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Décisions

CA Paris, 25e ch. B, 12 mai 2000, n° 1998-14061

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Chemical Overseas Limited (SARL)

Défendeur :

Laboratoires Hoechst

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Jacomet

Conseillers :

Mme Collot, Mme Radenne

Avoués :

Mes Ribaut, Olivier

Avocats :

Mes Le Borgne, Bonin

T. com. Paris, du 1er avr. 1998

1 avril 1998

La société Laboratoires Hoechst, ci-après les Laboratoires Hoechst, a, par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 1995 confirmée le 22 septembre 1995, dénoncé avec effet au 31 décembre 1995, le contrat du 1er janvier 1990 par lequel elle avait confié la prospection médicale de ses produits sur les territoires de la Nouvelle Calédonie, de Wallis et Futuna, et de la Polynésie Française à la société Chemical Overseas Limited, société spécialisée dans la représentation et la promotion de produits médicaux et pharmaceutiques. Cette dernière, revendiquant le statut d'agent commercial et à titre subsidiaire un mandat d'intérêt commun, a sollicité paiement de la somme de 650 000 F à titre de dommages-intérêts, outre 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Les Laboratoires Hoechst, contestant tant l'application du statut des agents commerciaux, que l'existence d'un mandat d'intérêt commun, se sont opposés à ces prétentions et ont sollicité une indemnité en application de l'article 700 susvisé.

Vu le jugement contradictoire, rendu le 1er avril 1998, par le Tribunal de commerce de Paris, qui a dit que la loi du 25 juin 1991 ne s'applique pas en l'espèce, que la société Chemical Overseas ne saurait se prévaloir ni d'un statut d'agent commercial ni d'un mandat d'intérêt commun, que les Laboratoires Hoechst n'ont commis aucune faute en résiliant le contrat qui les liait à la société Chemical Overseas, qui a débouté cette dernière de ses demandes et qui l'a condamnée à payer aux Laboratoires Hoechst la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, motifs pris, essentiellement, de ce que le contrat liant les parties, précis et explicite, limitait la mission de la société Chemical Overseas à la prospection médicale, sans négociation ou conclusion de contrats de vente, étant relevé qu'il n'existait pas d'assujettissement économique direct entre les parties, de sorte que les Laboratoires Hoechst qui avait respecté les clauses contractuelles sur la durée du préavis, étaient en droit de résilier le contrat,

Vu l'appel interjeté à l'encontre de cette décision, par la société Chemical Overseas,

Vu les conclusions, en date du 29 septembre 1998, par lesquelles la société Chemical Overseas, appelante, prie la cour, par voie d'infirmation, de condamner la société Chemical Overseas à lui payer la somme de 650 000 F à titre d'indemnité de rupture avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 1997, date de l'assignation, ainsi que celle de 30 000 F au titre des frais non recouvrables de procédure, aux motifs essentiels :

- à titre principal, que le statut des agents commerciaux lui serait applicable, dès lors que non liée par un lien de subordination avec les Laboratoires Hoechst, elle ne saurait être un simple représentant médical, qu'en effet, outre son rôle de représentation, elle aurait eu un rôle d'informateur économique et aurait assuré le suivi des règlements, réalisant ainsi un certain nombre de prestations de services rentrant dans la définition de l'article 1er de la loi du 25 juin 1991 applicable aux contrats en cours au 1er janvier 1994, qu'elle était au demeurant rémunérée par une commission, soumise à prime complémentaire, calculée sur le montant net des factures de vente des Laboratoires Hoechst, et exerçait l'activité permanente d'agent commercial pour le compte de diverses autres sociétés,

- à titre subsidiaire qu'étant liée aux Laboratoires Hoechst par un mandat nécessairement d'intérêt commun, tandis que la prétendue réorganisation, prétexte de la rupture, ne serait pas démontrée, elle aurait droit à indemnisation, les Laboratoires Hoechst ne pouvant, sans faute de sa part, mettre fin au contrat, ce que confirmeraient les termes de l'article 10 de la convention,

en conséquence, que sa demande tendant à obtenir, à titre d'indemnité de rupture, le montant des commissions perçues au cours des deux dernières années serait justifiée,

Vu les conclusions, en date du 18 décembre 1998, par lesquelles la société Laboratoires Hoechst-Houde, venant aux droits de la société Laboratoires Hoechst, intimée, conclut à la confirmation du jugement dont appel et sollicite la somme complémentaire de 50 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, aux motifs principaux qu'elle aurait été en droit de dénoncer le contrat en respectant le préavis convenu, que la société Chemical Overseas ne saurait invoquer la loi du 25 juin 1991 laquelle n'a été applicable dans les territoires d'outre mer qu'aux contrats en cours à la date du 1er janvier 1998, que l'appelante, qui ne négociait aucun contrat pour son compte, qui n'était pas en contact avec la clientèle mais uniquement avec les pharmaciens ou les médecins et qui n'était pas dans un lien de dépendance à son égard, ne saurait davantage invoquer un mandat d'intérêt commun ;

