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Décisions

CA Colmar, 1re ch. civ. A, 30 septembre 1997, n° 9505949

COLMAR

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Marc Léon International Services (SA)

Défendeur :

Alsauto (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gueudet

Conseillers :

Mmes Bertrand, Schneider

Avocats :

Mes Perrad, Wetzel, Dupuy

TGI Colmar, ch. com., du 3 févr. 1995

3 février 1995

La SA Alsauto, concessionnaire exclusif de la marque Citroën à Colmar, a assigné à jour fixe, par acte signifié le 30 août 1993, la SA Marc Léon International Services (MLI Services) en concurrence déloyale devant la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Colmar, lui reprochant de vendre des véhicules Citroën neufs sur son territoire exclusif et de faire de la publicité concernant ces mêmes véhicules sans être immatriculés sous la seule activité de mandataire et sans respecter les règles imposées en la matière au mandataire.

Elle concluait à voir :

- dire que la défenderesse s'est rendue coupable d'infraction à la législation communautaire et de publicité illégale, tant au regard des dispositions communautaires que de la loi du 18 janvier 1992, le tout étant constitutif de concurrence déloyale,

- interdire à la défenderesse de vendre des véhicules Citroën neufs ou immatriculés depuis moins de trois mois ou ayant parcouru moins de 3 000 Kms, sans mandat écrit préalable, sans s'être fait au préalable immatriculée sous la seule qualité de mandataire, à l'exclusion de tout autre, sans se conformer strictement à l'ensemble des dispositions communautaires régissant l'activité de mandataire,

- interdire à la défenderesse de vendre des véhicules Citroën neufs ou immatriculés depuis moins de trois mois ou ayant parcouru moins de 3 000 Kms.

- interdire à la défenderesse toute publicité portant sur des véhicules Citroën neufs ou assimilés, sans se conformer strictement à l'ensemble des dispositions communautaires régissant la publicité des mandataires,

- interdire à la défenderesse toute publicité comparative de prix sur des véhicules Citroën neufs ou assimilés conformément à la loi du 18 janvier 1992,

- et condamner la défenderesse à lui payer une somme de 250 000 F à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par ses agissements de concurrence déloyale, publicité illégale et captation de clientèle, ainsi que 25 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

La défenderesse concluait au débouté de la demande et réclamait reconventionnellement que soit déclaré illicite le contrat de concession conclu entre Citroën et Alsauto ; à titre subsidiaire, elle sollicitait que la Cour de Justice des Communautés Européennes de Luxembourg soit saisie sur la question préjudicielle suivante "quelle est la définition d'un véhicule neuf par rapport au règlement CEE 123-85".

Par jugement prononcé le 3 février 1995, la Chambre Commerciale du Tribunal de Grande Instance de Colmar statuait ainsi :

"- Sur la demande principale :

* déclare la SA MLI Services responsable des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la SA Alsauto,

* condamne la SA MLI Services à payer à la SA ALSAUTO la somme de 200 000 F à titre de dommages et intérêts, majorée des intérêts au taux légal à compter de ce jour,

* fait interdiction à la SA MLI Services sous astreinte comminatoire de 50 000 F par infraction constatée,

- de vendre des voitures Citroën neuves et d'entreprendre toutes les mesures de publicité y relatives, sauf si elle agit en qualité de mandataire et en conformité aux dispositions communautaires régissant cette activité,

- de posséder un stock de voitures Citroën neuves destinées à la revente,

* interdit également à la SA MLI Services toute publicité comparative sur les prix des voitures Citroën neuves,

* précise que par voitures neuves il faut entendre une voiture récemment fabriquée, ne présentant aucune particularité par rapport au modèle standard, qui en diminue la valeur marchande, ni aucune défactuasité résultant d'un incident de fabrication ou d'un accident ultérieur, qui n'a pas été immatriculé au nom d'un utilisateur final, mis à la disposition de celui-ci et effectivement utilisé par lui de bonne foi,

* déclare le jugement exécutoire par provision,

* condamne la SA MLI Services à payer à la SA Alsauto la somme de 15 000 F en application de l'article 700 du NCPC.

