CA Paris, 5e ch. B, 26 mars 1999, n° 1996-88407
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Perney (ès qual.), Dominique Chardon (EURL)
Défendeur :
Uni Centre Promotion (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Leclercq
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffault
Avoués :
SCP Varin-Petit, Me Baufume
Avocats :
Mes Lequillerier, Leenknegt.
LA COUR est saisie de l'appel interjeté par Me Jean-Pierre Perney, mandataire judiciaire à la liquidation de l'EURL Dominique Chardon, d'un jugement contradictoire du 9 septembre 1996 du Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige l'opposant à la SA Uni Centre Promotion à l'occasion de la conclusion et de l'exécution d'un contrat de franchise, l'a débouté de ses demandes et l'a condamné à verser à l'intimée une indemnité de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
L'appelant, ès qualités de liquidateur de l'EURL Dominique Chardon qui avait conclu en octobre 1992 avec la société Uni Centre Promotion un contrat de franchise de conseil en relations psychomatrimoniales et a déposé son bilan au mois de juillet 1994, fait valoir au soutien de son recours :
- que les pertes d'exploitation de l'EURL Dominique Chardon dont l'ampleur dément la prévision d'un bénéfice de 318 160 F par an émise par le franchiseur, sont imputables à l'erreur grossière que le franchiseur a commise en ne tenant pas compte dans son étude de faisabilité de cette " banalité affligeante " qu'est l'appartenance sociale peu propice des clients potentiels de l'agence,
- que la société Uni Centre Promotion n'a pas respecté les dispositions réglementaires d'application de la loi Doubin du 31 décembre 1989.
Me Jean-Pierre Perney ès qualités demande à la Cour d'infirmer la décision du Tribunal et :
- à titre principal de dire que l'intimée a commis une faute dans l'exécution de ses obligations d'information et de la condamner à lui verser 500 000 F de dommages-intérêts avec intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir,
- à titre subsidiaire de constater la nullité du contrat de franchise pour violation des dispositions de la loi précitée et de son décret d'application et de condamner le franchiseur à lui rembourser :
* droit d'entrée 118 600 F,
* redevances 198.535 F,
* frais de publicité 145 566 F,
- en tout état de cause de condamner l'intimée à lui régler une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sollicitant pour sa part la confirmation de la décision du Tribunal et la condamnation de l'appelant ès qualités à lui verser une indemnité complémentaire de 10 000 F au titre de ses frais irrépétibles, la société Uni Centre Promotion réplique :
- que le franchiseur qui n'était pas tenu à une obligation de résultat, a remis à l'EURL Dominique Chardon une étude tout à la fois " renseignée par des références statistiques précises et incontestables (Credoc, Insee, etc...) " et objective, tenant compte du déséquilibre des sexes et du pourcentage de recours des personnes seules à une agence matrimoniale,
- que son " prévisionnel " de 318 160 F correspond à un chiffre d'affaires réalisé sur la base de 180 contrats annuels d'un montant HT de 7 820 F et a été établi en fonction de la moyenne des cabinets implantés sur des zones de chalandise équivalentes et de la population des célibataires du secteur considéré, et n'avait fait l'objet d'aucune contestation jusque là,
- que l'échec de l'EURL Dominique Chardon est dû aux carences du franchisé dans l'installation de son cabinet, à son manque de dynamisme et à l'insuffisance des honoraires facturés qui ne couvraient pas les charges fixes estimées par le contrat,
- qu'ayant explicitement reconnu que, conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1989, elle avait obtenu toutes les informations prévues pendant la période contractuelle, l'appelante est d'autant moins fondée à obtenir l'annulation du contrat qu'elle ne démontre pas l'existence d'un vice du consentement.
Sur ce :
Considérant qu'avant la signature du contrat de franchise le 16 octobre 1992 la société Uni Centre Promotion a remis à Dominique Chardon un document contenant, outre une présentation de la franchise et du marché de la solitude en général, des informations chiffrées sur l'implantation envisagée avec le nombre d'habitants susceptibles d'être concernés, leur répartition en célibataires, veufs et divorcés ainsi que le nombre mensuel envisageable de contrats " compte tenu de l'expérience du développement de la profession " ; qu'étaient aussi joints un état de la concurrence et un compte prévisionnel dégageant un résultat bénéficiaire de 318 160 F pour un total de produits d'1 196 460 F et de charges de 878 300 F ;
Considérant que si l'appelante qui n'avait jusqu'alors formulé aucune critique, invoque une faute que le franchiseur aurait commise dans l'élaboration de son étude de marché, force est de constater qu'elle ne verse aux débats aucun document, en particulier d'ordre statistique ou comptable, de nature à établir le bien fondé de ses allégations et de ses critiques ;
Qu'à l'inverse la société Uni Centre Promotion qui ne s'est pas engagée sur un résultat, justifie de ce que la franchisée qui a succédé à l'EURL Dominique Chardon, a obtenu dès le début de son activité des résultats satisfaisants sur le même secteur sans toutefois atteindre le chiffre d'affaires trop optimiste prévu ;
Considérant par ailleurs que le franchiseur démontre par la production de rapports d'intervention et d'une correspondance circonstanciée qu'il rendait chaque mois visite à l'EURL Dominique Chardon, lui a prodigué de nombreux conseils en vue du développement de son activité, allant de l'aménagement du cabinet, à la publicité et la relance des " prospects ", et l'a mise en garde contre l'insuffisance des honoraires facturés ; qu'il n'apparaît pas que ces recommandations aient été suivies d'effet à tel point que le 3 juin 1993 Michel Crespel, responsable régional de la société Uni Centre Promotion, observait : " le cabinet n'a pas évolué depuis mon dernier passage. L'ensemble est statistique et non pas dynamique " ;
Considérant que l'échec de l'EURL Dominique Chardon apparaît être la conséquence non d'une défaillance du franchiseur dans l'établissement de son étude sur " l'état et les perspectives de développement du marché concerné " (article 1er de la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989) et dans son assistance au franchisé mais d'une carence de l'EURL Dominique Chardon dans l'exercice de son activité professionnelle ;
Considérant que Me Jean-Pierre Perney ès qualités ne peut sérieusement obtenir l'annulation du contrat pour violation des dispositions de la loi Doubin et de son décret d'application puisqu'il n'allègue ni ne démontre que le défaut d'information invoqué a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé ;
Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Uni Centre Promotion une indemnité complémentaire de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Considérant que l'appelante, partie perdante, ne peut obtenir le remboursement de ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs, Confirme le jugement déféré et, y ajoutant, condamne Me Jean-Pierre Perney, ès qualités, à verser à la société Uni Centre Promotion une indemnité complémentaire de 6 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne Me Jean-Pierre Perney, ès qualités, aux dépens de première instance et d'appel ; admet Me Olivier Baufume, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.