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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 29 septembre 1999, n° 1997-13699

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Cap Conseil (SA)

Défendeur :

Billioud (ès qual.), Dixit (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jabert, Percheron

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Gibou-Pignot-Grappotte-Benetreau

Avocats :

Mes Covillard, Nicolet.

T. com. Paris, 7e ch., du 25 juin 1996

25 juin 1996

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la société Cap Conseil (Radio Nostalgie) à l'encontre du jugement rendu le 25 juin 1996 par le tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige l'opposant à la société Dixit et au commissaire à l'exécution du plan de cession de celle-ci au sujet de l'exécution d'un contrat de franchise portant sur la diffusion de programmes radiophoniques à Villefranche sur Saône, site sur lequel Radio Nostalgie n'a pas eu l'autorisation d'émettre, a :

- rejeté l'exception de litispendance soulevée par la société Cap Conseil,

- déclaré que Monsieur Billioud, ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession de la société Dixit avait qualité pour agir,

- débouté ces derniers de leurs demandes d'expertise et de sursis à statuer,

- condamné la société Cap Conseil à leur payer la somme de 478 752,07 assortie des intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- condamné la société Dixit et Monsieur Billioud, ès-qualités, à payer à la société Cap Conseil la somme de 371 218 F avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 1995,

- débouté les parties de leurs autres demandes et partagé par moitié la charge des dépens.

LA COUR

Vu les conclusions signifiées le 2 juin 1999 par la société Cap Conseil-Radio Nostalgie par lesquelles elle demande à la Cour :

- de constater au visa des articles 88 de la loi du 25 janvier 1985 et 1844-7.7 du Code Civil, que Monsieur Billioud, ès-qualités, n'a plus qualité pour agir et de constater que la société Dixit est irrecevable pour défaut d'existence légale,

- de dire et juger en conséquence la demande irrecevable,

- infiniment subsidiairement sur le fond, de réformer le jugement déféré en ce qu'il a accueilli la demande de la société Dixit et de Monsieur Billioud et l'a condamnée à payer la somme de 468 751,07 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

- de les débouter de leurs demandes en les disant mal fondées,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à sa demande reconventionnelle et constatant que dans le cadre de la poursuite de l'exploitation, la société Dixit a continué à bénéficier des prestations de la société Cap Conseil sans être réglée,

- de condamner la société Dixit et Monsieur Billioud, ès-qualités, à lui payer la somme de 371 218 F avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 1990 au titre de sa créance de l'article 40,

- infiniment subsidiairement, constatant qu'il n'existe pas de préjudice, de débouter la société Dixit de sa demande ou, en toute hypothèse, de la diminuer très sensiblement,

- plus subsidiairement encore, de constater la compensation des sommes qui pourraient être dues par Cap Conseil à Dixit avec les sommes dues par celle-ci à Cap Conseil,

- de condamner Dixit assistée de Monsieur Billioud, ès-qualités, au paiement de la somme de 30 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

Vu les conclusions signifiées le 22 juin 1999 par la société Dixit et Monsieur Billioud, ès-qualités, par lesquelles ils prient la Cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Cap Conseil-Radio Nostalgie à payer à la société Dixit la somme de 478 752,07 F HT outre les intérêts au taux légal,

- de débouter la société Cap Conseil de son appel et faisant droit à leur appel incident, de :

réformer pour le surplus le jugement dont appel,

condamner la société Cap Conseil à payer à Dixit une provision d'un million de francs à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice,

désigner un expert afin d'établir contradictoirement le quantum de son préjudice, de déterminer le quantum de la réduction générale de franchise pratiquée par Radio Nostalgie en 1989 et en 1990 et de donner son avis sur les redevances qu'elle aurait dû normalement acquitter,

surseoir à statuer sur la demande reconventionnelle de Cap Conseil,

la condamner au paiement d'une indemnité de 50 000 F au titre de leurs frais irrépétibles ;