- Sur la demande reconventionnelle :

* rejette les conclusions de la société MLI Services tendant à déclarer illicite le contrat de concession conclu entre les sociétés Alsauto et Automobiles Citroën,

* dit n'y avoir lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice des Communautés Européennes.

- Sur les dépens :

* condamne la SA MLI Services aux dépens".

Selon déclaration du 23 février 1995, la SA Marc Léon International Services (MLI Services) a interjeté appel.

Par ordonnance de référé du 21 avril 1995, sa requête tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire concernant la condamnation aux dommages et intérêts en raison du risque de conséquence excessive a été rejetée et elle a été condamnée aux dépens.

Faute pour l'appelant d'avoir déposé ses conclusions dans le délai légal, l'affaire fut radiée du rôle et retirée du rang des procédures en cours par ordonnance du 18 juillet 1995.

Par acte de reprise d'instance reçu au Greffe le 29 novembre 1995, la SA MLI Services a conclu à l'infirmation du jugement entrepris, au rejet de la demande adverse et à la condamnation de la SA Alsauto à supporter les entiers dépens et à lui payer une somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Elle faisait valoir :

- que la SA Alsauto étant concessionnaire et non constructeur il lui appartient pour prospérer dans son action d'apporter les mêmes preuves que celles incombant au promoteur du réseau de distribution sélective et qu'elle est dans l'incapacité de le faire ;

- qu'elle exerce quant à elle une activité de négociant, intermédiaire, mandataire dans le domaine de l'automobile, qu'elle importe et revend en France des véhicules automobiles de différentes marques et que c'est cette activité d'importateur que la SA Alsauto entend faire sanctionner ;

- qu'il incombe à la société Alsauto de justifier de l'existence et de l'effectivité du réseau de distribution qu'elle entend protéger, le seul contrat de concession conclu entre elle et la société Citroën étant insuffisant et qu'il appartiendra à la Cour d'apprécier la licéité de cet éventuel réseau au regard du règlement d'exemption de la commission numéro 123-85 du 12 décembre 1984, dont elle se prévaut ;

- que la société Alsauto ne démontre pas qu'elle s'est fautivement approvisionnée en véhicules et qu'il résulte au contraire d'un procès-verbal de constat dressé par huissier le 25 juin 1995 qu'elle a spontanément indiqué les coordonnées de son fournisseur en Espagne.

Elle allègue que la demande de la société Alsauto n'est pas fondée et vise à cloisonner le marché à l'intérieur de l'Union Européenne.

Par mémoire reçu au greffe le 16 février 1996, la SA Alsauto conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement déféré et y ajoutant à voir condamner la SA Marc Léon International Services à lui payer une somme supplémentaire de 250 000 F de dommages et intérêts pour ses agissements persistants de concurrence déloyale et captation de clientèle, avec volonté délibérée de contourner frauduleusement le dispositif du jugement assorti de l'exécution provisoire, ainsi qu'à lui payer un montant de 30 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Elle soutient :

-1- qu'elle est concessionnaire exclusif Citroën à Colmar et bénéfice en conséquence d'un droit exclusif d'implantation, d'action commerciale et de vente de véhicules neufs Citroën, ce contrat d'exclusivité étant conforme à la législation communautaire car si l'article 85-1 du Traité de Rome interdit les ententes, les règlements 123-85 du 12 décembre 1984 et 1475-95 du 28 juin 1995 accordent en application de l'article 85-3 dudit traité une dérogation expresse aux entreprises dont l'objet est la vente de véhicules automobiles ;

- que les contrats d'exclusivité sont parfaitement opposables au tiers professionnels de l'automobile qui ne peuvent ignorer la loi, à fortiori dans leur branche d'activité professionnelle ;

- 2 - que la législation communautaire applicable en matière de distribution automobile est la suivante :

- les règlements 123-85 du 12 décembre 1984 et 1475-95 du 28 juin 1995, disposent que dans l'intérêt du consommateur, la vente de voitures neuves et le service après-vente ne doivent pas être dissociés mais doivent être assurés par un réseau de distribution sélectionné par le constructeur pour coopérer avec lui, le principe étant en conséquence la distribution exclusive ;

- que la seule exception est celle prévue pour les mandataires, qui doivent être mandatés par écrit par l'utilisateur final, tout concessionnaire ayant la possibilité de refuser d'approvisionner en véhicules neufs un intermédiaire non mandaté ;

- la communication du 4 décembre 1991 complète le règlement 123-85 et précise que le mandataire est un intermédiaire prestataire de service (lequel ne peut donc avoir de stock), qu'il ne peut devenir propriétaire du véhicule et doit au préalable être mandaté par écrit par un mandant identifié car il ne peut être revendeur et doit faire sa publicité sans rendre possible dans l'esprit des acheteurs potentiels une confusion avec un revendeur ;

- que la réglementation communautaire ne fait aucune place aux revendeurs non agréés en véhicules neufs, lesquels n'existent que parce qu'ils ont réussi à s'approvisionner en véhicules neufs de manière illicite ;

- 3 - que l'approvisionnement en véhicules neufs de revendeurs non agréés est illicite ;

- que les constructeurs vont jusqu'à résilier les contrats de concession de distributeurs approvisionnant un intermédiaire sans s'assurer qu'il est mandataire ;

- que les revendeurs s'approvisionnent de manière illicite en véhicules neufs au moyen de subterfuges, se faisant passer pour mandataires auprès de leurs fournisseurs, convaincant des concessionnaires étrangers d'enfreindre les obligations de leurs contrats de concession et créant de véritables réseaux parallèles occultes avec d'autres revendeurs pour dissimuler leurs sources d'approvisionnement ;

- que les revendeurs conscients d'être dans l'illégalité, refusent de faire connaître leurs sources d'approvisionnement, prétendant que les véhicules sont d'occasion alors qu'ils n'affichent que 10 ou 50 Kms au compteur ;

- que les pouvoirs publics ont à maintes reprises mis en garde les revendeurs se livrant à la vente de véhicules neufs en dehors de toute réglementation ;

- que compte tenu des moyens frauduleux employés par les revendeurs non agréés pour se procurer des véhicules neufs, l'étanchéité des réseaux officiels de distribution est impossible à réaliser ;

- qu'il y a concurrence déloyale commise par les revendeurs non agréés ;

- 4 - que la société MLI Services se rend coupable de concurrence déloyale :

- qu'elle est immatriculée au Registre de Commerce à la fois comme négociant et mandataire, trompant ses fournisseurs et ses clients ;

- qu'elle diffuse une importante publicité auprès des particuliers dans la presse et auprès des entreprises, sans faire état d'une activité de mandataire ;

- que selon constat du 25 juin 1993, l'huissier a constaté la présence chez MLI Services d'un stock de véhicules neufs Citroën achetés dans le but de les revendre et que les véhicules exposés à la vente comportaient les mentions kilomètres réels et prix comparés aux tarifs garantie constructeurs alors qu'il s'agit d'une publicité comparative illicite ;

- enfin, que MLI Services a déclaré s'approvisionner auprès d'un concessionnaire Citroën de Tenerife et qu'il s'agit d'un revendeur non agréé qui fait de l'import-export ;

- que la société MLI Services a créé une nouvelle société au même siège social, Rev'Auto, dont elle ignore si elle est revendeur ou mandataire car elle est présentée comme membre du groupe MLI Services, cette société proposant par fax des véhicules neufs aux marchands, ce que ne peut faire un mandataire ;

- qu'en ce qui concerne la publicité comparative de prix elle s'appliquait à des produits non identiques et dans des conditions de vente différentes pour créer une confusion dans l'esprit du public ;

- 5 - que la jurisprudence des tribunaux et cours d'appel en matière d'importation parallèle de véhicules neufs vise à réglementer l'activité des mandataires afin de les obliger à respecter leur cadre d'intervention et à interdire aux revendeurs non agréés de vendre les véhicules neufs qu'ils se sont procurés de manière illicite, sauf à devenir mandataire, en agissant alors dans le cadre très stricte de cette activité ainsi qu'à condamner les mandataires irréguliers et les revendeurs non agréés à des dommages et intérêts pour le préjudice subi par le concessionnaire du fait de leurs agissements de concurrence déloyale.

