CA Paris, 5e ch. B, 4 mai 2000, n° 1997-20452
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sorevi (SA)
Défendeur :
First Drinks Brands Ltd (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Main
Conseillers :
M. Faucher, Mme Riffault
Avoués :
SCP Fisselier-Chiloux-Boulay, Me Huyghe
Avocats :
Mes de Silva, Rouhette.
LA COUR est saisie de l'appel formé par la société Rémoise des Vins (Sorevi) et par la société Veuve Paul Bur contre un jugement contradictoire rendu le 15 juillet 1997 par le Tribunal de commerce de Melun, qui dans un litige portant sur la rupture d'un contrat de distribution exclusive :
- a déclaré son jugement opposable à la société Veuve Paul Bur,
- a condamné la société Sorevi à payer à la société Teltscher Brothers Ltd (ci-après société Teltscher)
* 284.522,35 F au titre de la reprise des stocks,
* la contre valeur en francs à la date du jugement de 1.293.600 livres sterling de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier,
* 100.000 F de dommages intérêts en réparation de son préjudice commercial et moral,
- a condamné la société Teltscher à payer à la société Sorevi 1.364.318,40 F augmentés d'intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1996,
- a ordonné la compensation entre ces deux sommes,
- a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- a condamné la société Sorevi à payer à la société Teltscher 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
La société Rémoise des Vins (Sorevi) ayant depuis été radiée du registre du commerce de Melun le 18 avril 1996 en raison de sa fusion-absorption par la société Veuve Paul Bur avec effet rétroactif au 1er janvier 1995, et cette dernière ayant changé sa dénomination en Société Réunie des Vins (Sorevi) par décision d'une assemblée générale extraordinaire tenue le 29 décembre 1995, il ne subsiste plus dans la procédure que la Société Veuve Paul Bur aujourd'hui dénommée Sorevi.
La société Sorevi, appelante, expose qu'elle a confié le 17 juin 1991 à la société Teltscher la distribution exclusive du vin mousseux " Veuve de Vernay " pour la Grande-Bretagne, l'Irlande du Nord et les Iles Anglo-normandes, par un contrat à durée déterminée expirant le 31 décembre 1994.
Elle indique que selon l'article 6 du contrat, la société Teltscher s'engageait à atteindre des objectifs croissants exprimés en nombre de cartons, soit 115.000 cartons en 1992, 125.000 cartons en 1993 et 145.000 cartons en 1994, elle-même disposant en cas de non-réalisation de ces objectifs d'une faculté de résiliation unilatérale dont elle n'a pas fait usage bien que ces objectifs n'aient jamais été réalisés, la détérioration des ventes s'étant poursuivie de - 13 % à - 28 % année après année.
Elle ajoute qu'un nouveau contrat a été conclu fin 1994 pour une durée de trois ans, par lequel elle-même acceptait de réduire à 50.000 cartons le volume minimum pour 1995, tout en prévoyant une reprise de la croissance à partir de 1996, mais que la société Teltscher s'étant révélée incapable de redresser le niveau des ventes en dépit de ses engagements, elle l'a informée par lettre du 30 juin 1995 de son intention de mettre un terme à leurs relations commerciales à compter du 31 décembre 1995 ; elle précise qu'elle n'a pu que maintenir sa décision en raison du caractère irréaliste du plan de commercialisation que lui a présenté la société Teltscher, et confirmer à nouveau à cette dernière par lettre du 22 décembre 1995 que la lettre de résiliation du 30 juin 1995 trouvait son plein et entier effet.
Elle reproche aux premiers Juges d'avoir fait droit aux demandes de la société Teltscher, alors que l'objectif de vente fixé pour l'année 1995 n'était pas atteint, la société Teltscher ayant accumulé des commandes artificielles pour tromper son co-contractant, les ventes réalisées au 30 juin 1995 s'élevant en réalité à 16.034 cartons soit le tiers de cet objectif alors que les commandes de l'intimée auprès de l'appelante atteignaient 28.650 cartons ; elle ajoute que les conditions de forme prévues par le contrat ont été respectées, la lettre de résiliation ayant été adressée par recommandé avec accusé de réception et confirmée à plusieurs reprises selon les mêmes modalités, et déclare que la société Teltscher a violé ses obligations contractuelles non seulement en se livrant à des pratiques de " sur-stockage " en 1995, mais aussi en laissant de nombreuses factures impayées, enfin en s'abstenant de lui rendre compte de ses ventes à partir de septembre 1995, la rupture du contrat n'ayant dès lors aucun caractère abusif.
