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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 15 mars 2000, n° 1998-00384

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Alain Manoukian (Sté)

Défendeur :

Cidi Sweaterie (SARL), MP Boutique (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, SCP Autier

Avocats :

Mes Chekroun-Haddad, Menut.

T. com. Paris, 11e ch., du 20 oct. 1997

20 octobre 1997

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la société Alain Manoukian à l'encontre du jugement rendu le 20 octobre 1997 par le tribunal de commerce de Paris qui a :

- pris acte de ce que la société Alain Manoukian venait aux droits de la société Nouvelle La Sweaterie,

- prononcé la résiliation des contrats de franchise conclus entre cette dernière et les sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique aux torts de la société Alain Manoukian,

- condamné la société Alain Manoukian à payer la somme de 500 000 F à la société Cidi Sweaterie et celle de 250 000 F à la société MP Boutique et à chacune la somme de 5 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- débouté la société Alain Manoukian de sa demande reconventionnelle et les parties du surplus de leurs demandes.

Sur ce,

Vu les dernières écritures du 30 septembre 1999 de la société Alain Manoukian par laquelle elle demande à la Cour de :

- prendre acte de ce qu'elle vient aux droits de la société Nouvelle la Sweaterie,

- réformer le jugement dont appel sauf en ce qu'il a dit les sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique mal fondées en leurs demandes d'annulation des contrats de franchise pour absence de cause et d'objet,

- constater que les contrats de franchise signés les 1er mars 1988 et 10 février 1991 ont été résiliés par le franchiseur aux torts exclusifs des sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique en raison du non respect par ces dernières de la clause relative à l'obligation d'approvisionnement exclusif souscrite dans les contrats susvisés,

- condamner la société Alain Manoukian à payer à :

la société MP Boutique les sommes de 706 000 F au titre de la clause pénale et de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice commercial,

la société Cidi Sweaterie celle de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts,

solidairement les deux précédentes l'indemnité de 50 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les écritures du 15 juillet 1999 des sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique, par lesquelles elles prient la Cour de déclarer l'appel irrecevable, subsidiairement, de confirmer le jugement dont appel, à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la nullité des contrats de franchise pour absence de cause, de condamner en conséquence la société Alain Manoukian aux droits de la société Nouvelle La Sweaterie à rembourser à chacune d'entre elles la somme de 720 000 F au titre des restitutions et leur allouer en toutes circonstances à chacune la somme de 15 000 F hors taxes au titre de leurs frais irrépétibles ;

LA COUR

Considérant que les 1er mars 1988 et 20 février 1991 la société Nouvelle La Sweaterie a conclu un contrat de franchise avec respectivement Cédric Pignon agissant pour le compte d'une société en formation à laquelle s'est substitué la société Cidi Sweaterie et la société MP Boutique, pour l'exploitation d'une boutique à l'enseigne La Sweaterie pour le premier au centre commercial de Saint Clément la Rivière (Hérault) et pour la seconde au centre commercial de Puget Sur Argens (Var) ;

Que la société Nouvelle La Sweaterie a fait constater dans ces deux boutiques le 8 novembre 1995 la violation par les franchisés de la clause d'approvisionnement exclusif insérée au contrat et les a mis en demeure le 18 décembre suivant de mettre fin à cette situation, puis en janvier 1996 les mêmes constatations ayant été faites à la requête de la société Alain Manoukian, qui avait absorbé la société Nouvelle La Sweaterie, le franchiseur les a informés le 15 février 1996 de la résiliation à leurs torts exclusifs de leurs contrats de franchise ;

Qu'entre temps le 28 décembre 1995, les sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique ont assigné devant le Tribunal de commerce de Paris la société Nouvelle La Sweaterie pour voir prononcer la nullité des contrats de franchise pour absence de cause et d'objet et subsidiairement pour en voir prononcer la résiliation pour inexécution de ses obligations par le franchiseur et se voir allouer chacune la somme de 1 000 000 F à titre de dommages et intérêts ; que c'est dans ces conditions, la société Alain Manoukian, s'étant opposée à ces actions et ayant sollicité la résiliation des contrats aux torts des franchisées, qu'a été rendu le jugement dont appel ;

Considérant que les intimés soulèvent l'irrecevabilité de l'appel formé par la société Alain Manoukian faute pour celle-ci d'avoir précisé sur la déclaration d'appel sa forme sociale ;