Par mémoire reçu au Greffe le 23 mai 1996, la SA MLI Services conclut au rejet de la demande additionnelle formée par la société Alsauto et réitère ses conclusions.

Elle réplique :

- qu'il ne peut lui être reproché une intrusion fautive dans le réseau de distribution sélective mis en place par la SA Automobiles Citroën, dont la SA Alsauto est l'un des concessionnaires, rappelant que la Cour de Luxembourg a tranché la question par deux arrêts de principe du 15 février 1996, aux termes duquel "le règlement CEE n° 123-85 de la commission du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3 du traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'un opérateur, qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée, ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3.11 de ce règlement, se livre à une activité de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque", ni qu'il "se livre à une activité d'importation parallèle et de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque". Ce règlement ne s'oppose pas davantage à ce qu'un opérateur indépendant cumule les avantages d'intermédiaire mandaté et celle de revendeur agréé de véhicules provenant d'importation parallèle" (affaire C 309/94) ;

- qu'en conséquence, un réseau de distribution sélective dans le secteur de l'automobile est dépourvu de licéité dès lors qu'il fait obstacle à une activité d'importation parallèle exercée par un opérateur indépendant ;

- que ni l'annonce publicitaire du 2 juin 1993 parue dans le PAC, ni les offres écrites de vente d'août 1991 et de septembre 1993 ne dénigrent la société adverse, se bornant à proposer la vente de véhicules à prix réduits, de telles publicités n'étant pas constitutives d'actes répréhensibles constitutifs de concurrence déloyale.

Par mémoire reçu au Greffe le 17 septembre 1996, la SA Alsauto expose que si en vertu du droit communautaire la commercialisation de véhicules automobiles neufs relève d'un système de distribution sélective et exclusive, en vertu de notre droit national, le revendeur non agréé comme MLI Services, comme des actes de concurrence déloyale qui doivent être sanctionnés auxquels il convient de mettre fin ;

Elle réplique :

- que selon une jurisprudence constante de la Cour de Cassation, l'approvisionnement du revendeur non agréé de produits relevant d'un système de distribution sélective est illicite et constitutive de concurrence déloyale ;

- que par arrêt du 9 juillet 1996 la Cour de Cassation a étendu sa jurisprudence en matière de distribution de parfums à la distribution automobiles (arrêt Gauvin) ;

- que la loi du 14 juillet 1996 sur "la loyauté et l'équilibre des relations commerciales" modifie l'ordonnance n° 86+1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et entérine la jurisprudence de la Cour de Cassation sur la concurrence commise par le revendeur non agréé commercialisant des produits relevant d'un système de distribution sélective ;

- que la concurrence d'un revendeur non agréé ne peut être loyale que s'il justifie spontanément de l'origine des véhicules neufs et si cette origine est régulière et que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

- que la SA MLI Services ne rapporte pas la preuve de la régularité de son approvisionnement mais au contraire démontre qu'il est illicite et résulte d'un concert frauduleux avec un revendeur agréé qui viole ses obligations contractuelles de membre d'un réseau de distribution sélective avec un intermédiaire destiné à masquer la source d'approvisionnement.

Elle réitère ses conclusions tendant à la confirmation du jugement entrepris et y ajoutant, à voir :

"- constater que la SA MLI Services ne justifie pas de la régularité de son approvisionnement en véhicules neufs, mais qu'il résulte du dossier que son approvisionnement est illicite et son activité de revente constitutive de concurrence déloyale au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation entérinée par la loi du 1er juillet 1996.

En conséquence,

- dire que la SA MLI Services devra s'abstenir sous astreinte de 50 000 F par infraction de toute publicité et de toute commercialisation de véhicules neufs dont elle ne peut pas, sur simple sommation d'huissier justifier de l'origine régulière, c'est-à-dire l'approvisionnement dans le cadre d'une activité de mandataire dûment énoncée au public et client potentiel avec mandat préalable régulier, ou l'approvisionnement auprès du constructeur (à supposer que celui-ci veuille bien l'approvisionner),

- dire que la SA MLI Services devra s'abstenir sous la même astreinte de toute publicité comparative de prix,

- confirmer la condamnation à 200 000 F de dommages et intérêts et y ajouter une condamnation supplémentaire à 250 000 F pour les agissements persistants de concurrence et captation de clientèle avec volonté délibérée de contourner frauduleusement les dispositifs du jugement assorti de l'exécution provisoire,

- confirmer la condamnation à 15 000 F au titre de l'article 700 et y ajoutant celle de 30 000 F pour les frais irrépétibles exposés devant la Cour,

- condamner MLI Services aux dépens".

