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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 18 octobre 1990, n° 156-90

ROUEN

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Dubois

Défendeur :

Valcandis (GIE)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Magendie

Conseillers :

M. Bouche, Grégoire

Avoués :

SCP Colin-Voinchet-Radiguet, SCP Gallière, Lejeune.

TGI Evreux, du 1er déc. 1989

1 décembre 1989

Par arrêt lu 8 mars 1990, la Cour de céans a déclaré recevable et fondé le contredit formé par Monsieur Dubois, agent commercial, contre un jugement d'incompétence du Tribunal de Grande Instance d'Evreux du 1er décembre 1989 qu'il avait saisi aux fins de voir condamner le GIE Valcandis à lui payer une somme à titre d'indemnité de rupture.

Ayant usé de son pouvoir d'évocation par application de l'article 83 du NCPC la Cour a invité les parties à conclure au fond.

Il suffit de rappeler que Monsieur Jacques Dubois, agent commercial et le GIE Valcandis ont signé le 1er juin 1986 un contrat d'agent commercial ayant pour objet la vente de produits fabriqués par ce dernier (bonbons et confiserie). Le secteur confié comprenait initialement les départements 27, 28, 76, par lettre du 2 février 1987 il était étendu aux départements 14 et 61.

Le 23 avril 1987 Valcandis avisait Monsieur Dubois du retrait du GIE de l'un des trois partenaires, la Société Vosgienne.

Par lettre du 12 octobre 1987, le GIE notifiait à Monsieur Dubois la résiliation de son contrat en arguant de la nécessité de restructurer le réseau.

N'ayant pu obtenir l'indemnité de rupture qu'il sollicitait, - le GIE estimant qu'il était rempli de ses droits par le préavis - Monsieur Dubois l'assignait en justice dans les conditions qui ont été rappelées ci-dessus.

Monsieur Dubois fait valoir qu'il remplit les conditions du statut d'agent commercial et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée par le GIE. Il sollicite en conséquence une indemnité de rupture correspondant à deux années du dernier exercice de commissions réalisé soit la somme de 53.481,86 F, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, 30.000 F à titre de dommages intérêts et 5.000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Le GIE Valcandis soutient que l'article 8 du contrat prévoit une indemnité compensatrice du préjudice subi calculée selon les usages de la profession d'agent commercial et selon l'apport personnel et supplémentaire de l'agent, or, force est de constater que durant la période où il était sous contrat l'activité de Monsieur Dubois a été pratiquement nulle. Le GIE ne saurait donc, sur le fondement de son contrat, prétendre à une quelconque indemnité.

Le GIE Valcandis demande à la Cour de débouter Monsieur Dubois de ses demandes et de le condamner à leur payer 5.000 F de dommages intérêts pour résistance abusive et 5.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Sur ce :

Sur la demande d'indemnité de rupture :

Attendu que la résiliation unilatérale du contrat d'agent commercial par le mandant ouvre droit au profit de l'agent, nonobstant toute clause contraire, à une indemnité compensatrice du préjudice que lui cause l'extinction prématurée du contrat sauf dans le cas où la résiliation est justifiée par une faute de l'agent commercial ;

Attendu qu'il convient de souligner qu'aucune faute de Monsieur Dubois n'a été alléguée par le GIE, tant au cours de l'activité de celui-ci que lors de la rupture ; qu'au contraire, dans la lettre du 12 octobre 1987 qu'elle lui adressait, Valcandis indiquait garder un bon souvenir de son agent et formulait des regrets de devoir se passer de ses services pour raisons de restructuration ;

Attendu que c'est vainement que le GIE soutient aujourd'hui que l'activité insuffisante, voir inexistante de son agent serait constitutive d'une faute ; qu'il résulte au contraire des pièces produites aux débats et des écritures de Monsieur Dubois, non sérieusement contestées par le GIE, que le chiffre d'affaires de Monsieur Dubois avait connu une progression :

1986 (2e, 3e, 4e trim) CA : 207.252,00 F

commissions : 11.398,79 F

1987 CA : 506.759,20 F

commissions : 26.740,82 F

qu'il convient à cet égard de relever, d'une part, que le GIE a omis de faire figurer, dans son relevé du 19 juillet 1988 un client, Système U, sans justifier du bien fondé de cette omission, en sorte que le chiffre d'affaires indiqué par Monsieur Dubois pour 1987 doit être retenu ; d'autre part, que l'activité de Monsieur Dubois résultant de ces chiffres doit être appréciée compte tenu de l'abandon de la clientèle de La Vosgienne qui avait quitté le GIE fin 1986, ce qui avait un retentissement nécessaire sur l'activité d'ensemble de Valcandis ;

Attendu dès lors que, ni la baisse du chiffre d'affaires, ni l'activité insuffisante de l'agent n'étant établies, ce dernier est en droit de prétendre à une indemnité compensant le préjudice par lui subi du fait de la rupture de son mandat ; que si la résiliation du contrat de Monsieur Dubois a eu pour effet de le priver des résultats qu'il était en droit d'attendre de ses efforts, la modestie de la progression du chiffre d'affaires sus-indiqué comme la faible durée de son activité au sein du GIE justifient l'octroi d'un an de commissions soit la somme de 26.740,82 F ;

Sur la demande de dommages intérêts :

Attendu que Monsieur Dubois n'établit pas que la rupture soit intervenue de façon brutale que le seul fait qu'il ait été remplacé par un de ses vendeurs salarié ne saurait à cet égard constituer les manœuvres frauduleuses dont il fait état ; que sa demande doit dès lors être rejetée ;

Sur l'article 700 du NCPC :

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Dubois les frais irrépétibles exposés en appel ; qu'une somme de 3.000 F lui sera allouée au titre de l'article 700 du NCPC ;

Par ces motifs : LA COUR, Vu l'arrêt de la Cour de céans du 3 mars 1990 ayant déclaré recevable le contredit formé par Monsieur Dubois ; Déclare celui-ci fondé en sa demande d'indemnité de rupture, lui accorde vingt six mille sept cent quarante francs quatre vingt deux (26.740,82 F) avec intérêts de droit à compter de l'assignation ; Le déboute de sa demande de dommages intérêts ; Condamne le GIE Valcandis à lui payer trois mille francs (3.000 F) sur le fondement de l'article 700 du NCPC ; Condamne le GIE Valcandis aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de la SCP d'Avoués Colin Voinchet Radiguet selon l'article 699 du NCPC.