A titre subsidiaire, la société Sorevi soutient que les réparations allouées par les premiers Juges à la société Teltscher, qui correspondent à cinq années de livraisons gratuites des vins " Veuve du Vernay ", ont un caractère exorbitant. Elle fait valoir que la marge commerciale par carton de 12,32 £, alléguée par la société Teltscher, n'est assortie d'aucune justification, que l'intimée ne justifie d'aucun préjudice pour l'année 1995, étant alors en charge de la distribution du vin " Veuve de Vernay ", et qu'elle ne justifie pas avoir manqué de marchandise puisqu'elle détenait plus de 2.000 cartons plusieurs mois après la cessation de leurs relations contractuelles, bien qu'elle ait soldé une partie de ses stocks ; elle ajoute que la perte de marge alléguée par l'intimée pour les années 1996 et 1997 est encore moins établie, puisque ses objectifs n'ayant pas été atteints pour 1995, le contrat devait inéluctablement prendre fin à l'issue de l'année 1995.
Elle demande à la Cour :
- de réformer la décision entreprise et statuant à nouveau
- à titre principal, de dire que la résiliation, intervenue en application de l'article 6 du contrat, n'est pas abusive, et de débouter la société Teltscher de toutes ses demandes,
- subsidiairement, de dire que les préjudices allégués n'existent pas, qu'il n'existe pas de lien de causalité entre ces préjudices et la rupture des relations commerciales par l'appelante, et de débouter l'intimée de toutes ses demandes en réparation,
- plus subsidiairement encore, de dire que la contre-valeur en francs français de la somme allouée à la société Teltscher à titre de réparation et libellée en livres sterling, sera calculée à la date du paiement, le retard apporté au paiement n'étant pas imputable à l'appelante puisque la décision entreprise n'était pas assortie de l'exécution provisoire,
- à titre infiniment subsidiaire, de désigner un expert afin d'évaluer le préjudice allégué par l'intimée du fait de la rupture du contrat de distribution,
- en tout état de cause, de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a condamné l'intimée à lui payer 1.364.318,40 F augmentés d'intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1996 au titre des factures impayées, et de condamner la société Teltscher à lui payer 100.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société First Drinks Brands Ltd anciennement dénommée société Teltscher Brothers Ltd (ci-après société Teltscher), intimée, réplique que la société Sorevi a brutalement résilié par télécopie du 30 juin 1995 le contrat renouvelé six mois auparavant pour une durée de trois ans au prétexte fallacieux que ce renouvellement n'avait pas eu lieu, et n'a justifié sa décision de rupture par la violation de la clause d'objectifs qu'après le 30 novembre 1995.
Elle soutient que la résiliation intervenue le 30 juin 1995 est irrégulière et fautive, puisque la condition de non-réalisation des objectifs annuels de commandes, prévue par l'article 6 du contrat, ne pouvait être réalisée à cette date ; elle fait valoir qu'elle avait réalisé dès la fin du mois de mai 1995 57,3 % de son objectif annuel de commandes minimum pour l'année 1995, et avait vendu au 30 juin 1995 près du tiers de son objectif annuel de 50.000 cartons soit 16.034 cartons. Elle ajoute que l'appelante n'a pas respecté les exigences de forme prévues par le contrat, n'ayant pas confirmé la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception, pas plus que ses conditions de date, la notification devant intervenir dans les trois premiers mois suivant la fin de l'année au cours de laquelle les volumes minimum n'auraient pas été atteints.
Elle déclare que la société Sorevi a fait preuve de mauvaise foi dans l'exercice de sa faculté de résiliation du contrat, critiquant à tort ses performances commerciales alors que le litige porte sur la distribution d'un produit en fort déclin, et s'appuyant sur le faible niveau des commandes au second semestre 1995 pour invoquer un prétendu sur-stockage mis en place par son distributeur alors que ce faible niveau s'explique exclusivement par la rupture de leurs relations contractuelles.
