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Décisions

CA Pau, ch. soc., 4 mai 2000, n° 99-03894

PAU

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Fiat Auto France (SA), Garages de la Côte Basque Sodex société d'exploitation (SARL)

Défendeur :

Lacroze, Hontas, Delos, Barros de Jesus, Etchetto, Justes, Roussille, Ferreira, Bernard Molia (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Zanghellini

Conseillers :

MM. d'Uhalt, Pouyssegur

Avocats :

SCP Poirier-Schrimpt & Associés, Mes Lafitte-Bernard, Darsaut-Darroze.

CA Pau n° 99-03894

4 mai 2000

Suivant ordonnance en date du 6 décembre 1999, à la lecture de laquelle il est renvoyé pour l'exposé des faits et de la procédure, la juridiction des référés du Conseil de Prud'hommes de Dax :

- [a] ordonné la jonction des instances numéros 99-135 et 99-142,

- se déclarant incompétent, a dit que la société Fiat Auto France et la société Sodex avaient violé les dispositions d'ordre public de l'article L.122-12 du Code du travail,

- en conséquence a dit que la rupture à titre conservatoire des contrats de travail des 8 salariés à l'initiative de la société Molia incombait à la société Fiat Auto France et à la société Sodex,

- a condamné in solidum les 2 sociétés à assurer la charge du paiement des indemnités de rupture et à faire le nécessaire auprès des organismes sociaux,

- a dit que les contrats de travail étaient transférés à la société Fiat Auto France à charge pour elle de faire le nécessaire auprès du concessionnaire Sodex pour qu'ils soient repris dans le secteur concerné,

- a condamné in solidum les 2 sociétés à payer à chaque demandeur 1 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- s'est déclaré incompétent pour le surplus et a invité les demandeurs à se mieux pourvoir au fond,

- a débouté les sociétés Fiat Auto France et Sodex de leurs demandes et les a condamnées aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe de la juridiction prud'homale le 10 décembre 1999 la société Fiat Auto France a régulièrement interjeté appel de l'ordonnance notifiée le 8 décembre 1999.

La SA Fiat Auto France importateur exclusif en France de véhicules de marque Fiat rappelle tout d'abord que par lettre recommandée avec accusé de réception du 5 août 1997 elle résiliait, avec effet du 5 août 1999, le contrat de concession qui la liait avec la SARL Garage Molia son concessionnaire pour le département des Landes et la région d'Orthez.

Elle ajoute que nonobstant cette résiliation la société Bernard Molia continuait à exploiter son fonds de commerce dans les mêmes locaux sous l'enseigne commerciale " spécialiste Fiat " à tout le moins jusqu'au 9 novembre 1999.

La société Fiat Auto France conclut tout d'abord à l'irrecevabilité des demandes au motif que celles-ci " se heurtaient à la contestation sérieuse constituée par la question de l'application des dispositions de l'article L. 122-12 (alinéa 2) du Code du travail au cas d'espèce alors que la société Bernard Molia prenait l'initiative, postérieurement à la saisine du Conseil de Prud'hommes de rompre les contrats de travail pour motif économique par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 1999.

Elle ajoute que les conditions requises pour l'application de l'article R. 516-31 du Code du travail n'étaient pas plus réunies, la société Molia se considérant le 8 novembre 1999, en fait et en droit, comme le seul employeur débiteur des indemnités conventionnelles de rupture.

La société appelante observe d'ailleurs que [suite à] son appel du jugement rendu le 16 novembre 1998 par le Tribunal de commerce de Paris la société Bernard Molia a saisi la Cour d'appel de Paris d'une demande de condamnation du concédant à lui rembourser les conséquences pécuniaires des licenciements prononcés.

A titre subsidiaire, sur le fond, la société Fiat Auto France souligne que la succession de deux entités juridiques dans l'exécution d'un contrat de concession de marque ne constitue pas en soi " le transfert d'une entité économique conservant son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise ".

Elle en veut pour preuve que rien n'établirait :

- " que les 8 salariés demandeurs auraient constitué un ensemble organisé de personnes et d'éléments permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ",

- " qu'il est contant que la société Bernard Molia après le 5 août 1999 poursuit son activité dans les mêmes locaux et avec le même personnel ",

- " qu'aucune personne ni physique ni morale ne s'est vue attribuer une concession sur le territoire objet du contrat de concession résilié ".

En définitive la société Fiat Auto France demande à la Cour de réformer l'ordonnance, de débouter les salariés de toutes leurs prétentions et de les condamner au paiement de 1 000 F (chacun) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

- M. Lacroze,

- M. Hontas,

- M. Delos,

- M. Barros de Jésus,

- M. Etchetto,

- M. Ferreira,

- Mme Justes,

- M. Roussille rétorquent qu'après la résiliation du contrat de concession détenu par la SA Bernard Molia un nouveau concessionnaire a été désigné sur le même territoire en la personne de la société Sodex.

