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Décisions

CA Rouen, 2e ch. civ., 9 mars 2000, n° 1998-1889

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Naert

Défendeur :

Société Prima Industrie (SPA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Présidents :

M. Credeville, Mme Bignon

Conseiller :

M. Perignon

Avoués :

SCP Colin-Voinchet-Radiguet, SCP Greff-Curat

Avocats :

Mes Dubos, Huchet.

T. com. Le Havre, du 27 févr. 1998

27 février 1998

Faits et procédure

Par contrat du 6 septembre 1991, Monsieur Naert et la société Prima Industrie SPA ont signé un contrat de représentation exclusive pour une durée indéterminée dont l'article 12.1 prévoit qu'il peut être résilié par l'une ou l'autre des deux parties, moyennant un préavis de six mois par lettre recommandée.

Le 28 juin 1995, Monsieur Naert a envoyé la lettre suivante :

"Je suis titulaire d'un contrat d'agent commercial pour le compte de votre société depuis le 6 septembre 1991.

J'ai depuis janvier 1995, 65 ans.

Je vais donc être amené à cesser mon activité le 31 décembre 1995.

L'objet de ce courrier est de vous notifier cette décision de prendre une retraite due exclusivement à mon âge que justifie de nombreuses années de loyaux services pour votre compte.

Le présent courrier vaut donc préavis qui se termine le 31 décembre 1995".

Le 7 juillet 1995, la société Prima Industrie SPA a pris acte de cette cessation d'activité.

Par exploit du 30 décembre 1996, Monsieur Naert a fait assigner la société Prima Industrie SPA devant le tribunal de commerce du Havre en paiement d'une somme de 387.394 HT avec intérêts au taux légal à compter de son assignation, à titre d'indemnité compensatrice en application des articles 12 et 13 b de la loi du 25juin 1991, outre une somme de 24.120 francs TTC en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société Prima Industrie SPA s'est opposée à ces demandes et par jugement du 27 février 1998, le tribunal de commerce du Havre a débouté Monsieur Naert de ses demandes.

Monsieur Naert a régularisé appel à l'encontre de cette décision pour reprendre ses demandes initiales auxquelles il ajoute une demande de capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Il fait valoir qu'il justifie du rapport entre l'âge et l'état de santé l'autorisant à bénéficier du règlement de l'indemnité compensatrice réclamée; que son souci d'accomplir son mandat dans l'intérêt du mandant ne peut être avancé pour contester sa cessation d'activité effective. L'indemnité de rupture doit être fixée à deux années de commissions brutes.

La société Prima Industrie SPA conclut :

- au débouté de Monsieur Naert de l'ensemble de ses demandes,

- à la confirmation du jugement entrepris,

très subsidiairement,

- à la limitation du montant de l'indemnité compensatrice susceptible de lui être allouée à hauteur de la seule somme de 193.797,26 francs à l'exclusion de toute autre somme et en particulier d'une quelconque indemnité en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,

- au débouté de la demande fondée sur l'article 1154 du code civil,

- à la condamnation de Monsieur Naert au paiement d'une somme de 10.000 francs au titre des frais exposés devant la Cour en sus de l'indemnité allouée par le tribunal.

Sur ce, LA COUR :

Attendu sur le droit à indemnité, queselon les articles 12 et 13 de la loi du 25 juin 1991 :

- article 12 : "en cas de cessation de ses relations avec le mandant l'agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi".

- article 13 : "la réparation prévue à l'article précédent n'est pas due dans les cas suivants

a) la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l'agent commercial,

b) la cessation du contrat résulte de l'initiative de l'agent à moins que cette cessation ne soit justifiée par des circonstances imputables au mandant ou dues à l'âge, à l'infirmité ou à la maladie de l'agent commercial, par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée,

c) selon un accord avec le mandant, l'agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu'il détient en vertu du contrat d' agence".

Qu'en conséquence, les exceptions prévues à savoir "l'âge, l'infirmité ou la maladie de l'agent commercial par suite desquelles la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée" visent à ouvrir le droit à indemnité quand l'agent, tout en ayant pris l'initiative de la rupture, en fait, subit celle-ci en raison de son âge, de son infirmité ou de sa maladie.

Que les premiers juges ont retenu que la cessation du contrat à l'initiative de l'agent commercial pour cause de retraite, n'entrait pas précisément dans le champ d'application des dispositions de l'article 13 de la loi.

Qu'à cet égard, il y a lieu de constater que pour Monsieur Naert la décision de prendre sa retraite est liée à son âge et que même si le législateur n'a pas entendu lier l'âge et la retraite, il est évident qu'en l'espèce la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite est liée à une question d'âge et que celui de 65 ans est une circonstance à la suite de laquelle la poursuite de l'activité ne peut plus être raisonnablement exigée.

Attendu que Monsieur Naert tente de justifier par la production d'un certificat médical du 10 octobre 1997, soit postérieur de près de deux ans et demi à sa décision de résilier le contrat, que sa mise à la retraite à 65 ans est justifiée sur le plan médical.

Mais attendu qu'outre le caractère peu convaincant de ce certificat qui note l'absence de toute pathologie importante, que l'examen clinique est correct dans l'ensemble et se contente de rapporter les dires de Monsieur Naert sur la fatigabilité et la détérioration de son état de santé, il y a lieu de constater que Monsieur Naert n'a visé aucunement dans sa lettre du 28 juin 1995 son état de santé, mais exclusivement sa décision de prendre sa retraite compte tenu de son âge.

Attendu que s'il est avancé que son âge ne l'a pas empêché de poursuivre son activité postérieurement à sa mise en retraite, ce dont il est justifié par les pièces produites aux débats, il y a lieu de relever qu'en réalité Monsieur Naert n'a agi de la sorte qu'au titre de la poursuite de contacts antérieurs à la rupture de son contrat, ou dans le but d'être agréable à son ancien mandant, Monsieur Naert a approché la société Prima Industrie SPA :

- au mois de février et d'avril 1996 sur un possible contrat à intervenir avec une société Eurodec,

- puis au mois de mai 1996 sur un possible contrat à intervenir avec une société AXE à Lisieux,

- et enfin au mois de novembre 1996 sur un éventuel contrat avec une société Marais à Mire.

Attendu dans ces conditions où les relations entre les parties n'ont duré que quatre années, que la rupture du contrat qui résulte exclusivement de l'initiative volontaire de l'agent commercial n'est due à aucune faute du mandant, il n'est nullement démontré que l'âge, auquel il avait choisi de prendre sa retraite, ne lui permettait plus de poursuivre d'une manière raisonnable son activité professionnelle<.

Que l'indemnité de rupture réclamée, ne peut donc dans ces conditions être octroyée.

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie l'octroi d'une somme au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par ces motifs : Confirme le jugement, Rejette les autres demandes ; Met les dépens à la charge de Monsieur Naert avec droit de recouvrement direct au profit des avoués de la cause, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.