CA Paris, 5e ch. B, 28 janvier 2000, n° 1997-07503
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Entrepôt Duffaud (Sté)
Défendeur :
Issolah
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffautlt
Avoués :
SCP Duboscq-Pellerin, Me Cordeau
Avocats :
Mes Santana, Mion.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par la société Entrepôt Duffaud du jugement contradictoirement rendu par le Tribunal de commerce de Meaux qui, dans le litige l'opposant à Mohamed Issolah, a condamné celui-ci à lui payer les sommes de 9 278,31 F et de 28 464 F, les parties étant déboutées de toutes autres demandes et les dépens partagés par moitié.
Au soutien de son recours l'appelante fait valoir :
- que par " contrat d'achat exclusif de boissons " conclu le 14 septembre 1994 pour une durée de cinq ans, elle s'est engagée à mettre à la disposition de Mohamed Issolah, une enseigne lumineuse ainsi qu'une pompe à bière d'une valeur de 31 742,31 F, l'intimé s'obligeant en contrepartie à acheter une quantité annuelle de 12 000 litres de bière au prix de 8,18 F le litre et de 4.800 cols de bière en bouteille au prix de 2,15 F l'unité,
- que, n'ayant pas respecté ses engagements, en particulier celui d'achat minimum de bière, Mohamed Issolah est, contrairement à ce qu'a décidé le Tribunal redevable envers elle d'une indemnité de résiliation égale à 288 263,96 F,
- que c'est en revanche à juste titre que les premiers juges ont condamné sa cocontractante à lui régler le coût de la fourniture de l'enseigne, soit 9 278,13 F, et le coût de l'installation de la pompe à bière, soit 28 464 F.
Dès lors la société Entrepôt Duffaud prie la Cour de condamner l'intimé à lui verser, outre une indemnité de 5 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, la somme de 288 263,96 F et de confirmer pour le surplus la décision du tribunal.
Au soutien de son recours Mohamed Issolah fait valoir :
- que, en raison des irrégularités les affectant, les contrats " d'achat exclusif de boissons " et de " fourniture de bière " sont nuls,
- que la pénalité contractuelle mise à sa charge est disproportionnée par rapport à son chiffre d'affaires,
- que si l'enseigne a bien été installée, sa pose a eu pour conséquence des infiltrations d'eau conduisant à la présence d'humidité et à des travaux de réfection,
- qu'il n'avait pas besoin d'une pompe à bière qui était comprise dans le matériel appartenant au fonds de commerce par lui acquis en 1993.
En conséquence l'intimé demande à la Cour de confirmer la décision du Tribunal en ce qu'elle a débouté la société Entrepôt Duffaud de sa demande en paiement de l'indemnité de résiliation, de l'infirmer pour le surplus, de débouter l'appelante de sa demande en paiement du prix de l'enseigne et de la pompe à bière et de la condamner à lui payer une indemnité de 7 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce :
Considérant qu'il est versé aux débats un " contrat d'achat exclusif de boissons " d'une durée de 5 ans par lequel la société Entrepôt Duffaud a, le 14 septembre 1994, pour un montant TTC de 37 742,31 F (9 278,31 + 28 464 F), mis une enseigne lumineuse et une pompe à bière à la disposition de Mohamed Issolah qui, pour sa part, s'est engagé à acheter en exclusivité à l'appelante une quantité minimale annuelle de 12 000 F de bières à 8,18 F le litre et de 48 000 cols de bière au prix de 2,15 F l'unité ;
Qu'il y était prévu dans son article 7 : " En cas d'inexécution, de non-respect de l'exclusivité de fourniture, le revendeur devra à titre de clause pénale, le paiement d'une indemnité forfaitaire de (25 %) du chiffre d'affaires jusqu'au terme normal du contrat, en application des quantités prévues en quota à l'article 3, selon les prix pratiqués lors de la dernière livraison, compte tenu des quantités déjà livrées " ;
Considérant que si les juges consulaires ont condamné Mohamed Issolah, exploitant à Chelles un débit de boissons sous l'enseigne " NSI Pub ", à régler à la société Entrepôt Duffaud le prix de l'enseigne et de la pompe à bière, ils ont en revanche débouté l'appelante de sa demande en paiement d'une facture n° 7789 du 5 novembre 1994 d'un montant de 11 587,31 F et de l'indemnité d'un montant de 288 263,96 F prévue à l'article 7 ci-dessus mentionné ;
Que la société Entrepôt Duffaud ne critique que sur ce dernier point la décision du Tribunal, tandis que l'intimé, qui invoque la nullité du contrat, conclut au mal fondé des prétentions de son fournisseur de boissons ;
Considérant que Mohamed Issolah ne peut invoquer la nullité du contrat par la société Entrepôt Duffaud alors que, comme l'a retenu le Tribunal, celui-ci a reçu un commencement d'exécution ; qu'il ne peut non plus arguer de la nullité d'une " convention de fourniture de bière " faisant apparaître la SA " Les Brasseries Kronenbourg " comme cocontractante et non la société Entrepôt Duffaud ; qu'enfin, faute d'éléments sur les perspectives raisonnables du marché lors de la conclusion du contrat, il ne peut se prévaloir de l'impossibilité d'exécution de celui-ci ;
Considérant que, ceci étant, la rupture anticipée du contrat conclu entre Mohamed Issolah et la société Entrepôt Duffaud a causé à celle-ci un préjudice certain dans la mesure où, outre le gain dont elle a été privée, les engagements par elle souscrits à l'égard de ses propres fournisseurs ont été remis en cause; que, faute de justification du caractère manifestement excessif de la pénalité contractuelle qui présente un caractère coercitif, il y a lieu de condamner l'intimé à régler celle-ci à la société Entrepôt Duffaud;
Considérant que si Mohamed Issolah verse aux débats un devis d'un montant de 8 442 F réalisé pour " malfaçon de la pose de l'enseigne ", force est de constater qu'il ne justifie ni avoir fait exécuter les travaux de reprise, ni de la responsabilité de son fournisseur dans l'installation de l'enseigne ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Mohamed Issolah à payer à l'appelante au titre de la fourniture de l'enseigne la somme de 9 278,31 F ;
Considérant que, ne pouvant arguer de l'inutilité de la pompe à bière pour se soustraire à ses engagements, l'intimé doit aussi être condamné à verser à la société Entrepôt Duffaud, qui lui a fourni en exécution du contrat du 14 septembre 1994, la somme de 28 464 F ;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de l'appelante le montant de ses frais irrépétibles ;
Par ces motifs : Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, l'infirme pour le surplus, et statuant à nouveau : condamne Mohamed Issolah à payer à la société Entrepôt Duffaud la somme de 288 263,96 F à titre d'indemnité de résiliation, Déboute la société Entrepôt Duffaud de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne Mohamed Issolah aux dépens de première instance et d'appel ; admet la SCP Duboscq & Pellerin, Avoué, au bénéficie des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Déboute les parties de toutes autres demandes.