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Décisions

CA Paris, 5e ch. B, 25 février 2000, n° 1997-26166

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Foster

Défendeur :

Campbell, Heinrich, Terragni

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Main

Conseillers :

M. Faucher, Mme Riffault

Avoués :

SCP Hardouin-Herscovici, Me Bettinger, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Gollety, Huillier, Spang.

T. com. Paris, du 2 oct. 1997

2 octobre 1997

LA COUR statue sur l'appel interjeté par Madame Mary Foster contre le jugement rendu le 2 octobre 1997 par le Tribunal de commerce de Paris, qui a

- déclaré valide le contrat de location-gérance conclu le 26 mai 1995 entre Monsieur Patrick Heinrich, agissant au nom de l'association Heinrich-Foster, d'une part, Madame Géraldine Campbell et Monsieur Roberto Terragni, d'autre part,

- débouté Madame Foster de l'ensemble de ses demandes,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné Madame Foster, outre les dépens, à payer, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, à Madame Campbell et Monsieur Terragni 5 000 F chacun et à Monsieur Heinrich 10 000 F.

Madame Foster et Monsieur Heinrich ont, le 28 mars 1978, créé entre eux une association à durée illimitée - Monsieur Heinrich détenant 55 % des parts et Madame Foster 45 % - ayant pour objet la propriété et l'exploitation, sous l'enseigne " L'Ébouillanté ", d'un fonds de commerce de salon de thé dans des locaux sis à Paris (4ème), 6 rue des Barres.

Après l'avoir exploité eux mêmes, conjointement, Monsieur Heinrich et Madame Foster ont, par acte du 30 septembre 1994, donné ce fonds de commerce en location gérance à Mademoiselle Campbell, elle même associée à Monsieur Terragni. Après que l'établissement eut été fermé quelques mois en raison de la réalisation, par le propriétaire des locaux et l'association propriétaire du fonds, Monsieur Heinrich a établi un nouveau contrat de location gérance, pour 7 mois à compter du 1er juin 1995, moyennant une redevance mensuelle presque inchangée.

Madame Foster ayant refusé de signer ce contrat, Monsieur Heinrich l'a cependant signé seul, au nom de l'association, le 26 mai 1995. Il en a été de même pour l'avenant conclu le 21 décembre 1995, reconduisant le contrat pour un an à compter du 1er janvier 1996 et portant la redevance de 6 324 F hors taxes à 12 500 F hors taxes par mois.

En désaccord avec les décisions ainsi prises par son associé Madame Foster a, par actes des 18 juillet 1996 et 19 septembre 1996, fait assigner Madame Campbell et Monsieur Terragni puis Monsieur Heinrich, pour se voir déclarer inopposables le nouveau contrat de location-gérance conclu le 26 mai 1995 et l'avenant signé le 1er décembre 1995, voir ordonner l'expulsion des locataires gérants et fixer, après expertise, le montant de la redevance mensuelle réellement due par ceux-ci.

Le 18 mai 1999 un nouveau contrat de location gérance a été conclu par Monsieur Heinrich, au nom de l'association, avec Madame Campbell seule. La redevance mensuelle a été portée à 21 710 F à compter du 1er janvier 1999.

Appelante, Madame Foster reproche au jugement intervenu, qui a écarté ses demandes, d'avoir retenu que Monsieur Heinrich avait le pouvoir d'engager seul l'association pour la conclusion d'un contrat n'emportant ni aliénation ni disposition d'un droit réel, alors que l'article 13 du contrat d'association, auquel se réfère la décision, impose l'accord et la signature des deux associés gérants pour un acte tel que la mise en location-gérance. Elle soutient qu'il y a eu collusion entre les locataires gérants et Monsieur Heinrich, désireux de maintenir à son profit un système de rémunération occulte et de fixer une redevance d'un niveau anormalement faible au regard des travaux réalisés, de la rentabilité de l'affaire et des usages de la profession.

Madame Foster affirme encore que Monsieur Heinrich aurait perçu indûment, sans son accord, des rémunérations sur le montant des redevances encaissées alors que, sauf convention contraire, le mandat est gratuit, selon l'article 1986 du Code civil, et qu'il aurait fait supporter par l'association des honoraires de son avocat, Maître Spang.

Aussi Madame Foster épouse Brousse demande t-elle à la cour de :

- constater la nullité de l'avenant au contrat de location-gérance signé le 26 mai 1995 ainsi que de ceux qui ont suivi en date des 20 juin 1995, 21 décembre 1995 et 18 mai 1999,

- ordonner l'expulsion de Madame Campbell et de Monsieur Terragni, occupants sans droit ni titre, ainsi que de tous occupants de leur chef,

- ordonner une expertise afin de fixer le montant de la redevance due par les locataires gérants depuis le 1er juin 1995, date d'expiration du précédent contrat, jusqu'à la date de leur expulsion en fonction de la surface locative et des améliorations du local, des usages de la profession et du chiffre d'affaires du fonds, et de déterminer la quote part revenant à Madame Foster,

- ordonner le remboursement par Monsieur Heinrich des rémunérations par lui indûment perçues à concurrence de 115 650,72 F ainsi que la somme de 17 790 F toutes taxes comprises, montant des honoraires de Maître Spang, avocat, indûment pris en charge par l'association,

- dire que l'expert aura pour mission, une fois ce reversement effectué, de " reconstituer sur ce point l'état actuel de la comptabilité de l'association ",

- débouter Monsieur Heinrich et Madame Campbell de leurs demandes reconventionnelles,

