CA Paris, 5e ch. C, 16 octobre 1998, n° 1997-00504
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Bertrand
Défendeur :
CTRC Jean-François Lazartigue (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Desgrange
Conseillers :
Mme Cabat, M. Bouche
Avoués :
Me Melun, SCP Fisselier-Chiloux-Boulay
Avocats :
Mes Bequin, Gast.
LA COUR statue sur l'appel formé par Monsieur Patrick Bertrand d'un jugement rendu le 13 novembre 1996 par le tribunal de Commerce de Paris qui l'a débouté de sa demande qui tendait au prononcé de la nullité du contrat de franchise conclu le 17 septembre 1992 avec la SA JF Lazartigue, en le condamnant à payer à cette dernière la somme de 79.456,53F majorée des intérêts au taux légal courus à compter du 24 juillet 1995, ainsi que la somme de 20.000F au titre de l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Cour se réfère pour l'exposé des faits et de la procédure à la relation exacte qu' en ont fait les Premiers Juges;
Il suffit de rappeler que le moyen de nullité était fondé sur la fourniture par la société Lazartigue d'un compte d'exploitation prévisionnel irréaliste.
Les premiers juges l'ont rejeté en soulignant qu'il était basé sur celui d'un magasin situé dans un centre commercial similaire à celui de Créteil Soleil où Monsieur Bertrand devait ouvrir son magasin.
Monsieur Patrick Bertrand appelant, reprend devant la Cour son moyen de nullité fondé sur l'existence d'un dol, en soulignant l'écart de 116% entre le compte prévisionnel et le résultat de l'exercice 1994.
Aussi, estimant que le préjudice ainsi subi s'élève à 694.299F et que son manque à gagner est de 452.000F, Monsieur Patrick Bertrand prie-t-il la Cour, après infirmation du jugement entrepris, de débouter la société Lazartigue de toutes ses demandes, de prononcer la nullité du contrat et de condamner la société franchiseur à lui régler la somme de 1.146.299F avec intérêts au taux légal courus à compter du 21 juin 1995, ainsi que celle de 30.000F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La société JF Lazartigue intimée, conclut à la confirmation de la décision entreprise en formant contre l'appelant une demande en paiement des sommes de 50.000F et de 30.000F aux titres respectifs de dommages-intérêts pour procédure abusive et de l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
A ces fins, elle fait valoir que son co-contractant n'a été victime d'aucun vice de son consentement, que l'information pré-contractuelle reçue s'avérait conforme aux dispositions de la loi du 31 décembre 1989 et de son décret d'application, que le compte d'exploitation prévisionnel ne fait pas partie des informations qui doivent être impérativement fournies au futur franchisé, que celui fourni en l'espèce était dénué de tout caractère contractuel, et que les investissements du franchisé auraient pu être largement couverts par le chiffre d'affaire réalisé, le franchiseur n'étant pas tenu à une obligation de résultat.
Monsieur Bertrand réplique que l'un des éléments du compte prévisionnel, à savoir une perspective de rémunération mensuelle de 20.000F, a été déterminant de son consentement.
SUR CE, LA COUR :
Considérant que le litige ne porte pas sur la réalité d'une remise dans un délai excédant au moins vingt jours, des documents désignés par la loi du 31 décembre 1989 et de son décret d'application, Monsieur Bertrand reconnaissant avoir été mis en leur possession trois mois environ avant la signature du contrat de franchise intervenue le 17 septembre 1992 ; qu' il concerne seulement l'existence d'un dol que la société franchiseur aurait commis en remettant à Monsieur Bertrand un compte d'exploitation prévisionnel portant sur la première année d'exploitation du magasin situé dans le centre commercial de Créteil, compte dont le caractère volontairement trompeur et erroné aurait été déterminant du consentement du franchisé.
Considérant qu'il y a donc lieu de vérifier si ce document a revêtu en l'espèce ces deux caractères.
Considérant que pour ce qui est de la volonté délibérée de tromper telle qu'imputée à la société JF Lazartigue, cette dernière fait utilement observer qu'elle avait un intérêt à voir prospérer le commerce litigieux en raison de ce que les redevances lui revenant, sont calculées sur la base d'un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le franchisé et qu'en outre, le chiffre d'affaire prévisionnel de 2.200.000F figurant au compte fourni à Monsieur Bertrand, était inférieur à celui effectivement réalisé au centre commercial de Belle Epine par un autre franchisé, à savoir, 2.618.271F en 1991.
Considérant que d'ailleurs, Monsieur Bertrand ne conteste pas le fait que ce centre commercial s'apparentait à celui de Créteil ; que ce fait s'avère exact au vu du tableau versé aux débats par la société franchiseur, lequel répertorie les centres commerciaux de la région parisienne en indiquant la fréquentation annuelle, le potentiel de parcage des véhicules, le nombre de commerces du centre et l'existence de services particuliers; qu'aucune volonté de tromper Monsieur Bertrand n'est dont établie en l'espèce.