Mais considérant que les sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique qui ne démontrent ni même n'invoquent le grief que leur aurait causé l'absence de cette mention destinée à assurer l'identification de l'appelant, leur demande de ce chef sera donc rejetée ;

Considérant, à titre liminaire, que le Tribunal a justement rejeté la demande de nullité des contrats de franchise pour défaut de cause et d'objet, non démontrée par les sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique et soulevée par elles pour les besoins de la cause après avoir exécuté pour la première pendant 7 ans le contrat qui a été renouvelé et pour la seconde pendant plus de 4 ans ;

Considérant qu'au soutien de son recours, la société Alain Manoukian prétend que les intimées qui lui reprochaient en première instance une inexécution de ses obligations contractuelles d'assistance et d'exclusivité territoriale, ne rapportent pas la preuve de leurs allégations alors qu'elle démontre que dans un souci d'assistance aux franchisés, les avoir exonérés du paiement des redevances, d'avoir organisé des réunions bi-annuelles et d'avoir effectué des campagnes de communication ;

Considérant que les intimées reprenant l'argumentation qu'elles avaient développée devant le Tribunal reprochent au franchiseur le non respect de son obligation contractuelle d'assistance, de ne pas leur avoir fourni l'enseigne comme il s'y était engagé et d'avoir laissé dépérir la marque pour aboutir à la disparition du réseau ;

Considérant, en premier lieu, que les intimées ne justifient pas avoir mis la société La Sweaterie ou Alain Manoukian en demeure de remplir ses obligations d'assistance, ni d'avoir à renouveler son savoir-faire au cours de l'exécution du contrat ; qu'elles ne produisent aucun document relatif à l'enseigne ; qu'elles versent un Procès-verbal d'huissier dressé le 27 novembre 1995 au centre commercial Le Polygone à Montpellier, lequel a été constaté l'existence d'une boutique La Sweaterie, étant ici observé que l'exclusivité territoriale concédée sur la marque se limitait pour la société Cidi Sweaterie à la requête de laquelle ce constat a été établi, au centre commercial à Storage Tek Clément La Rivière ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble des documents versés aux débats que le litige a pour origine le procès-verbal qu'a fait dresser le 8 novembre 1995 le franchiseur dans les boutiques respectives des intimées qui a établi que ces dernières distribuaient des produits concurrents en violation du contrat ;

Mais considérant qu'il convient de relever qu'il ressort des courriers adressés par les dirigeants des sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique de 1992 à 1995 à La Sweaterie ou au groupe Alain Manoukian et des avoirs que leur a consenti le franchiseur durant la même période que de graves problèmes d'approvisionnement sont survenus à cette époque : fournitures non livrées, retard de livraison, fabrication de modèles arrêtée, mauvaise qualité de certains modèles, ensemble de faits de nature à désorganiser l'activité des franchisées et à justifier la violation de la clause d'approvisionnement exclusif pour leur permettre de survivre;

Que par suite cette carence dans la fourniture des produits distribués sous sa marque imputable au seul franchiseur justifie la résiliation des contrats de franchise à ses torts exclusifs;

Considérant que la société Alain Manoukian soutient qu'en tout état de cause, les intimées ne démontreraient pas la réalité de leur préjudice ;

Mais considérant qu'il ressort des documents versés aux débats par la société Cidi Sweaterie qu'au cours de l'exercice 1993, elle a connu une baisse importante de son chiffre d'affaires de l'ordre de 210 000 F et une perte de marge nette de 89 000 F ; que de son côté, la société MP Boutique justifie de résultat positifs, mais médiocres tout au long de l'exécution du contrat de franchise ;

Que la société Alain Manoukian responsable des difficultés d'approvisionnement de ses franchisées de 1992 à la résiliation des contrats début 1996 et des résultats médiocres voire mauvais de ces derniers, c'est à bon droit que le Tribunal a évalué le préjudice subi par la société Cidi Sweaterie à 500 000 F et celui de la société MP Boutique à 250 000 F ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à chacune des intimées la somme complémentaire ci-dessous précisée au titre de leurs frais irrépétibles d'appel ;

Par ces motifs, Confirme le jugement déféré ; Déboute les parties du surplus de leurs demandes et condamne la société Alain Manoukian venant aux droits de la société Nouvelle La Sweaterie à payer aux sociétés Cidi Sweaterie et MP Boutique la somme de 10 000 F chacune au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par l'avoué concerné.