Par mémoires datés des 18 septembre et 13 novembre 1996, la SA MLI Services réitère ses conclusions, y ajoutant celles tendant à la condamnation de la société Alsauto à lui payer à titre de dommages et intérêts la somme de 100 000 F assortie des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, ainsi qu'à lui restituer la somme de 200 000 F correspondant aux dommages et intérêts alloués en première instance, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

Après rappel des moyens qu'elle a développés, elle précise que par arrêt du 9 juillet 1996, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'Appel de Poitiers du 14 mars 1994, dont se prévalait la société Alsauto et que le moyen de cette dernière fondé sur l'article 14 de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996 ne peut prospérer parce que :

- la loi du 1er juillet 1996 modifiant l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'a pas d'effet rétroactif,

- le réseau de distribution sélective auquel appartient la société Alsauto ne bénéficie aucunement, eu égard à la jurisprudence de la Cour de Luxembourg de l'exemption découlant du règlement n° 123-85 de la commission en date du 12 décembre 1984,

- enfin, parce que la nouvelle rédaction de l'article 36 de l'ordonnance de 1986 est en totale contradiction avec la réglementation communautaire en matière de concurrence et s'analyse en une mesure d'effet équivalent à une restriction quantitative à l'importation, prohibée par les articles 30 et suivants du Traité de Rome, raison pour laquelle elle a quant à elle saisi la commission d'une plainte à l'encontre de la France le 5 juillet 1996.

Elle qualifie la demande persistante de la société Alsauto malgré les différents arrêts intervenus, d'abusive, justifiant sa demande de 100 000 F à titre de dommages et intérêts, rappelant que par suite du rejet de sa demande d'arrêt d'exécution provisoire elle a dû régler à la société adverse la somme de 200 000 F à laquelle elle a été condamnée par le premier juge.

Par note en délibéré du 4 juillet 1997, la SA Alsauto a produit un nouvel arrêt rendu par la Cour d'Appel de Poitiers le 24 juin 1997 et par note en délibéré en réponse, la SA MLI Services a précisé que cet arrêt a été immédiatement frappé de pourvoi selon acte du 26 juin 1997, joignant à sa note les pièces justificatives dudit pourvoi.

Sur ce,

Vu le dossier de la procédure, les pièces régulièrement versées aux débats et les écrits des parties auxquels il est référé pour plus ample exposé de leurs moyens et arguments ;

Attendu qu'il résulte de l'extrait du Registre du Commerce et des Sociétés KBis, que la société Marc Léon International Services (MLI Services) exerce l'activité de négociant, intermédiaire, mandataire dans le domaine de l'automobile ;

Qu'elle reconnaît importer pour les revendre en France des véhicules automobiles de différentes marques ;

Que la société Alsauto, laquelle l'a assignée en concurrence déloyale, a versé aux débats son contrat de concessionnaire exclusif Citroën sur le secteur territorial de Colmar et des cantons avoisinants ;

Qu'aux termes de l'article 1er de ce contrat, le constructeur a concédé au concessionnaire le droit de revendre à l'utilisateur final des véhicules neufs, pièces de rechange, accessoires et équipements fournis par lui et figurant dans ses tarifs ainsi que le droit d'action commerciale y correspondant, l'article 2 disposant que le concessionnaire bénéficiera du droit exclusif d'implantation et d'action commerciale dans le territoire contractuellement défini ;

Que ce contrat est un contrat type, dont dispose chaque concessionnaire Citroën, la seule variante étant le secteur territorial ;

Que l'appartenance de la société Alsauto au réseau de distribution Citroën s'avère incontestable ;

Qu'en ce qui concerne la licéité de ce réseau, il y a lieu de rappeler que l'article 85 du Traité du 25 mars 1957 instituant la CEE interdit tous accords entre entreprises, qui ont pour objet et pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun ;