Sur quoi, LA COUR,

Considérant que le contrat par lequel la société Chemical Overseas avait accepté la prospection médicale des spécialités pharmaceutiques précisément désignées, sur les territoires de la Nouvelle Calédonie, de Wallis et Futuna, et de la Polynésie Française a été conclu à partir du 1er janvier 1990, pour une durée de deux ans renouvelable par tacite reconduction, qu'il pouvait, selon l'article 9, être résilié de part et d'autre moyennant un préavis de trois mois donné par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Qu'en vertu de l'article 2, la société Chemical Overseas était chargée de faire effectuer la prospection médicale des produits objets du contrat par un délégué médical à raison de trois à quatre tournées par an sur la Nouvelle-Calédonie et Tahiti, chaque visite faisant l'objet d'un rapport indiquant les produits présentés ou rappelés, la liste des médecins et pharmaciens visités, les remarques des médecins et les questions s'y référant, transmis aux Laboratoires Hoechst en fin de tournée, la société Chemical Overseas s'engageant, en outre à communiquer régulièrement toute information d'ordre commercial, économique, technique ou autre, pouvant avoir une influence sur l'évolution du marché pharmaceutique, ainsi que tous renseignements pouvant être exploités en vue de la promotion des ventes des spécialités objet du contrat, et, en cas de retard dans les règlements des factures des clients sur le territoire, à assister les Laboratoires Hoechst, à leur demande, dans le suivi des règlements ;

Considérant qu'il résulte des termes clairs et dénués d'ambiguïté de la convention liant les parties que la société Chemical Overseas assurait, d'une part une mission de présentation des produits aux prescripteurs ainsi qu'aux pharmaciens pour laquelle elle intervenait en qualité de mandataire des Laboratoires Hoechst, et, d'autre part, des prestations de service pour le compte de ce dernier, comme par elle reconnu dans ces écritures;

Qu'en conséquence, l'appelante, qui ne prétend pas avoir rempli d'autres missions que celles prévues au contrat, ne saurait bénéficier du statut d'agent commercial, faute d'avoir été mandatée par les Laboratoires Hoechst aux fins de négocier et éventuellement conclure en leur nom des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestations de services, peu important à cet égard que sa rémunération corresponde à une commission calculée sur le chiffre d'affaire réalisé par les Laboratoires Hoechst dans les territoires concernés

Que le fait qu'elle ait, le cas échéant, eu le statut d'agent à l'égard d'autres mandants, ce qui n'est pas démontré, n'a pas davantage d'incidence sur la solution du litige ;

Considérant que la société Chemical Overseas, qui se voyait reverser une commission sur l'intégralité du chiffre d'affaire réalisé dans les territoires concernés, y compris sur celui effectué avec des pharmaciens qu'elle n'avait pas visités, qui ne soutient pas avoir procédé à des investissements ou même consenti des efforts aux fins de fidéliser et développer dans une perspective de continuité une clientèle sur des spécialités médicamenteuses dont la prescription et, en conséquence, la vente est principalement fonction de leur efficacité et des progrès de la science, ne justifie par aucun élément particulier avoir été associée à une entreprise commune avec les Laboratoires Hoechst;

Qu'il s'ensuit que l'appelante ne saurait davantage prétendre à l'existence d'un mandat d'intérêt commun;

Que le contrat s'étant renouvelé pour une durée indéterminée à compter du 1er janvier 1992, les Laboratoires Hoechst pouvaient, aux termes de l'article 9, y mettre fin à tout moment par lettre recommandée avec accusé de réception en respectant, comme ils l'ont fait, le préavis de trois mois, sans avoir à justifier des causes de la rupture ;

Qu'en cet état la société Chemical Overseas invoque vainement l'article 10 de la convention lequel vise l'hypothèse d'une résiliation de plein droit pour faute ;

Qu'en l'absence de stipulation contractuelle expresse prévoyant l'existence d'une indemnité de clientèle ou de fin de contrat, la société Chemical Overseas ne peut prétendre au bénéfice d'une telle indemnité ;

Qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des Laboratoires Hoechst les frais non recouvrables de procédure par eux exposés en cause d'appel ; qu'il convient de leur allouer, à ce titre, la somme de 20 000 F ;

Par ces motifs ; Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, y ajoutant, Condamne la société Chemical Overseas à payer à la société les Laboratoires Hoechst-Houde la somme de 20 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette toute demande autre, plus ample ou contraire des parties ; Condamne la société Chemical Overseas aux dépens d'appel, admet Me Olivier, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.