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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 16 juin 1999, n° 98000886

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cinq sur Cinq (SARL)

Défendeur :

Frankel

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Frizon de Lamotte

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

SCP Boyreau, Michel-Puybaraud

Avocats :

Mes Loco, Sirgue, Nunez.

T. com. Bordeaux, du 15 déc. 1997

15 décembre 1997

Par jugement du 15 décembre 1997, le Tribunal de commerce de Bordeaux a condamné la société Cinq sur Cinq à payer à M. Frankel la somme de 264 868,49 F représentant deux factures de commissions du 25 octobre 1996 dues pour la conclusion de deux affaires immobilières dans la ville de Tarascon, outre 3 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a ordonné l'exécution provisoire sous réserve pour M. Frankel de constituer caution à hauteur de 260 000 F.

La SARL Cinq sur Cinq a interjeté appel, le 5 février 1998, conclu le 5 juin 1998 à la réformation du jugement, à la condamnation de M. Frankel à lui payer 10 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 20 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; elle conteste être redevable d'une quelconque somme, en l'absence de tout lien contractuel avec M. Frankel ; elle dit avoir un seul agent commercial, M. Heddebaut, à qui elle a versé les commissions dues pour les deux affaires ; elle invoque l'absence de preuve d'un mandat donné à un moment quelconque à M. Frankel, en fait collaborateur de M. Heddebaut, à qui il lui appartient de réclamer sa part de commission.

M. Frankel, par conclusions du 13 octobre 1998, demande la confirmation du jugement ; il soutient que, même si aucun contrat n'a été signé, il a déployé une activité au seul bénéfice de la société Cinq sur Cinq justifiant une rémunération ; formant appel incident, il sollicite 50 000 F en réparation de son préjudice, 10 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu que la société Cinq sur Cinq, qui a le statut de promoteur immobilier, commercialise des biens dans le cadre d'investissements à caractère de défiscalisation ;

Attendu qu'aux termes d'un contrat d'agent commercial signé le 1er février 1996, la SARL Cinq sur Cinq, représentée par sa gérante Mme Tilliet a confié à M. Heddebaut le mandat de réaliser au nom et pour son compte les opérations portant sur les immeubles, fonds de commerce et toutes opérations relatives à l'activité immobilière, le mandataire procédant à la recherche de vendeurs, d'acheteurs, de propriétaires ou d'apporteurs d'affaires pour le compte du mandant et s'efforçant d'obtenir la signature des mandats et des engagements des parties ; que le mandataire peut " prospecter auprès de toute personne et sur tout le territoire national " ;

Que ce contrat n'exclut pas que le mandant ait d'autres mandataires que M. Heddebaut ;

Attendu que la loi de 1991 sur les agents commerciaux n'exige pas la signature d'un contrat écrit;

Attendu queM. Frankel est inscrit au registre spécial des agents commerciaux depuis le 10 août 1994 ;

Attendu que M. Frankel a versé aux débats des documents établis sur papier à en tête de Cinq sur Cinq démontrant qu'en octobre 1996 il a pris contact avec toutes personnes susceptibles d'être intéressées par le projet de réhabilitation de l'Hôtel de Laudun ou de Rouet à Tarascon, comportant un programme immobilier dans un immeuble classé Monument Historique permettant à l'investisseur d'imputer sur son revenu global le déficit foncier résultant de l'opération de réhabilitation immobilière ainsi que la totalité des intérêts d'emprunts sans plafond ; que M. Frankel a adressé des études financières ; que Cinq sur Cinq ne conteste pas la réalité de ces prestations, mais nie tout lien juridique avec M. Frankel, qui aurait été en fait collaborateur de M. Heddebaut ;

Que toutefois, M. Heddebaut a attesté le 26 juin 1997 que M. Frankel a travaillé comme agent commercial pour la SARL Cinq sur Cinq, mais n'a jamais obtenu la signature de son contrat ; qu'il certifie que M. Frankel ne travaillait pas pour lui en tant que sous-agent ou apporteur d'affaires, mais pour la SARL Cinq sur Cinq ;

Que la Mairie de Tarascon, le 11 mars 1996, a écrit à M. Frankel au Cabinet d'Architecture Imhotep place Tilliet 37 quai des Chartrons, soit l'adresse également de Cinq sur Cinq, étant observé que Mme Tilliet, mais aussi M. Tilliet ont rencontré les divers intervenants à l'opération de Tarascon ;

