CA Douai, 2e ch. civ., 23 juin 1994, n° 4060-92
DOUAI
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Tant, Grave (ès qual.)
Défendeur :
Les Fils de Louis Mulliez (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Courdent
Conseillers :
M. Delaude, Mme Laplane
Avoués :
SCP Cochemé-Kraut, SCP Le Marc'Hadour-Pouille-Groulez
Avocats :
Mes Dubreuil, Gast.
Attendu que le 5 juin 1992 Maître Grave liquidateur de Madame Tant en liquidation et Monsieur Yvon Tant ont relevé appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Roubaix Tourcoing le 26 février 1992 qui les a déboutés de leur demande en annulation ou résolution du contrat de franchise passé le 25 mars 1987 avec la SA Les Fils de Louis Mulliez pour dol, pour manquement grave et répété de l'obligation de fourniture, pour absence d'exclusivité territoriale de leur demande en paiement de dommages intérêts et de 10.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, qui a débouté la SA Les Fils de Louis Mulliez de sa demande reconventionnelle et qui a condamné Monsieur Tant à payer à la SA Les Fils de Louis Mulliez la somme de 3.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Attendu que Monsieur Yvon Tant demande acte de ce qu'il se désiste de son appel.
Que Maître Grave, es qualités conclut à la réformation du jugement, demande de prononcer la résolution judiciaire du contrat de franchise, de dire que l'intimée n'a pas respecté son obligation précontractuelle de renseignements et de loyauté, de dire qu'elle s'est immiscée dans l'exploitation du commerce en imposant les prix de revente, en plaçant la commerçante dans un état de dépendance économique en méconnaissant ses obligations contractuelles, de dire que le dépôt de bilan et la liquidation judiciaire de Madame Tant sont les conséquences directes des fautes commises par l'intimée, de chiffrer le préjudice à 872.363,20 F, de condamner l'intimée à lui payer es qualités la somme de 472.363,20 F, ainsi que 400.000 F au titre du préjudice moral et du manque à gagner ainsi que 10.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Qu'il fait valoir que le compte d'exploitation prévisionnel établi l'intimée, en qui les époux Tant avaient toute confiance, Monsieur Tant étant franchisé depuis 9 ans( était surestimé, que l'intimée avait caché que le magasin d'Hirson connaissait des difficultés depuis 1985 à la suite de l'ouverture d'un magasin concurrent et que son chiffre d'affaires était en baisse constante qu'il prétend encore que l'intimée effectuait les livraisons avec retard, ne remettait pas les documents nécessaires à la commande, imposait le paiement avant la livraison, imposait un barème de prix de revente, incitait à acheter des quantités excessives, fournissait des produits d'agencement trop chers de telle sorte que la franchise n'avait aucune initiative dans la gestion de son entreprise, que l'intimée a supprimé des quantités importantes de coloris de sorte qu'il a fallu solder les 3/4 du stock à 20 %, la marge bénéficiaire de 38 % passant ainsi à 18 %, qu'il n'y a eu aucune concertation en vue de réadapter le contrat de franchise aux déséquilibres qui sont apparus entre les parties ; que les difficultés rencontrées par Madame Tant ont entraîné sa maladie, un manque à gagner et un préjudice de 472.363,20 F pour les créanciers.
Attendu que la société Les Fils de Louis Mulliez conclut au rejet des demandes de Maître Grave et à la confirmation du jugement sur ce point, à la réformation du jugement pour le surplus et demande de condamner Maître Grave à lui verser 8.477,53 F avec intérêts depuis ses premières écritures, 100.000 F pour procédure abusive maintenue, et 17.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE
Attendu que le franchiseur qui doit étudier sérieusement les possibilités de rendement du magasin que le franchisé se propose d'acquérir n'est évidemment pas tenu par une obligation de résultat.
Attendu en l'espèce,que les prévisions de l'intimée étaient fondées sur le chiffre d'affaires effectivement réalisé, Maître Grave omettant de compter les taxes et avançant des chiffres qui ne correspondent donc pas à ceux de l'intimée.