Elle ajoute que la société Sorevi a également fait preuve de mauvaise foi pendant le délai de préavis, perturbant son activité commerciale et feignant à la mi-septembre 1995 de reconsidérer sa position sous réserve de l'établissement par l'intimée d'un nouveau " plan marketing " rejeté quelques semaines plus tard le 2 octobre 1995 ; elle observe que la part de marché du vin " Veuve de Vernay " n'a cessé de régresser sous la distribution de la société Waverley Vinters Ltd qui lui a succédé, bien que le prix unitaire du produit et son conditionnement aient été modifiés ainsi qu'elle-même l'avait préconisé.
Elle soutient qu'elle a subi un important préjudice financier, correspondant au manque à gagner sur les volumes non commandés au cours des années 1995, 1996 et 1997, soit
- 8.450 cartons non commandés pour l'exercice 1995, la non-réalisation de l'objectif annuel de 50.000 cartons s'expliquant exclusivement par la mauvaise foi dont la société Sorevi a fait preuve au cours de cette période,
- 66.000 cartons non commandés pour l'exercice 1996, ce chiffre correspondant à l'objectif annuel prévu pour l'exercice 1997 lors du renouvellement du contrat fin 1994,
- 80.000 cartons pour l'exercice 1997, ce chiffre correspondant à son objectif annuel de vente minimum pour cet exercice, sa marge commerciale devant être chiffrée à 12,32 £ par carton pour chacun de ces exercices,
et ajoute qu'elle a subi également un préjudice commercial et moral dont elle demande réparation, en raison de la désorganisation qui est résultée de la résiliation du contrat et du détournement par la société Sorevi du " plan marketing " élaboré à sa demande par l'intimée, pour inspirer sa nouvelle politique de distribution en Grande-Bretagne à partir de janvier 1996.
Elle demande à la Cour :
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré abusive la résiliation anticipée du contrat de distribution, et en ce qu'elle a fait droit en son principe aux demandes de dommages intérêts formées par l'intimée en réparation de son préjudice financier ainsi que de son préjudice commercial et moral,
- de la réformer sur le quantum et de porter ces dommages intérêts à la contre-valeur en francs français de 1.902.824 livres sterling en ce qui concerne son préjudice financier, et à 1.000.000 F en ce qui concerne son préjudice commercial et moral,
- de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné la compensation judiciaire entre les sommes réciproquement dues par les parties,
- de condamner la société Sorevi à lui payer 80.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Considérant que par contrat du 17 juin 1991, la société Remoise des Vins locataire-gérante du fonds de commerce de la société Veuve Paul Bur et filiale du groupe Marie Brizard, a confié la distribution exclusive du vin mousseux " Veuve de Vernay " à la société Teltscher, filiale du groupe Bacardi-Martini, sur un territoire comprenant la Grande-Bretagne, l'Irlande du Nord et les Iles Anglo-normandes, la société Veuve Paul Bur propriétaire de la marque " Veuve de Vernay " étant intervenue à l'acte pour marquer son accord ;
Considérant que ce contrat entré en vigueur le 24 juin 1991, était conclu pour une durée déterminée expirant le 31 décembre 1994; que selon son article 6, les objectifs assignés à la société Teltscher étaient pour l'année 1992 de 115.000 cartons, pour l'année 1993 de 125.000 cartons, enfin pour l'année 1994 de 145.000 cartons, la société Sorevi disposant d'une faculté de résiliation unilatérale en cas de non-réalisation de ces objectifs pour les années 1992 et 1993 ;
Considérant que la part de marché du vin " Veuve de Vernay " n'a cessé de diminuer au cours de cette période, les ventes réalisées par la société Teltscher s'étant élevées à 75.522 cartons pour 1992, 55.776 cartons pour 1993 et à 46.016 cartons pour l'année 1994 ;
Considérant que par télécopie du 27 septembre 1994, la société Sorevi a cependant proposé à la société Teltscher de renouveler ce contrat pour trois ans à compter du 1er janvier 1995 jusqu'au 31 décembre 1997, aux mêmes conditions à l'exception de quelques modifications concernant la reprise par le concédant du territoire de duty-free, l'intégration du budget publicitaire au prix de vente du distributeur, enfin la réduction significative de la clause d'objectifs que la société Sorevi proposait en effet, compte tenu de la non-réalisation des objectifs prévus pour les années précédentes, de les porter à 50.000 cartons pour 1995, 66.000 cartons pour 1996, et 80.000 cartons pour 1997 ;
Qu'après négociation sur ces trois articles, la société Sorevi a marqué par télécopie du 7 novembre 1994 son accord sur les différents points évoqués par la société Teltscher, et confirmé par télécopie du 16 novembre 1994 l'accord intervenu sur le renouvellement du contrat, ajoutant " je me propose de vous faire parvenir, dès mon retour, le renouvellement de notre contrat pour trois ans " ;
Considérant que ce nouveau contrat n'a jamais été signé ; qu'il convient cependant de relever que les relations commerciales des parties se sont poursuivies au cours du premier semestre de l'année 1995, et que les griefs soulevés par la société Sorevi ont porté sur la non-réalisation des objectifs qu'elle avait elle-même suggérés dans sa proposition de renouvellement ; qu'il s'en suit que le contrat conclu entre les parties le 17 juin 1991 a été renouvelé pour trois ans aux mêmes clauses et conditions, à l'exception des trois modifications mentionnées dans la télécopie du 27 septembre 1994 de la société Sorevi ;
Considérant que par télécopie du 30 juin 1995, la société Sorevi a notifié à la société Teltscher sa décision de mettre un terme à leurs relations commerciales à compter du 31 décembre 1995, lui rappelant que le contrat signé en 1991 " n'avait pas été renouvelé " ; qu'elle constatait toutefois dans ce courrier un important déséquilibre entre une diminution des ventes de son distributeur et un accroissement important de l'accumulation de ses stocks, soulignant " l'échec complet " de la politique commerciale de la société Teltscher pour l'année 1995 ;
Que la société Sorevi a maintenu sa décision malgré les protestations de la Société Teltscher, refusant le 2 octobre 1994 la proposition de programme commercial de cette dernière et lui faisant connaître par ce courrier la désignation de la société Waverley Vinters comme son nouveau distributeur à compter de 1996 ; que par télécopies des 30 novembre et 7 décembre 1995, l'appelante a enfin invoqué la violation par son distributeur des articles 5 et 6 du contrat concernant l'obligation de communication des ventes locales et la clause de volumes minimum, pour justifier sa décision; qu'elle lui réclame en outre le paiement de diverses factures restées impayées ;
Considérant que la société Teltscher soutient que la résiliation intervenue le 30 juin 1995 est intervenue dans des conditions irrégulières et lui a causé divers préjudices dont elle demande réparation; qu'il convient d'examiner si cette résiliation a été abusive et de rechercher si les préjudices invoqués par les parties sont établis ;
Sur la résiliation du contrat de distribution :
Considérant que selon l'article 6 du contrat, intitulé " Volumes Minimum ", " le terme " volume " signifie dans le présent article: " litrages commandés par Teltscher et expédiés des caves par Sorevi ". Teltscher s'engage à ne pas réaliser des stockages exagérés par rapport aux ventes aux fins d'atteindre les volumes minimum (..) " ; que selon le même article, si la société Teltscher ne réalisait pas les volumes convenus, "le présent contrat pourrait être rompu par Sorevi sans préavis et par simple lettre recommandée avec accusé de réception, après constatation du fait que les volumes n'ont pas été atteints et au plus tard dans les trois mois suivant le 31 décembre (de l'année considérée); que l'article 13 du contrat rappelle qu'il prendra fin le 31 décembre 1994 " sauf cas de résiliation anticipée intervenue en application des dispositions de l'article 6 (...) " ; que les volumes mentionnés dans l'article 6 du contrat sont indiqués pour chacune des " années civiles " 1992, 1993 et 1994 ; que les propositions contenues dans la télécopie adressée par la société Sorevi à son distributeur le 27 septembre 1994 mentionnent des engagements pour 1995, 1996 et 1997 sans apporter d'autre modification aux dispositions contenues dans l'article 6 du contrat ;
