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Décisions

Cass. com., 4 janvier 2000, n° 96-22.372

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Sicovar Les Demeures artisanales (SARL)

Défendeur :

Verger

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Dumas

Rapporteur :

Mme Tric

Avocat général :

M. Jobard

Avocats :

Me Pradon, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin.

T. com. Villefranche-sur-Saône, du 17 no…

17 novembre 1994

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Lyon, 18 octobre 1996), que la société Sicovar, exploitant sous l'enseigne "Les Demeures Artisanales", a mis fin, par lettre du 2 juin 1993 avec effet immédiat, au contrat d'agent commercial la liant à M. Verger depuis le 27 juillet 1990 ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : - Attendu que la société Sicovar reproche à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Verger la somme de 233 878,66 francs au titre d'un solde de commissions, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en omettant de rechercher, comme elle y était invitée, si ce solde de commissions avait été régulièrement calculé conformément aux stipulations du contrat, et tout particulièrement selon le principe que toute commission n'est due que sur les affaires menées à bonne fin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; et alors, d'autre part, qu'en la condamnant à payer à M. Verger la somme de 233 878,66 francs et non de 235 881,57 francs, somme à laquelle le tribunal de commerce l'avait condamnée, la cour d'appel a réformé sur ce point le jugement sans aucun motif permettant le contrôle de la Cour de cassation sur le quantum réel des commissions prétendument dues en exécution du contrat de représentation et a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'en l'état de conclusions de la société Sicovar se bornant à prétendre que la commission n'est due à l'agent commercial que sur les affaires menées à bonne fin et que les calculs de M. Verger sont erronés, sans préciser quels postes précis elle contestait, l'arrêt relève que M. Verger soutenait avoir calculé ses commissions sur "les chiffres d'affaires réalisés" et que la société Sicovar elle-même, dans une lettre à son conseil, déclarait que le droit à commission de son agent commercial était d'une somme "légèrement supérieure" à l'évaluation faite par ce dernier ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Attendu, d'autre part, que la société Sicovar est sans intérêt à dénoncer une erreur qui lui profite ; d'où il suit, qu'irrecevable en sa seconde branche, le moyen est mal fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses trois branches : - Attendu que la société Sicovar reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Verger les sommes de 44 458,72 francs au titre de l'indemnité de préavis et de 800 257 francs au titre de l'indemnité de rupture, alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'agent commercial n'est libre d'exercer une autre activité pour un autre employeur qu'à la condition que son contrat n'apporte aucune restriction à cette liberté ; qu'en affirmant que M. Verger était libre d'exercer une autre activité de représentation sans avoir recherché préalablement si son contrat ne le lui interdisait pas ou ne le soumettait pas à une autorisation expresse de la société Sicovar, ce qui en l'espèce était le cas, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en considérant que l'attestation de M. Labordère ne faisait pas état d'une tentative par M. Verger de détournement de clientèle au profit d'un tiers ou d'un dénigrement de la société, dès lors que l'attestant avait déclaré que M. Verger critiquait les demeures caladoises, qui détiennent 99 % des parts de la société Sicovar, qu'il affirmait que les employés de celle-ci ne savaient pas travailler et qu'il avait tenté, fin août 1993, de reprendre un dossier en alléguant qu'il était désormais dans un groupe mieux structuré, la cour d'appel a dénaturé l'attestation de M. Labordère ; alors, enfin, qu'en considérant que les conventions passées avec M. Falcot et la société Vin, parce qu'elles se rapportaient à des difficultés d'exécution, ne constituaient ni des cadeaux ni des conditions avantageuses, sans avoir recherché si, dans le cadre de ces difficultés d'exécution de contrat, M. Verger n'avait pas outrepassé ses pouvoirs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que, par application des dispositions de l'article 2 du décret du 23 décembre 1958, après avoir relevé que M. Verger était le mandataire d'une société qui commercialisait des cheminées, faisant ainsi ressortir que cette société n'était pas concurrente de la société Sicovar, l'arrêt, en retenant que l'agent commercial n'a pas commis un "manquement contractuel", a effectué la recherche prétendument omise ;

Attendu, d'autre part, que l'arrêt, analysant dans son ensemble l'attestation litigieuse, retient, hors toute dénaturation, qu'elle ne fait état ni d'une tentative par M. Verger de détournement de clientèle au profit d'un tiers, ni d'un dénigrement du mandant par le mandataire ;

Attendu, enfin, qu'en se référant aux difficultés "d'exécution" des conventions conclues avec certains clients et en retenant que M. Verger n'avait pas consenti à ceux-ci "de cadeaux", l'arrêt, effectuant la recherche invoquée par la troisième branche, a par là-même exclu que M. Verger ait excédé ses pouvoirs ou consenti à ces clients des avantages non autorisés par la société Sicovar ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois branches ;

Sur le troisième moyen : - Attendu que la société Sicovar reproche enfin à l'arrêt de l'avoir, retenant l'absence de faute de M. Verger, condamnée à lui payer au titre de l'indemnité de rupture du contrat d'agence commerciale, la somme de 800 257 francs, alors, selon le pourvoi, que l'attribution par le juge d'une indemnité de rupture de contrat d'agent commercial est subordonnée, même en l'absence de faute du mandataire, à la preuve d'un apport de clientèle de celui-ci à son mandant ; qu'en omettant de rechercher si M. Verger avait accru la clientèle et en donnant à l'indemnisation un caractère automatique et systématique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;

Mais attendu que, contrairement aux allégations du moyen, l'indemnité prévue par l'article 3 du décret du 23 décembre 1958, dont le montant est apprécié souverainement par le juge du fond, est étrangère à tout apport de clientèle par le mandataire au mandant ; que le moyen est dépourvu de tout fondement ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.