CA Paris, 5e ch. B, 27 avril 2000, n° 1997-26018
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sobodel (SARL)
Défendeur :
GW Management (SARL), GW Management LTD (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffault
Avoués :
SCP Goirand, SCP Teytaud
Avocats :
Mes Cochet, Grostchnig-Audit.
LA COUR est saisie de l'appel interjeté par la SARL Sobodel du jugement contradictoirement rendu le 30 septembre 1997 par le Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige l'opposant à la SARL GW Management et à la société de droit anglais GW Management LTD, d'une part a constaté la validité du contrat de franchise conclu le 15 mai 1992 entre l'appelante et la SARL GW Management, d'autre part, a condamné la société Sobodel, outre aux dépens, à payer :
- à la société GW Management Ltd la somme de 138 899,52 F HT, montant de diverses factures de marchandises,
- à la société GW Management SARL la somme de 10 000 F pour frais d'administration et celle de 10 000 F au titre de ses frais irrépétibles, les parties étant déboutées de toutes autres demandes.
Constituée en 1992 pour exploiter à Chambéry (Savoie) un magasin franchisé " The Body Shop ", l'appelante a conclu le 15 mai 1992 un contrat de franchise avec la SARL GW Management qui gère en France le réseau " The Body Shop " créé selon elle à l'initiative de la société de droit anglais GW Management qui distribue des produits de beauté et de soins corporels. Elle fait valoir dans ses écritures du 25 février 2000
- que les juges consulaires n'ont pas motivé leur décision,
- que le franchiseur, à qui la charge de la preuve incombe, ne produit aucun élément pour justifier du respect par lui des obligations mises à sa charge par la loi Doubin, l'existence de discussions préalables ne pouvant pallier cette carence, de sorte que, faute par elle d'avoir pu correctement apprécier la situation et connaître avec précision la portée de ses engagements, en particulier sur le " véritable potentiel " du magasin, le contrat précité est nul pour vice du consentement,
- que le tribunal, qui ne peut reprocher à son gérant, Edouard Delpal, d'avoir " longuement insisté pour être le bénéficiaire du contrat ", s'est abstenu de répondre avec précision à son argumentation sur :
* le dol commis par l'intimée qui, en l'absence de toute étude sérieuse du marché local, a fourni des éléments chiffrés erronés et ne peut lui reprocher une mauvaise gestion,
* l'indétermination du prix d'achat des produits fixé de manière totalement anarchique par le franchiseur, sans possibilité de discussion,
* l'absence de cause,
* l'abus de position dominante de la société GW Management SARL qui lui a imposé des prix sans tenir compte du marché local et sans répercuter la baisse du cours de la livre sterling, notamment au mois de septembre 1992,
- qu'elle souffre d'un préjudice certain tenant au fait :
* que, à la suite de la rupture de ses engagements avec le franchiseur au début de l'année 1997, la valeur de son droit au bail a diminué et les aménagements effectuées ont dû être enlevés pour faire place à d'autres,
* qu'une perte d'exploitation a été enregistrée au cours des exercices 1995-1996 et 1996-1997,
* que le compte courant et les fonctions de son gérant n'ont pas été rémunérés.
Dès lors la société Sobodel prie la Cour :
- à titre principal de déclarer nul le jugement déféré,
- à titre subsidiaire d'annuler le contrat de franchise et de condamner la SARL GW Management à lui payer
* 144 000 F au titre de son droit d'entrée,
* 1 975 000 F en réparation de son préjudice,
* 45 000 F au titre de ses frais irrépétibles.
La SARL GW Management, qui conclut à la confirmation de la décision du tribunal et à la condamnation de l'appelante à lui payer 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, réplique :
- que, comme l'a retenu le Tribunal dont le jugement est motivé, ce sont les excellentes relations ayant existé entre les parties qui ont amené le franchiseur à transmettre de manière informelle, sans décharge, les informations prévues par la loi Dally, en particulier les chiffres prévisibles établis, en l'absence d'autres éléments, sur la base des résultats obtenus par les premiers magasins,
- qu'elle a bien transmis son savoir-faire à Edouard Delpal et à sa fille,
- que, concernant l'absence d'abus de dépendance économique, il est de l'essence même du contrat de franchise d'instituer entre les parties une relation d'exclusivité se traduisant notamment par l'insertion d'une clause d'approvisionnement exclusif à la charge du franchisé en raison de l'exclusivité dont il bénéficie, le franchiseur, pour sa part, n'ayant aucun moyen d'action sur la variation du taux de change entre le franc français et la livre sterling et ne jouissant pas sur le marché français des cosmétiques d'une position dominante qui aurait fait d'elle le seul interlocuteur possible de l'appelante,
- que les prix pratiqués par le distributeur étaient consignés dans un catalogue destiné à tous les franchisés qui connaissaient ainsi de manière précise les prix fermes pratiqués, lesquels résultaient de facteurs objectifs dans la mesure où il ne disposait pas d'une entière liberté en ce domaine,
- que l'appelante, qui tente de la rendre responsable des mauvais résultats de son exploitation, ne rapporte pas la preuve de son préjudice,
- qu'il convient de confirmer le jugement critiqué en ce qu'il est entrée en voie de condamnation à l'encontre de la société Sobodel et d'allouer au franchiseur une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile.