Que M. Lafitte Trouqué, de l'agence 33, a certifié que Mme Tilliet, de Cinq sur Cinq, lui avait présenté M. Frankel " en tant que son collaborateur " ; que M. Ballet-Bassinet, de la société de gestion de patrimoine-courtage en assurances de personne, atteste avoir été reçu par M. Frankel pour lui présenter des programmes immobiliers en rénovation dans les bureaux de M . et Mme Tilliet, responsables de Cinq sur Cinq, 37 quai des Chartrons ; que M. Maitre, expert-comptable, dit avoir également rencontré M. et Mme Tilliet à qui il a exposé des possibilités d'intervention de son cabinet dans le cadre des programmes de vente d'investissements défiscalisants, dont M. Frankel s'occupait au sein de cette société ;

Qu'il est ainsi démontré que M. Frankel, qui écrivait sur papier à en-tête de Cinq sur Cinq, apparaissait aux yeux des personnes négociants ou contractant avec Cinq sur Cinq comme l'agent de cette société, laquelle ne démontre pas avoir protesté contre cette situation dont elle était parfaitement informée au vu des attestations ; que Cinq sur Cinq a laissé M. Frankel se présenter et agir envers autrui comme son agent commercial ainsi que l'on dit les premiers juges, alors qu'elle ne pouvait ignorer l'activité de M. Frankel à son profit ;

Que Cinq sur Cinq produit une attestation du PDG de Cincinnatus SA, très satisfait de sa collaboration avec Mme Tilliet, qui a toujours honoré ses factures pour la commercialisation des produits de Cinq sur Cinq ; que le rédacteur de cette attestation dit avoir " souhaité éviter de collaborer avec des agents commerciaux qui disaient travailler pour elle, MM. Heddebaut et Frankel, cela compte tenu de leur faible surface financière, de leur notoriété et de leur manque d'efficacité chronique " ; que cette attestation, si elle la critique, confirme l'activité d'agent commercial de M. Frankel pour Cinq sur Cinq ; que les nombreuses attestations et documents versés par celui-ci démontrent au contraire l'aboutissement de cette activité à des résultats concrets qui ont bénéficié à Cinq sur Cinq;

Attendu, ainsi, que M. Frankel établit sa qualité d'agent commercial de la société Cinq sur Cinq ;

Attendu que M. Frankel a établi le 25 octobre 1996 une facture de commissions ventes, relative au Presbytère Saint-Jacques à Tarascon de 176 090,99 F ; que le détail du montant total des commissions 707 318 F TTC, et leur répartition entre le Cabine Cinccinatus, l'Agence Bouet et Gérard Heddebaut / Claude Frankel, la part revenant à ceux-ci étant fixée à 352 181,98 F, n'est pas discutée ; que le règlement fait à M. Heddebaut de ses commissions, dont il n'est pas démontré qu'il s'élève à 352 181,98 F, n'exclut donc pas le règlement au profit de M. Frankel de 176 090,99 F, dont Cinq sur Cinq ne justifie pas du paiement ;

Que la facture de commissions ventes concernant l'affaire 10 rue Edouard Millaud Tarascon, de 88 777,50 F, a été établie le 25 octobre 1996 ; que le détail du calcul des commissions totales n'est pas critiqué, ni le montant de la somme de 177 555 F due à MM. Heddebaut et Frankel ; que les honoraires de M. Heddebaut ont été chiffrés suivant annexe au contrat d'agent commercial du 14 février 1997 à 90 447 F ; que Cinq sur Cinq ne justifie pas du versement de la différence, soit la somme de 88 777,50 F, due à M. Frankel ;

Attendu que M. Frankel est donc créancier de la somme totale de 264 868,49 F au titre des commissions ;

Attendu que M. Frankel ne justifie pas plus devant la cour que devant le tribunal d'un préjudice équivalent à sa demande de 50 000 F de dommages-intérêts qui est donc rejetée ;

Attendu que le jugement est confirmé en toutes ses dispositions ;

Attendu que la société Cinq sur Cinq, qui succombe, doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel ;

Qu'il serait équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles de procédure ;

Par ces motifs : La cour, Dit la SARL Cinq sur Cinq mal fondée en son appel ; Confirme le jugement ; Y ajoutant, Condamne la société Cinq sur Cinq à payer à M. Frankel 8 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Condamne la société Cinq sur Cinq aux entiers dépens, application étant faite des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.