les factures la mention : " pour le paiement, servez-vous s'il vous plaît de votre caution CEDAC " ;

Attendu ainsi que la pratique suivie par la société Peter Kaiser était conforme au statut de " fournisseur agréé " établi par la Centrale en chaussures CEDAC ;

Attendu qu'il en résulte que la société CEDAC fonctionnait effectivement en tant que centrale d'achat pour ses adhérents et notamment à l'égard de la société Lévy Bloch, etqu'elle remplissait le rôle d'un commissionnaire ducroire d'une part en agissant pour le compte de la société commettante Lévy Bloch mais en son propre nom, d'autre part en garantissant au commettant la bonne fin de l'opération, en contrepartie de quoi elle percevait une commission;

Attendu qu'en l'absence de lien de droit entre la société Peter Kaiser et la société Lévy Bloch, la société demanderesse ne peut que produire à la procédure collective de la société CEDAC, ce qu'elle a d'ailleurs fait ;

Attendu en conséquence qu'il convient de confirmer le jugement entrepris ;

Attendu toutefois qu'il n'est pas inéquitable de laisser aux intimées la charge de leurs frais non répétibles, qu'il y a lieu de rejeter leur demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs : Reçoit l'appel, régulier en la forme ; Le déclare cependant non fondé et confirme le jugement entrepris ; Condamne la société Peter Kaiser aux dépens d'appel ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.