I - Sur la forme :
Considérant tout d'abord que, suite à l'appel interjeté par la société Sobodel, la SCP Teytaud, Avoué, s'est constituée pour la SARL GW Management et la société GW Management Ltd ;
Que le dossier de la procédure fait apparaître que l'appelante a sollicité le 19 mai 1999 la communication des " noms et coordonnées des liquidateurs " amiables " de la société GW Management Ltd ", puis le 24 août 1999 la communication des justificatifs " de la radiation du RC Anglais de la société Ltd GW Management ", " de la clôture des opérations de dissolution " et de la " fin de la mission de Monsieur H.M. Newman " ;
Que le 9 septembre 1999 un incident a été introduit par la société Sobodel pour obtenir la production de ces pièces ;
Que le 30 septembre 1999 la SARL GW Management a répliqué qu'elle ne possédait pas les pièces réclamées et a demandé à la société Sobodel de prendre acte de ce que la radiation de la société GW Management avait pris effet le 1er avril 1999 et de ce que la mission de son liquidateur, H.M. Newman, avait pris fin ;
Que consécutivement à cette réponse l'incident n'a pas été plaidé et les conclusions ont été établies au nom de la seule SARL GW Management ;
Considérant ensuite que l'intimée sollicite le rejet des écritures signifiées et des pièces communiquées par la société Sobodel le 10 mars 2000 ;
Considérant que la Cour ne peut qu'accéder à cette prétention de l'intimée, qui, faute de temps, n'a pu répondre aux écritures détaillées et aux deux pièces communiquées par la société Sobodel le 10 mars 2000, jour de la clôture et des plaidoiries ;
Considérant enfin que, même si c'est de manière succincte et parfois maladroite, le Tribunal a motivé sa décision ;
II - Sur le fond :
Considérant qu'il résulte des documents versés aux débats que, avant la signature, le 15 mai 1992, du contrat de franchise " The Body Shop " dont l'annulation est sollicitée, des relations existaient entre les parties depuis le troisième trimestre de l'année 1990, peu de temps après la constitution de la SARL GW Management (France) dont l'activité, telle que résultant du registre du commerce et des sociétés, est la suivante : " Gestion d'un réseau de franchises commercialisation de préparations cosmétiques et capillaires, ainsi que tout produit en rapport avec cette activité, sélection de franchisés et ouverture de points de vente succursales " ;
Considérant en effet que le 4 septembre 1990 Edouard Delpal, gérant de la société Sobodel et alors actionnaire majoritaire d'une SA Diprotex, a manifesté son intention d'intégrer avec sa fille Nathalie le réseau de franchise " The Body Shop " en adressant à son responsable un formulaire faisant état de leurs activités antérieures et de leurs projets ;
Que le 10 septembre 1991 Edouard Delpal a réitéré son offre qui a trouvé un écho favorable auprès de la SARL GW Management ;
Qu'au début de l'année 1992 Edouard Delpal a informé l'intimée sur l'implantation de son fonds et le nombre des visiteurs (500 000) par mois du " centre commercial Chamnord " avec cette précision qu'il espérait " un accroissement de 20 % après extension " ;
Que le 13 février 1992 la SARL GW Management a adressé à son futur cocontractant sa " façon de calculer le potentiel, à partir des comptages réalisés " et le chiffre d'affaires par semaine escompté, soit environ 45 000 F ;
Que le 9 mars 1992 elle lui a communiqué les coordonnées téléphoniques du franchisé de Grenoble et que le 31 mars 1992 elle l'a informé de l'acceptation de son offre avec ce " PS " : Cette fois-ci, nous joignons le dossier de presse et l'exemplaire en français du contrat de franchise " ;
Considérant que ce contrat, dont l'exemplaire en anglais lui a été adressé le 2 avril 1992, a été signé dans cette langue par Edouard Delpal, ès qualités, le 15 mai 1992 ;
Considérant que si, arguant des " excellentes relations ayant existé entre les parties ", le franchiseur soutient avoir remis de " façon informelle " les informations exigées par la loi n° 89-1008 du 31 décembre 1989 et son décret d'application du 4 avril 1991, force est de constater que, mis à part les renseignements contenus dans la correspondance en langue française ci-dessus analysée, cette preuve n'est pas rapportée devant la Cour qui, en particulier, ignore le contenu du " dossier de presse " précité;
