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Décisions

Cass. com., 26 avril 2000, n° 97-17.045

COUR DE CASSATION

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Château

Défendeur :

Sabate (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Grimaldi

Rapporteur :

M. Tricot

Avocat général :

M. Lafortune

Avocats :

Mes Roger, Blondel.

T. com. Perpignan, du 14 mars 1995

14 mars 1995

LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt confirmatif déféré (Montpellier, 30 avril 1997), que, le 26 avril 1984, la société Sabate, qui fabrique des bouchons de liège, et M. Château ont conclu un contrat d'agence commerciale ; que, le 26 avril 1988, M. Château a assigné son mandant afin de voir prononcer la résiliation du contrat à ses torts exclusifs et sa condamnation à lui payer une indemnité en réparation du préjudice subi par la perte de certains clients et l'existence d'une clause de non-concurrence applicable pendant un an ;

Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches : - Attendu que M. Château reproche à l'arrêt d'avoir décidé que la rupture du contrat d'agent commercial lui était imputable et d'avoir rejeté sa demande en paiement d'une indemnité de rupture compensatrice du préjudice subi, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il invoquait dans ses conclusions le résultat de plusieurs analyses mettant en évidence des goûts de bouchon sur les échantillons de vin analysés, ce dont résultait le défaut de qualité du produit ; que, dès lors, en énonçant que le défaut de qualité des bouchons résultant d'analyses n'était pas établi par les expertises réalisées précédemment, la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'il faisait valoir dans ses conclusions que, selon son contrat d'agence, il percevrait une commission de 7 % sur le montant des factures payable à la fin de chaque mois suivant l'échéance des factures d'achats ; qu'en expliquant, sans même répondre à ce moyen, le décalage d'un mois ou plus entre la date du relevé des commissions et le paiement desdites commissions par des raisons uniquement comptables, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, qu'il avait régulièrement versé aux débats et visé dans ses conclusions toutes les pièces qui faisaient ressortir l'absence de suivi commercial et le non-respect des dates de livraison par le mandant, ou encore l'atteinte à l'exclusivité de son secteur ; qu'en énonçant, sans même s'expliquer sur ces pièces régulièrement versées aux débats et soumises à son examen, que M. Château ne démontrait aucun de ces griefs, la cour d'appel a violé l'article 1353 du Code civil ; et alors, enfin, que le contrat d'agent commercial est un mandat d'intérêt commun, conclu intuitu personae ; qu'en s'abstenant de rechercher si le projet du mandant de réduire le taux de commissions et la menace de bloquer le paiement de commissions ne constituaient pas une cause légitime de révocation du mandat d'intérêt commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 du décret du 23 décembre 1958 ;

Mais attendu, d'une part, que c'est sans dénaturer les conclusions de M. Château et dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, a relevé que les expertises effectuées à la demande des parties concluaient que le goût trouvé au vin pouvait être provoqué autant par le fait que les bouteilles ont été couchées trop rapidement après le bouchonnage ou que celui-ci a été mal fait que par le bouchon lui-même et a estimé que le défaut de qualité des produits de la société Sabate n'a pas été établi;

Attendu, d'autre part, qu'en relevant que le décalage d'un mois pouvant exister entre le relevé de commissions et leur paiement s'explique par la tenue de formalités comptables et bancaires, la cour d'appel a répondu au moyen;

Attendu, en outre, qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, la réalité d'incidents entre certains clients et le fabricant qui a fait preuve d'un comportement passif, mais l'absence de répercussion de ces faits sur les commissions, la cour d'appel a estimé que les télex et autres lettres de clients ne constituent pas, à eux seuls, un élément probant et déterminant pour engager la responsabilité de la société Sabate, dès lors que la preuve que ces faits aient pu causer un préjudice à ces clients n'était pas rapportée, aucun ne l'ayant assignée en réparation de préjudice; qu'elle a, de même, retenu que l'expert n'a pu obtenir la preuve que les VRP de la société aient démarché les clients cités par M. Château et constaté que certains clients étaient déjà clients de la société avant que M. Château ne devienne son agent commercial et que d'autres sont inconnus du fichier de la société;

Attendu, enfin, que pour retenir qu'ils ne constituaient pas un motif de juste rupture, l'arrêt relève que le projet du mandant de réduire le taux des commissions et sa menace de bloquer le paiement des commissions n'avaient pas été exécutés et que les relations entre les parties se sont poursuivies par la suite; que la cour d'appel a ainsi procédé à la recherche prétendument omise; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le deuxième moyen : - Attendu que M. Château reproche encore à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de la somme de 104 192,50 francs au titre de commissions impayées et de celle de 50 000 francs à titre d'indemnité de retard, alors, selon le pourvoi, qu'en se déterminant par le seul visa des documents de la cause n'ayant fait l'objet d'aucune analyse et sans préciser en quoi les éléments de preuve étaient insuffisants, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel, par motifs adoptés, a retenu que le tableau produit par M. Château montrait l'existence de retards expliqués par des raisons techniques, mais qu'il n'en résultait pas la preuve d'un impayé sur les commissions et, par motifs propres, a estimé que la preuve que la société Sabate serait redevable de commissions n'est pas fournie, faute de justifications suffisantes ; que le moyen est sans fondement ;

Et sur le troisième moyen : - Attendu que M. Château reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande en paiement de la somme de 468 068,72 francs en contrepartie de l'obligation de non-concurrence, alors qu'il appartenait à la cour d'appel de statuer après avoir donné elle-même un fondement juridique à la demande ; qu'ainsi, elle a méconnu les exigences de l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'abstraction faite du motif surabondant attaqué, la cour d'appel, qui a relevé, par motifs propres, que la rupture du contrat était imputable à M. Château, et retenu, par motifs adoptés, qu'il ne respectait pas la clause de non-concurrence post-contractuelle, ayant cessé son activité d'agent commercial le 30 septembre 1986, créé une société anonyme qui faisait une concurrence déloyale au mandant et pris la qualité d'associé d'une société concurrente, n'a pas violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile en rejetant sa demande d'indemnisation de l'obligation de non-concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi.