CA Lyon, 1re ch., 11 juin 1998, n° 96-06605
LYON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Association Boule Union française
Défendeur :
Forez Boissons (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mermet
Conseillers :
M. Durand, Mme Biot
Avoués :
Mes Guillaume, Ligier de Mauroy
Avocats :
Mes Trombetta, Mages.
Faits, procédure et prétentions des parties :
La société Forez Boissons, a conclu, le 29 mars 1991, avec l'Association Boule Union Française un contrat d'achat exclusif de boissons d'une durée de 5 ans en contrepartie d'une participation aux transformations de l'établissement de débit de boissons de l'association d'un montant de 10 000 F.
Le contrat a été exécuté jusqu'au 2 juin 1995, date à laquelle l'association s'est approvisionnée auprès d'un autre fournisseur.
La société Forez Boissons a mis en demeure l'association de lui payer la somme de 27 666 F représentant le montant de l'indemnité de résiliation puis le 29 septembre 1995 l'a assignée devant le Tribunal d'instance de Saint-Etienne en paiement de cette somme outre intérêts à compter de la mise en demeure du 13 juillet 1995, en restitution du matériel mis à sa disposition et paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La défenderesse a conclu à la nullité du contrat.
Par jugement du 27 août 1996, le tribunal a fait droit à la demande en paiement et à la demande en restitution du matériel, sous peine d'astreinte.
L'Association Boule Union Française a relevé appel de cette décision.
Elle soutient que le contrat est nul pour absence de contrepartie sérieuse assimilable à une absence de cause et existence d'une relation tripartite ; que le seul avantage contractuel, la participation financière de 10 000 F représente 1,17 % du chiffre d'affaires moyen réalisé sur 5 ans (850 000 F TTC) somme qui est tout à fait insuffisante eu égard aux usages constants en la matière qui admettent une participation de l'ordre de 5 % ; que les autres avantages dont la société Forez Boissons fait état ne sont pas visés dans le contrat et existent depuis près de 20 ans de sorte qu'ils ne peuvent pas être pris en compte ; que la tireuse pression et le prêt de bancs font partie de l'exécution normale d'une distribution de boissons.
L'appelante considère que le talon du chèque et le relevé de compte de Forez Boissons à la Société Générale qui mentionne un chèque de 10 000 F n'atténue pas son doute sur " l'émetteur originel de la participation qui ne serait autre que la société Brasserie Cardinal " ; qu'en effet le contrat comprend une clause non ratifiée par la concluante selon laquelle la société Forez Boissons s'engage auprès de la Brasserie Cardinal à recouvrer auprès du client les sommes dues en cas de rupture avant l'échéance ou de non reprise du contrat par le nouvel acquéreur et la concluante, a reçu, le 15 novembre 1995, un courrier d'Arcane Juris faisant état d'un contrat entre la concluante et la Brasserie Cardinal et rappelant les sommes reçues (sous-entendu de Brasserie Cardinal).
Elle fait valoir que la société Forez Boissons dont les vins livrés étaient d'une qualité médiocre, qui livrait avec retard et qui le 31 mai 1995 n'a rien livré, a manqué à ses obligations de sorte que la concluante a dû s'adresser à un autre fournisseur.
Elle conclut au rejet des demandes et sollicite la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Forez Boissons conclut à la confirmation du jugement sollicite la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle soutient qu'il n'existe aucun usage fixant la contrepartie financière du fournisseur à 5 % du chiffre d'affaires, que la seule contrepartie peut être le cautionnement du fournisseur ; qu'en application des pratiques courantes en matière d'accords d'achat exclusif de boissons elle a mis à la disposition de l'association un appareil de tirage de bière pression, des bancs et une enseigne, lui a consenti des remises importantes 10 % en 1991 et 1992 puis 5 % ; qu'elle a participé à des manifestations sportives organisées par l'association à partir de 1990.
L'intimée conteste ne pas s'être acquittée de ses obligations de fournisseur.
Elle estime qu'il n'existe aucun doute sur le fait qu'elle a réglé la somme de 10 000 F le 2 avril 1991 sur son compte à la Société Générale.
L'appelante observe que l'intimée ne s'est pas expliquée sur la lettre d'Arcane Juris ni sur la mention in fine du contrat.
A titre subsidiaire, elle conclut à la réduction de l'indemnité accordée à la société Forez Boissons au titre de la clause pénale et sollicite la somme de 12 500 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'intimée réplique que la société Cardinal dont les boissons n'étaient plus fournies depuis 1991 n'aurait pas manqué de réagir dès cette époque si elle avait participé aux avantages consentis à l'association.
Elle s'oppose à la réduction de la clause pénale en observant que l'appelante a rompu le contrat unilatéralement et gardé du matériel pendant 18 mois.
Motifs et décision :
Attendu que la dernière mention du contrat de fournitures exclusive de bières Cardinal relative à l'engagement de la société Forez Boissons auprès de la Brasserie Cardinal à recouvrer auprès du client l'indemnité due en cas de rupture du contrat et le courrier du 15 novembre 1995 d'une société d'avocats adressé à l'association pour le compte de la Brasserie Cardinal démontrent que celle-ci a participé aux avantages concédés par l'entrepositaire Forez Boissons et que le contrat a instauré une relation tripartite ;
Attendu cependant que l'appelante qui invoque le droit communautaire de la concurrence et spécialement l'article 85 du traité, n'allègue ni ne démontre que ce contrat triparti aurait pour objet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun ;
Attendu que la participation financière pour 10 000 F aux transformations du débit de boissons de l'association constitue, au vu des livraisons effectuées une contrepartie suffisante à l'exclusivité de la fourniture de bière ;
Attendu que dans ces conditions la demande tendant à la nullité du contrat sera rejetée ;
Attendu que l'appelante qui avant de rompre le contrat, n'a pas adressé de réclamations à son fournisseur sur la qualité des produits livrés, ne justifie pas d'une mauvaise exécution des prestations de la société Forez Boisson ;
Attendu que l'intimée est fondée à invoquer la clause d'indemnité prévue au cas de rupture du contrat ;
Attendu que les parties considèrent l'une et l'autre que l'indemnisation contractuelle s'analyse comme une clause pénale ; qu'il convient de faire application de la convention des parties sans modifier cette clause ;
Attendu que dans ces conditions le jugement sera confirmé ;
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à l'intimée la charge des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés ;
Par ces motifs, La Cour, Confirme le jugement entrepris, Condamne l'Association Boule Union Française à payer à la société Forez Boissons la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux dépens d'appel, avant dire droit de recouvrement direct au profit de Maître Ligier de Mauroy, avoué.