Que Maître Grave n'établit pas que les époux Tant, professionnels avertis pour avoir été franchisés depuis 1977 ont été volontairement laissés dans l'ignorance de la situation de l'entreprise qu'ils souhaitaient reprendre et rien ne permet d'affirmer qu'à la suite de la modernisation du magasin, le chiffre d'affaires ne pouvait augmenter d'autant plus que la personnalité du commerçant est un élément important de réussite et qu'en l'espèce, il s'agissait d'un professionnel confirmé.
Attendu que le concurrent, sur Hirson était installé avant l'arrivée de Madame Tant et que cet élément n'a eu aucune influence sur la détermination de Madame Tant d'acquérir le fonds.
Que les époux Tant ont affirmé le 25 mars 1987 qu'ils apportaient 545.976 F et que sur cette base a été calculée la somme à emprunter.
Attendu que, dans ces conditions, il est impossible de tenir pour avéré que l'intimée n'a pas rempli ses obligations précontractuelles.
Attendu qu'il n'est pas contesté qu'au début de l'année 1990, Madame Tant était débitrice de 53.692,90 F au titre des livraisons faites par l'intimée et non payées, qu'il fut convenu des remboursements mensuels et la reprise d'une partie des marchandises au lieu de la suspension ou de l'annulation des livraisons par l'intimée, ce que celle-ci aurait pu faire en vertu de la clause 4. 10 du contrat de franchise, qu'il est normal dans ces conditions que le franchiseur ait voulu que les commandes nouvelles soient payées avant expédition.
Attendu qu'il est constant que la crise qui a frappé les productions de l'intimée n'a pas permis à celle-ci de respecter scrupuleusement toutes les dates de livraison, que cependant, il n'est pas établi que Madame Tant ait été l'objet, sur ce point de mesures discriminatoires ; que d'ailleurs, l'intérêt économique de l'intimée était de livrer le franchisé qui payait ses commandes ; que les retards et carences de livraison qui n'expliquent pas eux seuls la baisse du chiffre d'affaires de Madame Tant ne peuvent donc être considérés comme des signes de mauvaise volonté des franchiseurs souhaitant ruiner son franchisé.
Attendu que le contrat de franchise précisait que dans le cadre de la législation en vigueur le franchiseur communiquait des tarifs et des indications de prix de vente n'ayant qu'un caractère indicatif maximum, chaque franchisé demeurant libre de consentir à ses clients des conditions plus avantageuses ; qu'il n'est pas démontré que l'intimée soit allée au-delà même si les témoignages - récusés par l'intimée, comme provenant des personnes licenciées pour motif sérieux ou ayant eu des rapports délicats avec elle - produits tendent à démontrer que la politique du franchiseur consistait à faire le maximum pour que tous les franchisés pratiquent les mêmes prix de vente de ses produits de marque " Phildar ".
Attendu que l'intimée ayant consenti un moratoire à Madame Tant a essayé non pas de la ruiner mais de l'aider à surmonter une crise qui pouvait être considérée comme passagère eu égard à l'état de santé de Madame Tant laquelle aurait pu déposer son bilan plutôt si elle avait estimé ne pouvoir continuer son activité et payer ses dettes.
Attendu dans ces conditions qu'il échet de confirmer le jugement querellé qui a fait une juste appréciation des faits de la cause et de débouter Maître Grave de ses demandes.
Que les éléments fournis par l'intimée ne permettent pas de fixer la somme qu'elle réclame.
Qu'il n'est pas inéquitable de lui laisser la charge de ses frais irrépétibles.
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré sauf en sa partie relative à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Réforme sur ce point ; Déboute la société Les Fils de Louis Mulliez de sa demande d'indemnité ; Donne acte à Monsieur Tant de son désistement d'appel ; Condamne Maître Grave es qualités aux dépens d'appel distraits au profit de la SCP Le Marc'Hadour Pouille Groulez avoués conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.