CA Bourges, ch. civ., 1 août 2000, n° 99-00345
BOURGES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Gilardin
Défendeur :
Picault
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Puechmaille
Conseillers :
Mme Penot, M. Gouilhers
Avoués :
Mes Tracol, Guillaumin
Avocats :
Chazat-Rateau, Nonin.
Faits et procédure :
Le 12 Février 1997 M. Gilardin a fait délivrer assignation à M. Daniel Picault.
Il sollicitait la condamnation de celui-ci au paiement d'une somme de 45.000 F au titre des commissions qui lui auraient été dues sur plusieurs ventes.
Il sollicitait également la fourniture d'éléments justifiant de frais d'agence qui auraient été versés par la vente du bar-tabac de Madame Leroy à un sieur Bouculat.
Il sollicitait donc la condamnation du défendeur au paiement de la moitié des frais d'agence outre le paiement d'une somme de 50.000 F à titre de dommages et intérêts pour rupture d'un contrat d'agent commercial imputable au comportement fautif de M. Picault.
M. Gilardin exposait avoir travaillé dans l'intérêt de M. Picault en qualité d'agent commercial de 1982 à 1987 puis de juillet 1993 jusqu'à la fin du mois de mars 1995 et qu'il aurait été contraint de solliciter sa radiation du registre de commerce faute de règlement des commissions qui lui étaient dues sur la base de 50 % des frais d'agence.
M. Daniel Picault contestait, quant à lui, l'existence d'une quelconque convention entre les parties.
Par jugement rendu le 22 Octobre 1998 le Tribunal de Grande Instance de Bourges devait débouter M. Gilardin de l'ensemble de ses prétentions.
Pour parvenir à cette décision le premier juge rappelait que la preuve d'une existence d'une obligation née d'un contrat devait être établie conformément aux dispositions de l'article 1341 du Code Civil dès lors que les accords entre les parties portaient sur un élément essentiel à la validité des obligations et qu'en l'absence d'écrit établissant l'existence d'un mandat pour négocier des ventes, la preuve n 'était pas rapportée qu'une quelconque somme d'argent soit due par M. Picault à M. Gilardin.
M. Paul GILARDIN a interjeté appel de cette décision.
A l'appui de son recours il fait valoir :
- que M. Picault n'a jamais sollicité l'application de l'article 1341 du Code Civil ;
- que l'article 1341 n'étant pas d'ordre public, M. Picault avait donc tacitement renoncé à son application ;
- qu'il rapporte la preuve de l'existence de ses relations commerciales avec M. Gilardin et des interventions qu'il a réalisées ;
- que le règlement des commissions lui est du sur les affaires suivantes:
- sur l'affaire Da Silva-Fuster, vente d'un fonds de commerce Bar de La Fonderie à Bourges : 15.000 F,
- sur l'affaire Gautron-Lelouarne, vente du fonds de commerce Bar-restaurant Les 4 routes à Maubranche 20.000 F,
- sur l'affaire Bigeard-Chautard, vente du moulin de Villeboeuf à Savigny-en-Septaine : 10.000 F,
- sur l'affaire Leroy-Bouculat, vente d'un bar-tabac 27.500 F;
- que pour justifier de ses prétentions, il verse aux débats, à titre d'exemple, différentes factures pour d'autres affaires passées et la preuve des règlements effectués par M. Picault par chèque correspondant à 50 % de la commission perçue par l'agent immobilier ;
- qu'il est bien inscrit au registre spécial des agents commerciaux depuis le 25 mars 1987 et qu'il s'est fait radier le 31 Mars 1995 ;
- qu'il est mentionné en qualité d'agent commercial de M. Picault sur la carte d'agent immobilier établie au profit de ce dernier :
- que c'est donc à tort que M. Picault prétend qu'il ne justifie pas de sa qualité d'agent commercial ;
- que les affaires dont il demande le règlement de la commission ont bien été conclues ;
- qu'en aucune façon, l'acquisition qu'il a fait des dépendances de la propriété Chautard en sa qualité de marchand de biens ne saurait exclure son droit à commission sur la vente qui a été réalisée entre les époux Chautard et les époux Bigeard et sur laquelle M. Picault a perçu une commission de 20.000 F ;
- que tous les vendeurs et les acheteurs attestent que les affaires ont bien été réalisées par son intermédiaire ;
- que sa mission consistait à apporter les affaires, à taire visiter les biens et à mettre les parties en relation et leur permettre, par les négociations, de parvenir à un accord ;
- qu'également, en tout état de cause, les parties avaient des relations de travail, basées sur la confiance, depuis 1982 et jamais aucun contrat n'a été signé entre elles ;
- que la preuve peut être alors librement rapportée ;
- qu'il lui est du 72.500 F à titre de commissions ;
- qu'il réclame en outre la somme de 50.000 F à titre de dommages et intérêts ;
- que n'ayant pas été réglé des commissions qui lui étaient dues il a été contraint de cesser son activité d'agent commercial dans l'intérêt de M. Picault ;
- qu'à titre subsidiaire, il demande la comparution personnelle des parties ;
- qu'il sollicite la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
M. Daniel Picault réplique :
- qu'il n'a jamais cessé de contester les réclamations de M. Gilardin,
- que les éléments probatoires versés en appel sont les mêmes que ceux qui ont été produits en première instance et ne sont nullement probants,
- qu'il justifie que les 4 ventes litigieuses ont bien été négociées par lui,
- qu'il convient de confirmer le jugement entrepris.