Que cependant, le règlement CEE n° 123-85, pris dans le cadre des dispositions du Traité prévoit des exemptions aux règles de l'article 85 relativement au secteur du marché de l'automobile ; qu'ainsi "Les clauses concernant la distribution exclusive et sélective doivent être tenues pour rationnelles et indispensables dans le secteur des véhicules automobiles qui sont des biens meubles de consommation d'une certaine durabilité nécessitant à intervalles réguliers comme à des moments imprévisibles et en des lieux variables des entretiens et des réparations spécialisées. Les constructeurs automobiles coopèrent avec les distributeurs et ateliers sélectionnés afin d'assurer un service de vente et d'après vente spécialement adapté aux produits ..." ; qu'aucune disposition dudit règlement ne prohibe cependant l'exercice du négoce automobiles par un opérateur indépendant, ni ne l'astreint à des conditions particulières ;

Que si selon l'article 3.11 du règlement CEE n° 123-85 "l'exemption accordée au titre de l'article 85 paragraphe 3 du Traité CEE s'applique également lorsque l'engagement décrit à l'article 1er lié à l'engagement du distributeur ... de ne vendre les véhicules automobiles de la gamme visée par l'accord ou des produits correspondants à des utilisateurs finals utilisant les services d'un intermédiaire, que si ces utilisateurs ont auparavant mandaté par écrit l'intermédiaire pour acheter, en cas d'enlèvement par celui-ci pour prendre livraison d'un véhicule automobile déterminé", cette disposition ne concerne que les rapports constructeurs et distributeurs et se limite à autoriser ceux-ci, liés par un contrat de distribution à inclure dans leurs accords une interdiction faite au distributeur "qui a signé le contrat" de vendre à un intermédiaire non muni d'un mandat de l'utilisateur final mais cette disposition n'interdit pas le commerce de voitures automobiles par un opérateur indépendant de ce réseau de distribution ;

Que si la société Alsauto se réfère à une communication de la Commission des Communautés de décembre 1991 précisant les modalités d'exercice de l'activité des mandataires, les communications de la commission ne sont pas des actes ayant une portée normative et seul le règlement est applicable par un juge national ;

Qu'en l'espèce, la société Alsauto reproche à la société MLI Services son activité d'importateur parallèle, faisant état d'une intrusion fautive dans le réseau de distribution sélective mis en place par la SA Automobiles Citroën, dont la SA Alsauto est l'un des concessionnaires ;

Que cependant, par deux arrêts de principe du 15 février 1996, la Cour de Luxembourg a dit pour droit que "le règlement CEE n° 123-85 de la commission du 12 décembre 1984 concernant l'application de l'article 85, paragraphe 3, du Traité CEE à des catégories d'accord de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'un opérateur, qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée, ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3.11 de ce règlement, se livre à une activité de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque" (affaire C 226/94), ajoutant dans l'affaire C 309/94 que "ledit règlement ne fait pas obstacle "à ce qu'un opérateur, qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3.11 de ce règlement se livre à une activité d'importation parallèle et de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque ni à ce que cet opérateur "cumule les activités d'intermédiaire mandaté et celles de revendeur non agréé de véhicules provenant d'importation parallèle" ;

Qu'en l'espèce, les premiers juges ont interprété le règlement CEE n° 123-85, alors qu'en application de l'article 177 du Traité CEE, la Cour de Justice des Communautés a compétence exclusive pour interpréter les actes des instituions de la Communauté ;

Qu'au regard de la réglementation communautaire telle qu'interprétée par la Cour de Justice, un réseau de distribution sélective dans le secteur de l'automobile ne peut faire obstacle à une activité d'importation parallèle exercée par un opérateur indépendant ;

Que les développements de la société Alsauto relatifs au fait que la société MLI Services vendait des véhicules neufs, qu'elle se serait frauduleusement procurée s'avèrent sans emport ;