Considérant toutefois que l'appelante, qui a déclaré dans le contrat dont le projet lui a été adressé plus de vingt jours avant sa signature, qu'elle s'était livré(e) à sa propre enquête " sur la franchise à elle consentie, ne précise pas en quoi le défaut d'information a eu pour effet de vicier son consentement; qu'elle ne peut donc, faute par elle de mettre la Cour en mesure de justifier sa décision sur ce point, obtenir de ce chef la nullité du contrat;
Considérant que la société Sobodel ne peut non plus faire grief à sa cocontractante de lui avoir indiqué un " chiffre d'affaires moyen par semaine d'environ 45 000 F ", différent de celui par elle réalisé au cours de ses différents exercices, à savoir : 770 236,28 F pour 11 mois en 1992-1993, 978 254,50 F en 1994, 912 972,58 F en 1995 et 928 046,73 F en 1995 ; qu'en effet, outre la circonstance que le franchiseur s'est contractuellement refusé à lui garantir un quelconque résultat, la Cour ne possède aucun élément objectif pour affirmer que le chiffre, peut être optimiste, avancé par la SARL GW Management, moins de deux ans après sa constitution, est dépourvu de tout sérieux a été déterminant dans la signature du contrat par la franchisée dont le représentant n'était pas un novice dans la vie des affaires, ce qui résulte de sa fiche de renseignements établie en 1990, et pouvait, de son côté, se livrer à un examen critique des renseignements donnés;
Considérant que la société franchisée ne peut non plus arguer de la nullité de contrat en invoquant, outre une absence de cause, l'indétermination du prix des produits et l'abus de position dominante de la société GW Management ;
Considérant en effet que la convention litigieuse comporte des obligations réciproques et que l'appelante, prompte à dénoncer la " réponse évasive " des premiers juges, s'avère bien incapable de préciser et d'établir son reproche qui ne concerne pas l'inexécution du contrat dont la sanction se trouve dans sa résiliation non sollicitée en l'espèce ;
Que par ailleurs, en ce qui concerne l'indétermination du prix des produits et l'abus de position dominante, il y a lieu de constater :
- d'une part que la validité du contrat de franchise n'est pas affectée par la clause de celui-ci se référant, comme en l'espèce (art. 5.6), " au prix du tarif en vigueur à la date d'expédition " et que l'abus dans la fixation des prix, laquelle n'est ici démontrée par aucune pièce, ne donne lieu, tout comme le grief sur l'absence de répercussion de la baisse de la livre sterling, qu'à résiliation ou indemnisation non réclamées,
- d'autre part que la société Sobodel ne peut invoquer les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 qui prohibe, sous certaines conditions, " l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises " " 1. D'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci " puisque, là encore, elle s'abstient de fournir une quelconque justification objective pour étayer sa prétention et démontrer en particulier la " position dominante " de la SARL GW Management sur le marché concerné ;
Considérant dès lors que la Cour, devant laquelle la résiliation du contrat n'est pas invoquée, ne peut que confirmer la décision du Tribunal en ce qu'elle a débouté l'appelante de ses demandes et condamné celle-ci au paiement de diverses sommes non remises en cause dans la présente instance ;
Considérant que l'indemnité allouée par les premiers juges à l'intimée au titre de ses frais irrépétibles apparaît suffisante et qu'il n'y a pas lieu de la majorer en cause d'appel ;
Par ces motifs, Rejette les conclusions signifiées et les pièces communiquées par la société Sobodel le 10 mars 2000 ; Confirme le jugement déféré ; Condamne la société Sodobel aux dépens de première instance et d'appel ; admet la SCP Teytaud, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du Nouveau code de procédure civile ; Déboute les parties de toutes autres demandes.