Il sollicite la somme de 10.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Sur quoi, LA COUR
Attendu que les dispositions de l'article 1341 du Code Civil n'étant pas d'ordre public, les parties peuvent y renoncer même tacitement ;
Attendu que dans la mesure où M. Picault n'a pas demandé l'application de l'article 1341 du Code Civil, la preuve peut être rapportée par tous moyens de l'existence de l'intervention de M. Gilardin dans la négociation des 4 ventes litigieuses ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que M. Gilardin était immatriculé en tant qu'agent commercial au registre de commerce de Bourges depuis le 25 mars 1987 et qu'il s'est fait radier le 31 mars 1995 (registres spéciaux des agents commerciaux) ;
Attendu qu'il est également établi par le versement d'attestations de délivrance par la Préfecture du Cher de la carte d'agent immobilier au profit de M. Picault, que M. Gilardin travaillait en qualité d'agent commercial de M. Picault ;
Attendu qu'il appartient alors à M. Gilardin de démontrer qu 'il a traité un certain nombre d'affaires personnellement à savoir les ventes Da Silva - Fuster, Leroy - Bouculat, Gautron - Lecouarne et Chautard - Bigeard ;
Attendu que la preuve en est rapportée par le versement d'attestations soit de l'acheteur et du vendeur dans les affaires Gaudron - Lecouarne, Da Silva - Fuster soit du vendeur dans l'affaire Leroy- Bouculat soit de l'acheteur dans l'affaire Bigeard -Chautard, qu'en effet M. Gilardin a présenté soit l'acheteur soit le vendeur aux commerçants intéressés et leur a fait visiter les lieux ;
Attendu que ces pièces établissent que M. Gilardin a bien eu un rôle de négociateur dans ces 4 affaires;
Attendu que les attestations produites par M. Gilardin ne sont nullement contredites par les pièces fournies par M. Picault dans la mesure où c'est lui seul qui avait pour mission de conclure les contrats et que donc forcément seul son nom est mentionné dans le compromis de vente, l'inventaire et le reçu de commission ;
Attendu donc que le mandat entre les parties est établi par les attestations délivrées par la Préfecture et signées par M. Picault et par les attestations des vendeurs et acheteurs qui établissent qu'ils ont négocié avec M. Gilardin dans les 4 ventes litigieuses;
Attendu que le travail de M. Gilardin mérite le paiement des commissions réclamées et dont le montant n'est pas contesté puisque les ventes ont été conclues et des commissions ont été perçues par M. Picault ;
Attendu que M. Picault doit régler à M. Gilardin la somme de 72.500 F à titre de commissions ;
Attendu que M. Gilardin ne donne aucune précision sur le nombre d'affaires qu'il a négociées avec M. Picault, que rien ne permet alors d'établir qu'il a du cessé son activité d'agent commercial en 1995 du fait du non-paiement de 4 commissions en 1993 et 1994 ;
Attendu que M. Gilardin sera donc débouté de sa demande en paiement de dommages et intérêts ;
Attendu que l'équité commande d'allouer à M. Gilardin la somme de 6.000 F pour les frais non taxables inutilement exposés er cause d'appel ;
Attendu qu'en raison du sort réservé à ses prétentions, M. Picault sera débouté de sa demande en paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Par ces motifs : Reçoit l'appel en la forme ; Au fond le dit pour partie justifié ; Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Gilardin de sa demande en paiement de commissions ; Et statuant à nouveau ; Condamne M. Picault à payer à M. Gilardin la somme principale de 72.500 F ; Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Gilardin de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Ajoutant, Condamne M. Picault à verser à M. Gilardin la somme de 6.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; Condamne M. Picault aux dépens d'instance et d'appel qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.