Sur ce

Considérant que le 17 mars 1988, la SA Dixit a conclu avec la société Cap Conseil aujourd'hui Radio Nostalgie, trois contrats de franchise relatifs à la diffusion de ses programmes radiophoniques sur les sites de Vienne, de Saint-Étienne et de Villefranche-sur-Saône ; que chacune de ces conventions a donné lieu à l'établissement d'un contrat d'abonnement et d'un cahier des charges relatifs aux décrochages locaux du programme Radio Nostalgie ;

Qu'en septembre 1988, Radio Nostalgie s'est vue refuser par la CNCL l'autorisation d'émettre sur le site de Villefranche/Saône qu'elle avait concédé à la SA Dixit laquelle avait commencé l'exploitation de la fréquence, originalement concédée, en avril 1988 ; que la SA Dixit, qui exploitait les stations locales de Vienne et de Saint Etienne, a été mise en redressement judiciaire le 27 juin 1989 par le tribunal de commerce de Vienne ; que ce même tribunal a, par jugement du 10 juillet 1990, homologué le plan de redressement de celle-ci par cession ;

Considérant que la SA Dixit et Monsieur Billioud agissant en qualité de " mandataire liquidateur " ont, le 15 mai 1995, fait assigner Cap Conseil-Radio Nostalgie en indemnisation du préjudice causé à la société du fait des manquements de celle-ci à ses obligations contractuelles au titre du contrat de franchise relatif au site de Villefranche-sur-Saône devant le tribunal de commerce de Paris, qui a rendu le jugement dont appel ;

Sur la recevabilité,

Considérant, en premier lieu, que Cap Conseil-Radio Nostalgie prétend que, quelle que soit la qualité revendiquée par Monsieur Billioud, sa demande est irrecevable dans la mesure où, désigné en qualité d'administrateur lors du jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il a été nommé commissaire à l'exécution du plan de redressement par cession homologué par le tribunal le 10 juillet 1990 ; que l'acte de cession des actifs de la SA Dixit au profit d'un groupe de sociétés représenté par son animateur Christian Mange, est intervenu le 5 avril 1991 pour le prix de 300 000 F payé à Monsieur Billioud, aux termes de l'acte, dès avant ce jour ;

Qu'elle fait valoir que selon l'article 88 de la loi du 25 janvier 1985, la mission du commissaire à l'exécution du plan dure jusqu'au paiement intégral du prix de cession ; que Monsieur Billioud, qui n'était pas mandataire liquidateur comme le mentionne à tort l'assignation, n'a au surcroît pas qualité à agir dans la mesure où, sa mission est terminée et dans la mesure où, en qualité de commissaire à l'exécution du plan, il n'avait pas qualité pour introduire une action de cet ordre ;

Mais considérant que le commissaire à l'exécution du plan est compétent conformément aux dispositions de l'alinéa 2 de l'article 67 de la loi susvisée, pour engager une action en recouvrement d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective, ce qui est, en l'espèce, le cas ; qu'au surplus, le greffier en chef du tribunal de commerce de Vienne a attesté, le 11 juin 1999, jusqu'à ce jour les opérations du plan de redressement par cession commun aux sociétés Dixit et Speed Radio, n'étaient pas clôturées ;

Qu'il en résulte que la présente action est recevable ;

Sur le fond,

Considérant que la SA Dixit et Monsieur Billioud reprochent à la société Cap Conseil d'avoir concédé à Dixit l'exploitation d'une fréquence hertzienne sur Villefranche-sur-Saône en anticipant de son octroi ;

Considérant que pour prétendre qu'en l'espèce sa responsabilité ne pourrait être engagée, Cap Conseil rappelle longuement l'historique de la libéralisation des ondes sur la bande FM en France et soutient qu'en 1988, époque à laquelle les parties ont contracté, l'attribution des fréquences hertziennes était exploitée sans autorisation avant l'appel à candidatures lancé en 1988 par la CNCL et que le dirigeant de la SA Dixit était parfaitement au courant du risque encouru ;