Ils estiment en conséquence qu'en application de l'article L.122-12 du Code du travail l'ensemble des contrats de travail a été transféré au nouveau concessionnaire Fiat lors de sa nomination en tant que tel au mois de septembre 1999.

A titre principal les salariés retiennent que l'entité économique que constitue la concession exclusive Fiat de Dax s'est trouvée transférée au profit de Fiat Auto France SA puis de la société Sodex.

Ils forment appel incident et sollicitent la condamnation solidaire de la société Fiat Auto France et de la SARL d'exploitation des Garages de la Côte Basque à leur payer les sommes suivantes, outre intérêts :

EMPLACEMENT TABLEAU

Les salariés sollicitent enfin la délivrance des certificats de travail et des attestations Assedic et le paiement de 1 000 F (chacun) sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La SA Bernard Molia rappelle pour sa part que depuis 1997 la marque Fiat poursuit la concentration de son réseau de distribution en France en créant des organisations multipoints qui regroupent plusieurs territoires sur une seule concession.

Elle ajoute qu'après la résiliation de son contrat de concession le 5 août 1997 avec effet au 5 août 1999 les concession de Dax, Anglet et Mont-de-Marsan ont été regroupées en une seule concession confiée à la société Sodex au vu des publicités parues dans la presse locale.

La SA Bernard Molia souligne enfin que devant le refus caractérisé des sociétés Sodex et Fiat Auto de prendre leurs responsabilités elle s'est retrouvée contrainte de procéder à leur licenciement à titre conservatoire.

Elle s'associe aux demandes présentées par ses salariés non sans relever " que les dispositions protectrices de l'article L.122-12 (alinéa 2) du Code du travail organisant le transfert des contrats de travail entre l'employeur en cas de modification dans la situation juridique sont d'ordre public ".

La SARL Sodex concessionnaire de la marque Fiat sur le territoire d'Anglet depuis le 1er octobre 1996 note que depuis le 5 août 1999 la SA Bernard Molia continue à exploiter son fonds de commerce dans les mêmes locaux, avec les mêmes salariés sous l'enseigne commerciale " spécialiste Fiat ".

Elle conteste avoir repris la concession Fiat sur le territoire de Dax au vu notamment de la lettre expédiée par la SA Fiat Auto France le 8 novembre 1999 tout en relevant " que rien ne leur interdisait de faire de la publicité sur le territoire de Dax devenu libre (comme la SARL Garage Molia concessionnaire Fiat pour la région d'Orthez)["].

Elle demande à la Cour de réformer l'ordonnance, de débouter les salariés de toutes leurs prétentions, de les condamner in solidum avec la société Sodex à lui payer 1 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

MOTIVATION DE L'ARRET :

1 - Sur l'application des articles R. 516-30 et R. 516-31 du Code du travail :

La résiliation du contrat de concession le 5 août 1997 à l'initiative de la société Fiat Auto France avec un préavis de 2 années n'entraînait pas pour autant la désignation d'un nouveau concessionnaire en remplacement de la SA Bernard Molia.

Au contraire dans sa réponse du 21 juin 1999 au courrier de la société Bernard Molia du 11 mai 1999 la SA Fiat Auto France éludait la question qui lui était posée par la SA Bernard Molia.

Il n'en reste pas moins que par courrier du 8 novembre 1999 la société Bernard Molia licenciait chacun des 8 salariés en invoquant le refus de la société Sodex - nouveau concessionnaire selon elle - de reprendre les contrats de travail en application de l'article L. 122-12 du Code du travail.

Or la société Sodex conteste cette affirmation en produisant un courrier de la société Fiat Auto France lui confirmant " que le contrat de concession (...) n'inclut pas le territoire de Dax concédé à la SA Bernard Molia jusqu'au 5 août 1999 ".

La discussion - sérieuse - qui se fait jour sur les conditions de reprise de la concession Fiat de Dax ne saurait être close par la production de documents insuffisamment probants qui doivent être appréciés par la seule juridiction du fond sur le fondement de l'article R. 516-30 du Code du travail.

2 - Sur l'application des articles 696 et 700 du nouveau Code de procédure civile :

Les intéressés qui succombent seront condamnés aux dépens d'instance et d'appel.

En revanche, l'équité et la situation respective des parties ne commandent pas d'admettre la société Fiat Auto France au bénéfice de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par ces motifs, LA COUR : Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort ; 1 - Reçoit l'appel interjeté par la société Fiat Auto France le 10 décembre 1999 ; 2 - Réforme l'ordonnance rendue le 6 décembre 1999 par la juridiction des référés du Conseil de Prud'hommes de Dax ; Statuant à nouveau : - dit que la discussion - sérieuse - qui se fait jour sur les conditions de reprise de la concession Fiat de Dax ne pouvait être tranché - en l'absence de documents suffisamment probants - par la juridiction des référés ; - rejette, comme prématurées, les demandes formulées par les 8 salariés et les renvoie à se mieux pourvoir au fond ; 3 - Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ; 4 - Condamne les intimés aux dépens d'instance et d'appel.