Qu'au surplus, il y a lieu de relever que la société MLI Services a clairement indiqué l'origine des véhicules litigieux et le seul fait pour elle d'avoir traité avec un concessionnaire Citroën implanté en Espagne ne constitue pas une manœuvre déloyale, pas plus que le fait de cumuler les activités d'intermédiaire mandaté et celles de revendeur non agréé de véhicules provenant d'importation parallèle;

Que par arrêt du 9 juillet 1996, la Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour de Poitiers du 14 mars 1994 se fondant sur l'interprétation par la CJCE dans deux arrêts du 15 février 1996 du règlement n° 123-85 de la Commission, règlement qui doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'un opérateur qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée, ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3.11 de ce règlement se livre à une activité d'importation parallèle et de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque et que ce règlement ne s'oppose pas davantage à ce que cet opérateur cumule les activités d'intermédiaire mandaté et celles de revendeur non agréé des véhicules provenant d'importation parallèle ;

Que selon ce même arrêt, le défaut d'étanchéité d'un réseau de distribution ne peut être reproché à l'opérateur indépendant qui a traité avec un concessionnaire, dès lors qu'il a quant à lui acquis régulièrement les véhicules ;

Qu'en conséquence, la société MLI Services n'a commis aucun acte de concurrence déloyale au regard des textes en vigueur et de la jurisprudence aussi communautaire que nationale;

Attendu que la SA Alsauto ayant aussi invoqué les dispositions de l'article 14 de la loi n° 96-588 du 1er juillet 1996, il convient de relever d'une part que cette loi modifiant l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 n'a pas d'effet rétroactif et d'autre part qu'une plainte a été enregistrée sous le n° 96/4527 à l'encontre la France dès le 5 juillet 1996, ladite loi étant qualifiée de restriction quantitative à l'importation, mesure prohibée par les articles 30 et suivants du Traité de Rome ;

Attendu qu'en ce qui ce concerne les publicités "comparatives de prix" que la société Alsauto reproche à la société appelante, il convient de relever que ni l'annonce parue dans le PAC du 2 juin 1993, ni les offres écrites de vente d'août et septembre 1993 ne mentionnent, ni à fortiori ne dénigrent la société Alsauto et qu'elle ne peuvent donc fonder une action en concurrence déloyale ;

Attendu en conséquence, qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter la société Alsauto de l'intégralité de sa demande ; que la condamnation de la société Alsauto à restituer à la société MLI Services la somme de 200 000 F correspondant aux dommages et intérêts qui lui ont été alloués en première instance s'impose, le jugement déféré ayant été exécuté, la demande en sursis exécution formée par la société MLI Services ayant été rejetée ;

Attendu que la société MLI Services réclame ne outre 100 000 F à titre de dommages et intérêts, ne fournissant cependant aucun justificatif du préjudice, dont elle fait état ;

Que le seul fait que l'action dirigée à son encontre par la société Alsauto ne soit pas fondée n'est pas constitutif d'abus de droit justifiant l'octroi de dommages et intérêts ; qu'en effet, d'une part l'exercice d'un droit ne constitue une faute que lorsque le titulaire de ce droit en fait à des fins de nuire un usage préjudiciable à autrui, d'autre part, la société MLI Services ne justifie d'aucun préjudice ;

Qu'il y a donc lieu de débouter la société MLI Services de sa demande de dommages et intérêts ;

Attendu par contre qu'il y a lieu de condamner la société Alsauto dont la demande était mal fondée à supporter les entiers frais et dépens ainsi qu'à payer à la société MLI Services une somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 700 du NCPC.

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Déclare l'appel interjeté par la SA Marc Léon International Services contre le jugement prononcé le 3 février 1995 par la Chambre commerciale du Tribunal de grande instance de Colmar régulier et recevable en la forme, Le dit bien fondé, Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute la SA Alsauto des fins de sa demande, La condamne à restituer à la SA Marc Léon International Services (MLI Services) la somme de 200 000 F (deux cent mille francs) correspondant aux dommages et intérêts alloués en première instance, avec les intérêts au taux légal à compter de ce jour, Déboute la SA MLI Services de sa demande de dommages et intérêts, Condamne la SA Alsauto à supporter les entiers frais et dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à la SA MLI Services une somme globale de 15 000 F (quinze mille francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Déboute les parties de toutes leurs autres conclusions.