CA Paris, 4e ch. A, 10 novembre 1999, n° 1997-20498
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Établissements Le Gallou Jean-Claude (SA)
Défendeur :
France Transit Auto (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Marais
Conseillers :
M. Lachacinski, Mme Magueur
Avoués :
SCP Bernabé-Ricard-Chardin-Cheviller, Me Huyghe
Avocats :
Mes Hassmann, James.
FAITS ET PROCEDURE
La société Établissements Le Gallou, concessionnaire de la marque Fiat, a constaté que la société France Transit Auto commercialisait des véhicules de cette marque sans appartenir au réseau de concession et qu'elle avait publiquement exposé à la vente à Sainte Geneviève des Bois, du 23 septembre au 1er octobre 1995, un véhicule automobile Fiat de type Punto.
S'estimant victime d'actes de concurrence déloyale, elle a assigné le 1er avril 1996 la société France Transit Auto devant le Tribunal de commerce d'Évry afin qu'il soit fait interdiction à la société défenderesse d'exposer à la vente tout véhicule de la marque Fiat et qu'elle soit condamnée à lui verser en réparation de son préjudice, la somme de 1 000 000 F et celle de 10 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par jugement du 18 juin 1997, le tribunal, sur le fondement de la décision rendue le 15 février 1996 par la Cour de justice des Communautés européennes, a débouté la société Établissements Le Gallou de l'intégralité de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société France Transit Auto la somme de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société Établissements Le Gallou a interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe du 4 août 1997.
Vu les conclusions signifiées le 17 octobre 1997 par la société Établissements Le Gallou tendant à l'infirmation du jugement et au bénéfice de ses demandes contenues dans son exploit introductif d'instance, à l'exception des frais hors dépens qu'elle évalue à la somme de 20 000 F, aux moyens que le véhicule Fiat commercialisé par la société France Transit Auto n'est pas un véhicule d'occasion mais un véhicule neuf qui a été acheté à un intermédiaire situé en Belgique qui lui-même l'avait acquis en Espagne, que les dispositions du règlement CEE n° 123-85 du 12 décembre 1984 sont applicables au présent litige, que la société France Transit Auto ne peut se prévaloir de la qualité de mandataire agréé et que les faits de concurrence déloyale et parasitaire qui sont établis lui ont occasionné un préjudice résultant de ce qu'elle a perdu de nombreuses ventes alors qu'elle doit, en raison de son statut de concessionnaire, effectuer d'importants investissements et supporter de nombreuses charges, contrairement à la société défenderesse ;
Vu les conclusions de la société France Transit Auto signifiée le 24 juin 1999 tendant à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et à la condamnation de la société Établissements Le Gallou à lui payer la somme de 40 000 F pour ses frais hors dépens aux motifs que son activité commerciale consistant à vendre des véhicules d'occasion, elle n'a fait que commercialiser un tel véhicule qui n'avait parcouru que 750 km, que s'il doit être jugé que ce véhicule doit être considéré comme neuf, elle revendique les effets de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 février 1996 qui en application du règlement 123-85, a déclaré licite l'activité de revente de véhicules neufs par un revendeur non agréé par le constructeur ou le réseau de concession ;
Considérant que la société Établissements Le Gallou, concessionnaire de la marque Fiat, reproche à la société France Transit Auto d'avoir à Sainte Geneviève des Bois, entre le 23 septembre et le 1er octobre 1995, exposé à la vente le véhicule Fiat neuf susvisé et d'avoir ainsi commis à son encontre des actes de concurrence déloyale qui lui ont occasionné un préjudice méritant réparation, et ceci en l'absence de toute qualité et, notamment, celle de revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur de la marque automobile Fiat ou d'intermédiaire régulièrement mandaté au sens de l'article 3 point 11 du règlement n° 123-85 ;
Considérant que le certificat d'immatriculation délivré par le Ministère des communications et de l'infrastructure de Belgique mentionne que le véhicule Fiat de type Punto qui a été immatriculé pour la première fois le 6 avril 1995 en Belgique sous le n° 082132 au nom de Ciera Auto Rental 40, rue Picard, 1210 Bruxelles, devait quitter cet État avant le 30 juin 1995 ;