Considérant que la société Sorevi ne pouvait dans ces conditions procéder unilatéralement à la résiliation du contrat le 30 juin 1995, alors qu'un semestre seulement de l'année 1995 était écoulé, les conditions d'application de l'article 6 ne pouvant être éventuellement réunies que le 31 décembre de la même année; qu'elle a commis une faute en procédant à cette résiliation sans attendre l'expiration du délai d'un an prévu par le contrat; qu'en outre elle n'a pas respecté le 30 juin 1995 les dispositions de l'article 19 du contrat, qui lui faisaient obligation de confirmer par lettre recommandée toute notification adressée par télécopie à son distributeur ;
Considérant que la société Sorevi soutient qu'en tout état de cause ce dernier était incapable de réaliser les objectifs stipulés et observe que les ventes de son distributeur au cours des six premiers mois de chacune des années considérées n'ont cessé de diminuer, soit 26.279 cartons pour le premier semestre 1992, 24.942 cartons pour le premier semestre 1993, 18.929 cartons pour le premier semestre 1994 et 16.034 cartons pour le premier semestre 1995, le montant des ventes totales réalisées pour chacune des années civiles considérées ayant lui aussi constamment régressé ; que la société Teltscher réplique que ses commandes auprès de la société Sorevi, seules prises en compte par le contrat, s'élevaient déjà à 28.650 cartons au 31 mai 1995, soit 57,3 % de son objectif de volume pour l'année 1995, un mois avant la résiliation du contrat ;
Considérant que les conventions doivent être exécutées de bonne foi par les parties ; que les dispositions de l'article 6 du contrat faisaient expressément obligation au distributeur de " ne pas réaliser des stockages exagérés par rapport aux ventes aux fins d'atteindre les volumes minimum " ; que son article 5 lui imposait d'" informer systématiquement et régulièrement Sorevi de la situation du marché sur le territoire, de l'évolution des ventes (...) " ;
Qu'en l'espèce, l'intimée a cessé de rendre compte de ses ventes à la société Sorevi à compter de septembre 1995, et ne verse aux débats aucune pièce concernant les ventes totales qu'elle a réalisées au cours du second semestre 1995 à l'exception de ses ventes pour les mois de juillet et août 1995 qui se sont élevées respectivement à 3.671 et 2.797 cartons soit un total de 22.502 cartons sur une période de huit mois; que par lettre du 28 septembre 1995, la société Teltscher proposait à la société Sorevi un nouveau plan de commercialisation comprenant une réduction des volumes à 43.500 cartons pour 1995, 56.500 cartons pour 1996 et 64.500 cartons pour 1997 ; que l'intimée n'a commandé au cours de ce second semestre à la société Sorevi que 12.900 cartons supplémentaires soit un total de 41.550 cartons au lieu des 50.000 cartons contractuellement prévus pour l'année 1995; que la totalité de ces produits n'a pas été vendue puisque le stock de la société Teltscher au 31 décembre 1995 s'élevait à 2.721 cartons, dont elle a demandé le remboursement à la société Sorevi;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la responsabilité de la rupture du contrat de distribution doit être partagée entre les deux parties; qu'elle incombe pour un tiers à la société Sorevi et pour deux tiers à la société Teltscher;
Sur les préjudices allégués par la société Teltscher ;
Considérant que la société Teltscher déclare avoir subi en premier lieu un préjudice financier de 1.902.824 £ correspondant à sa perte de marge du fait de la rupture du contrat, soit :
- 104.101 £ au titre des 8.450 cartons non commandés pour 1995,
- 813.120 £ au titre des 66.000 cartons prévus pour 1996,
- 985.600 £ au titre des 80.000 cartons prévus pour 1997,
Qu'elle verse aux débats une attestation de son commissaire aux comptes justifiant le calcul d'une marge commerciale moyenne de 12,32 £ par carton de " Veuve de Vernay " vendu, qui sera retenu par la Cour, l'appelante n'apportant pas d'éléments précis au soutien de sa contestation sur cette évaluation ;
Considérant cependant que l'intimée ne justifie d'aucune perte de marge au titre de l'année 1995, puisqu'elle était alors chargée de la distribution des produits Sorevi et ne fait état d'aucun refus de livraison, précisant au contraire avoir conservé des stocks à l'issue de cette période, dont elle demande le remboursement ;