Considérant que pour ce qui est du caractère erroné ou grossièrement erroné du compte prévisionnel présenté, il n'est pas révélé par la comparaison dont se prévaut Monsieur Bertrand ; qu'en effet, pour la réalisation d'un chiffre d'affaires de 2.200.000F le franchiseur avait prévu un coût d'achat de marchandises de 1.135.000F, alors qu'en 1993, où Monsieur Bertrand a dégagé un chiffre d'affaires de 1.608.333F TTC, l'intéressé n'a acheté que 890.000F de marchandises, soit 79% de ce qui était prévu, ce qui explique que le chiffre d'affaires obtenu ait été égal à 73% de celui prévu.
Considérant que le franchisé étant seul maître de ses commandes de marchandises, le franchiseur ne peut être déclaré responsable de la non réalisation du chiffre d'affaires, Monsieur Bertrand ne se plaignant pas de la non exécution par le franchiseur des commandes de marchandises qu'il avait passées.
Considérant que le même phénomène s'est reproduit l'année suivante, Monsieur Bertrand ayant réalisé un chiffre d'affaires de 1.110.701F pour des achats de 583.477F, soit des achats de la moitié environ des commandes prévues.
Considérant que si l'obtention d'un résultat net de seulement 91.008 F en 1993, au lieu des 256.000F prévus, soit un résultat divisé par 2,8, ne s'explique pas seulement par le phénomène susvisé de commandes insuffisantes, l'une de ses causes réside dans l'augmentation importante du loyer commercial subie en 1992, loyer passé de 81.872F à 121.500F HT et imposé par le bailleur du fait de la déspécialisation qui lui a été demandée par Monsieur Bertrand.
Considérant que contrairement à ce que soutient ce dernier, la société Lazartigue ne porte aucune responsabilité de ce chef, comme n'ayant pas la qualité de bailleresse.
Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée.
Considérant que le même franchiseur soutient à bon droit que le budget prévisionnel qu'il a remis ne devait pas être obligatoirement réalisé par Monsieur Bertrand, puisqu'il n'est tenu à aucune obligation de résultat et qu'à l'article 4-2 P17 du contrat remis avant signature, il a été indiqué que le franchisé était "informé que les études d'exploitation prévisionnelle et de rentabilité, sont établies dans l'hypothèse d'une exploitation performante assurée dans d'excellentes conditions, notamment en ce qui concerne le maintien des frais généraux à un niveau raisonnable, la qualité du service rendu à la clientèle et les aptitudes commerciales de franchisé ainsi que de son personnel, .et ce, compte tenu de la conjoncture économique générale et de L'appréciation de l'environnement commercial existant au jour de leur établissement ".
Considérant que cette performance ne peut être relevée en l'espèce compte tenu de la minoration volontaire des commandes de marchandises, laquelle ne se justifiait pas par l'absence de potentialité de clientèle du centre, le stock de marchandises en cours à la fin de l'année 1993 ne s'étant élevé qu'à 58.576F, et qu'à 44.325F à la fin de l'année 1994 ; que cette minoration n'a donc pas pour cause une mévente, mais une volonté commerciale du franchisé dont le franchiseur n'est en rien responsable; qu'il s'ensuit que le document prévisionnel remis n'était ni erroné ni volontairement trompeur, ce qui exclut toute possibilité de démontrer l'existence d'un dol et de constater la nullité du contrat de franchise; que la décision entreprise doit donc être confirmée, Monsieur Bertrand n'ayant pas contesté être redevable de la somme de 79.456,73F au titre de marchandises impayées dont le décompte est fourni par l'intimée.
Considérant que l'appelant qui succombe et qui sera condamné aux dépens, ne peut utilement prétendre à des dommages-intérêts ou au bénéfice des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Considérant que l'équité ne commande pas pour autant de faire au profit de l'intimé une application de ce texte, la somme de 20.000F fixée par les premiers juges s'avérant suffisante.
Considérant que l'absence de toute justification par la société JF Lazartigue d'un dommage autre que celui qui est déjà réparé par les intérêts moratoires, interdit l'accueil de sa demande faite de ce chef.
Par ces motifs : Et ceux non contraires des Premiers Juges, LA COUR, Confirme en toutes ses dispositions la décision déférée. Déboute les parties de leurs demandes incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue, en ce comprises celles formées devant la Cour en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile; Condamne Monsieur Bertrand aux dépens d'appel et admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, titulaire d'un Office d'Avoué, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.