Que Philippe Courbon, sous la dénomination Import PHC, entreprise située à Gif sur Yvette, détenteur dans la série W d'une carte n° 1831 W 91 a déclaré aux services de la préfecture de l'Essonne avoir acheté ce véhicule automobile le 7 avril 1995 d'un établissement dénommé Ciera Auto Rental dont le siège se trouve à Mijas Malaga en Espagne, le dit Véhicule ayant fait l'objet d'un procès-verbal de réception " à titre isolé " le 12 avril 1995 par la Direction régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement ;
Que la société France Transit Auto, détentrice dans la série W d'une carte n° 1278 W 91, a acquis le 21 avril 1995 de l'entreprise Import PHC susvisée ce même véhicule qui a été présenté au public à compter du 23 septembre 1995 avec la mention " V.O. 4410 " (véhicule d'occasion 4410) ;
Mais considérant que cette société ne saurait valablement soutenir que le véhicule Fiat est un véhicule d'occasion au motif qu'il a été déclaré comme tel à la préfecture de l'Essonne et qu'il présentait lors de sa commercialisation au public un faible kilométrage - 750 km annoncés sur la fiche de vente exposés dans le véhicule ;
Qu'en effet, la vente effectuée entre plusieurs intermédiaires professionnels successifs qui font habituellement commerce de véhicules automobiles présentant un faible kilométrage, ne saurait conférer à l'opération le caractère d'une vente d'un véhicule d'occasion dans la mesure où la société France Transit Auto ne démontre pas, d'une part que le véhicules mis à la dispositions du public, soit postérieurement aux ventes successives entre professionnels, n'a pas déjà fait l'objet d'une transaction au profit d'un consommateur qui considérait avoir acquis un véhicule neuf pour son usage personnel, d'autre part que le faible kilométrage affiché a été l'un des éléments déterminants qui a justifié une diminution du prix de vente au public ;
Considérant que si la société France Transit Auto est en droit de se prévaloir de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 15 février 1996 lequel dit pour droit que : " Le règlement (CEE) n° 123-85 de la Commission du 12 décembre 1984, concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du Traité CEE à des catégorie d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles, doit être interprété en ce sens qu'il ne fait pas obstacle à ce qu'un opérateur, qui n'est ni revendeur agréé du réseau de distribution du constructeur d'une marque automobile déterminée, ni intermédiaire mandaté au sens de l'article 3 point 11 de ce règlement, se livre à une activité de revente indépendante de véhicules neufs de cette marque ", la société Établissements Le Gallou est recevable à lui opposer que la mise en vente du véhicule automobile neuf litigieux peut être de nature à constituer un acte de concurrence déloyale si elle démontre que la société France Transit Auto a eu à son égard un comportement contraire aux usages loyaux du commerce et qu'elle a subi de ce fait un préjudice direct et certain;
Mais considérant que les faits reprochés à la société France Transit Auto s'étant écoulés sur une période antérieure à la mise en œuvre de l'article 36-6 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 introduit par la loi du 1er juillet 1996, la société Établissements Le Gallou ne peut reprocher un quelconque comportement parasitaire à la société France Transit Auto dont il n'est pas démontré qu'elle se soit prévalue d'une appartenance au réseau de distribution de la marque Fiat, qu'elle proposait le service après-vente de ladite marque, qu'elle ait pratiquée une publicité mensongère dans le but de nuire à la société appelante ou qu'elle ait encore cherché à créer dans l'esprit du consommateur une confusion entre ses activités de vendeur non agréé et celle de concessionnaire de la marque;
Que pour caractériser son comportement parasitaire, la société Établissements Le Gallou ne peut donc valablement reprocher à la société France Transit Auto d'avoir mis en vente un véhicule neuf sans avoir à supporter les charges afférentes à une concession tout en bénéficiant de la renommée du réseau existant ;
Qu'il s'ensuit que les premiers juges ont à bon droit débouté la société Établissements Le Gallou de l'intégralité de ses demandes ;
Considérant que les frais engagés par la société France Transit Auto non compris dans les dépens doivent être fixés à la somme de 20 000 F ;
Par ces motifs, Confirme le jugement rendu le 18 juin 1997 par le Tribunal de commerce d'Évry en toutes ses dispositions, Condamne la société Établissements Le Gallou à payer à la société France Transit Auto la somme de 20 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La condamne aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître Huyghe, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.