Considérant qu'aux termes du contrat de franchise conclu le 17 mars 1988 pour le site de Villefranche sur Saône, la société Cap Conseil, le franchiseur, a confié à la SA Dixit, le franchisé, l'usage de la marque Radio Nostalgie pour le territoire de Villefranche-sur-Saône ; qu'au préambule de cet acte, il était spécifié :

" La société Dixit exploite un espace radiophonique local, en vertu d'un contrat d'exploitation qu'elle a conclu avec la société Cap Conseil, titulaire d'une autorisation d'émettre sur la fréquence conférée par la Haute Autorité selon décision n°... du ... Association CFM Ain " ;

Considérant qu'il est constant qu'en 1988, la CNCL qui avait remplacé la Haute Autorité, avait lancé un appel à candidatures pour l'attribution des fréquences locales ; qu'à ce titre, en mars 1988, il est bien évident qu'aucune autorisation n'avait encore été attribuée sur la fréquence de Villefranche à la société Cap Conseil, l'usage de cette fréquence lui avait été tacitement laissé par le président de l'Association Radio Bugey ;

Considérant qu'en signant le contrat de franchise litigieux, le dirigeant de la société Dixit, Christian Mange, ne pouvait ignorer cette situation d'autant qu'aucun numéro d'autorisation n'y était mentionné et qu'il s'était chargé personnellement d'obtenir pour Vienne les autorisations nécessaires de la CNCL, site qu'il exploitait également sans autorisation;

Que la société Dixit parfaitement informée de la situation existant lors de la signature des contrats comme en attestent les courriers que Christian Mange avait adressés en août 1988 à diverses autorités pour obtenir l'autorisation d'émettre à Vienne tant au titre de Fun que de Radio Nostalgie après la décision de la CNCL, a pris un risque en signant dans ces conditions le contrat litigieux; qu'il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à en faire grief à la société Cap Conseil et ce, quand bien même les parties auraient elles pris un risque partagé;

Qu'en conséquence, la SA Dixit et Monsieur Billioud seront déboutés de l'ensemble de leurs prétentions et le jugement réformé de ce chef ;

Considérant, sur la demande reconventionnelle de la société Cap Conseil, qu'il est constant que celle-ci n'a pas été réglée des redevances de franchise pendant la poursuite de l'exploitation ensuite du dépôt de bilan ;

Que la SA Dixit et Monsieur Billioud contestent le quantum de la réclamation en soutenant que Radio Nostalgie avait négocié à la baisse à cette époque avec l'ensemble des franchisés les redevances qu'ils devaient acquitter ;

Mais considérant que, lorsque les factures ont été réclamées à l'administrateur judiciaire, celles-ci n'ont fait l'objet d'aucune contestation, que les appelants incidents alors que les redevances n'ont pas été payées en leur temps et qu'un important arriéré existait déjà avant le dépôt de bilan, ne peuvent exiger du franchiseur qu'il leur applique 10 ans après la même réduction que celle négociée avec d'autres franchisés, négociation sur laquelle ils ne fournissent aucune indication ;

Qu'en conséquence, la SA Dixit et Monsieur Billioud, ès-qualités, doivent être condamnés à payer à la société Cap Conseil la somme de la somme de 371 218 F au titre de sa créance de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 1995 faute pour celle-ci de justifier d'une mise en demeure adressée le 1er mars 1990 pour l'intégralité de la somme ;

Considérant qu'il n'est pas contraire à l'équité de laisser à la société Cap Conseil, la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés à l'occasion de la procédure ;

Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la SA Dixit et Monsieur Billioud, pris en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement par cession, la somme de 371 218 F au titre de sa créance de l'article 40, assortie des intérêts au taux légal, à compter du 15 mai 1995, le réforme pour le surplus et statuant à nouveau : Déboute la SA Dixit et Monsieur Billioud, ès-qualités, de l'ensemble de leurs demandes ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ; Condamne Monsieur Billioud, ès-qualités, et la SA Dixit aux dépens de première instance et d'appel. Admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.