- condamner conjointement Monsieur Heinrich, Madame Campbell et Monsieur Terragni, outre les dépens, à lui payer 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Madame Géraldine Campbell et Monsieur Roberto Terragni, intimés, concluent à la confirmation du jugement, Madame Campbell requérant acte de ce qu'elle est désormais seule locataire gérante du fonds, ainsi qu'à la condamnation de Madame Foster à payer à Madame Campbell 50 000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Monsieur Patrick Heinrich, également intimé, soulève l'irrecevabilité des prétentions nouvelles de Madame Foster relatives aux rémunérations qu'il aurait indûment perçues ou aux honoraires de son avocat, prétendument payés par l'association, et sollicite la confirmation du jugement ainsi que la condamnation de Madame Foster à lui payer 50 000 F de dommages-intérêts pour procédure abusive et 24 120 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Cela étant exposé,

Considérant qu'il résulte de l'article 12 du contrat d'association, conclu le 28 mars 1978 entre Madame Foster et Monsieur Heinrich, que l'association est gérée par les deux associés, lesquels " possèdent les pouvoirs les plus étendus pour agir ensemble ou séparément au nom de l'association " ; que l'article 13 apporte toutefois un tempérament au principe ainsi posé, énonçant que " toutefois il est stipulé que tous emprunts, crédits, apports, investissements, hypothèques, ventes du fonds de commerce et plus généralement toute aliénation ou toute disposition de droits réels portant sur les biens sociaux ne pourront être valablement réalisés qu'avec l'accord commun et la signature des deux associés gérants " ;

Que la mise en location-gérance n'est pas explicitement visée comme étant au nombre des actes pour lesquels l'article 13 susvisé impose la signature des deux associés ; qu'elle ne l'est pas non plus de manière implicite ou indirecte, dès lors qu'elle n'entre dans aucune des catégories d'actes mentionnés audit article et ne peut en particulier être regardée comme assimilable à la vente du fonds de commerce ou à une aliénation ou disposition de droits réels ;

Considérant que c'est donc à juste raison que le Tribunal a estimé que Monsieur Heinrich avait le pouvoir de signer seul le contrat de location gérancedu 26 mai 1995 et les différents avenants qui en ont été la suite, valides et opposables en conséquence à Madame Foster ; que la circonstance que le contrat initial du 30 septembre 1994 a été signé par les deux associés et que le projet de contrat, finalement signé le 26 mai 1995 par Monsieur Heinrich seul, a été d'abord soumis par celui-ci à la signature de son associée est indifférente, les actes qu'un associé a le pouvoir de faire seul en engageant l'association pouvant aussi être faits par les deux associés agissant ensemble ;

Que le jugement critiqué doit donc être confirmé, alors au surplus que les montants successifs de la redevance mise à la charge des locataires gérants n'apparaissent pas manifestement dérisoires ou très éloignés des usages en la matière et révélateurs d'une collusion frauduleuse préjudiciable aux intérêts de Madame Foster ;

Considérant que les demandes de Madame Foster tendant au remboursement par Monsieur Heinrich de rémunérations qu'il aurait perçues et de sommes versées par l'association à un avocat sont formées pour la première fois devant la Cour ; qu'elles ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises au Tribunal, portant exclusivement sur l'inopposabilité du contrat de location gérance du 26 mai 1995 et de ses avenants et l'expulsion des locataires-gérants, et n'étaient pas virtuellement comprises dans lesdites prétentions initiales, dont elles ne sont pas l'accessoire, la conséquence ni le complément alors qu'elles en sont au contraire entièrement indépendantes ;

Que Madame Foster ne peut soutenir utilement que ces prétentions nouvelles seraient nées de la révélation des rémunérations litigieuses par les pièces communiquées par Monsieur Heinrich lui-même, alors qu'elle ne conteste pas avoir reçu les courriers de 1997 et 1998 dans lesquels Monsieur Heinrich fait état de sa " rétribution forfaitaire ", entrant dans les frais divers de l'association ;

Qu'il résulte encore de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 3 décembre 1996 à Monsieur Heinrich par Madame Foster que celle-ci protestait déjà en se référant d'ailleurs à un précédent courrier de protestation du 21 octobre 1996 contre la rémunération de Monsieur Heinrich et l'imputation des honoraires de Maître Spang sur les charges communes ;

Qu'ainsi les éléments servant de base à la demande de Madame Foster tendant au reversement de ces sommes étaient connus de Madame Foster dès le début de la procédure de première instance et ne lui ont pas été révélés postérieurement au prononcé du jugement critiqué ;

Que par suite, cette double demande doit être déclarée irrecevable par application de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile, ainsi que Monsieur Heinrich en requiert la cour ;

Considérant que ni Madame Campbell ni Monsieur Heinrich ne prouvent que Madame Foster aurait fait dégénérer en abus son droit d'ester en justice et d'user des voies de recours ouvertes par la loi ; qu'ils seront donc déboutés de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Considérant que Madame Foster, qui succombe, devra supporter les dépens d'appel et ne peut qu'être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Qu'il est au contraire équitable de la condamner en application de ce texte et pour les frais irrépétibles d'appel, à payer 10 000 F à Madame Campbell et 10 000 F à Monsieur Heinrich ;

Par ces motifs : Confirme le jugement attaqué, Déclare irrecevables les demandes formées par Madame Foster en cause d'appel tendant au remboursement de sommes perçues par Monsieur Heinrich à titre de rétribution ainsi que d'honoraires d'avocat versés par l'association pour un montant de 17 790 F toutes taxes comprises, Déboute Madame Géraldine Campbell et Monsieur Patrick Heinrich de leurs demandes respectives en dommages-intérêts, Déboute Madame Mary Foster de toutes ses demandes, La condamne à payer, par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et au titre des frais irrépétibles d'appel 10 000 F à Madame Campbell, 10 000 F à Monsieur Heinrich, La condamne aux dépens d'appel et admet la SCP Roblin Chaix de Lavarene et Maître Bettinger, avoués, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.