Qu'en ce qui concerne les années 1996 et 1997, il résulte de ses propres écritures que l'intimée avait demandé à l'appelante une réduction des volumes convenus à 56.500 cartons pour 1996 et 64.500 cartons pour 1997 ; que les ventes réalisées de janvier à août 1995 se sont élevées à 22.502 cartons ; que la société Sorevi n'avait pas fait usage de la faculté de résiliation prévue par le contrat au cours des années précédentes, bien que les résultats de son distributeur soient restés constamment au-dessous des objectifs contractuellement convenus ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour chiffrer à 70.000 cartons les ventes que pouvait attendre la société Teltscher de la poursuite de l'exécution du contrat jusqu'à son terme ; qu'il convient dès lors de fixer le préjudice financier subi par l'intimée à (12.32 £ x 70.000) / 3 = 287.466,66 £ ;
Considérant que la société Teltscher demande en second lieu la réparation du préjudice commercial et moral qu'elle estime avoir subi du fait de la désorganisation résultant de la résiliation anticipée du contrat, et en raison de l'utilisation par la société Sorevi du plan de commercialisation du vin " Veuve de Vernay " élaboré par l'intimée en septembre 1994 et aussitôt rejeté par l'appelante ; qu'il résulte de ce rapport versé aux débats que certaines de ses propositions concernant le prix et la présentation du produit ont été effectivement adoptées par la société Sorevi après la cessation des relations contractuelles entre les parties ; que la Cour dispose d'éléments suffisants pour chiffrer à 50.000 francs le préjudice moral et commercial subi par l'intimée du fait de la résiliation du contrat ;
Considérant que l'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société Sorevi est sans objet ;
Considérant que l'appelante demande à la Cour que la contre-valeur en francs français de la somme allouée à la société Teltscher à titre de réparation et libellée en livres sterling, soit calculée à la date du paiement, l'intimée n'y faisant aucune objection ; qu'il convient de faire droit à la demande, la décision entreprise n'ayant pas été assortie de l'exécution provisoire ;
Considérant qu'il convient également de confirmer la décision des premiers Juges condamnant la société Sorevi à payer à la société Teltscher 284.522,35 francs au titre de la reprise des stocks, conformément à l'article 14 du contrat de distribution ;
Sur les demandes de la société Sorevi :
Considérant que la société Sorevi demande le paiement de 1.364.318,40 F augmentés d'intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1996, au titre de factures impayées par la société Teltscher ; que cette dernière ne les conteste pas ; qu'il convient de confirmer sur ce point la décision entreprise ;
Qu'il convient d'ordonner la compensation entre les créances réciproquement dues par les parties, à concurrence de la moins élevée d'entre elles ;
Considérant qu'il est équitable que la société Sorevi soit indemnisée des frais irrépétibles qu'elle a exposés en appel ;
Par ces motifs, Confirme partiellement la décision entreprise, en ce qu'elle a déclaré le jugement opposable à la société Veuve Paul Bur, condamné la société First Drinks Brands Ltd anciennement dénommée Teltscher Brothers Ltd à payer à la société Sorevi 1.364.318,40 F au titre de factures impayées avec intérêts au taux légal à compter du 16 septembre 1996, condamné la société Sorevi à payer à la société First Drinks Brands Ltd 284.522,35 F au titre de la reprise des stocks, statué sur les dépens ainsi que sur l'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, La réforme pour le surplus, Dit que la rupture du contrat de distribution incombe pour un tiers à la société Sorevi et pour deux tiers à la société First Drinks Brands Ltd, Condamne la société Sorevi à payer à la société First Drinks Brands Ltd ; - la contre valeur en francs français de 287.466,66 livres sterling à titre de dommages intérêts en réparation de son préjudice financier, - 50.000 F de dommages intérêts au titre de son préjudice moral et commercial, Dit que la contre-valeur en francs français de la somme allouée à la société First Drinks Brands Ltd à titre de réparation et libellée en livres sterling, soit 287.466,66 livres sterling, sera calculée à la date du paiement, Ordonne la compensation entre les sommes réciproquement dues par les parties, à hauteur de la moins élevée d'entre elles, Condamne la société First Drinks Brands Ltd à payer à la société Sorevi 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure Civile pour ses frais irrépétibles d'appel, La condamne aux dépens d'appel, Admet la SCP Fisselier Chiloux Boulay, avoué, à bénéficier des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.