Cass. com., 14 juin 2000, n° 98-11.695
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Corbion
Défendeur :
Segard (ès qual.), Bes, Blandy
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Dumas
Rapporteur :
Mme Champalaune
Avocat général :
M. Feuillard
Avocats :
Me Luc-Thaler, SCP Waquet, Farge, Hazan.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 3 octobre 1997), que, par acte notarié du 19 mars 1993, M. Corbion a donné en location-gérance deux fonds de commerce à M. Blandy et lui a également donné à bail, à titre accessoire, les locaux dans lesquels ces fonds devaient être exploités ; que se prévalant de ce que M. Blandy n'avait pas la qualité de commerçant à cette date, M. Corbion a assigné M. Blandy en nullité du contrat de location-gérance et du bail accessoire ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche : - Attendu que M. Corbion fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande, alors, selon le pourvoi, qu'en vertu de l'article 65 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984, la personne assujettie à l'immatriculation au Registre du commerce qui n'a pas requis cette dernière à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter du commencement de cette activité, ne peut se prévaloir, jusqu'à immatriculation, de la qualité de commerçant tant à l'égard des tiers que des administrations publiques ; que le locataire-gérant, soumis à toutes les obligations découlant de la qualité de commerçant en vertu de l'article 2 de la loi du 20 mars 1956 a l'obligation d'être immatriculé au Registre du commerce, à défaut de quoi il ne peut se prévaloir de la qualité de commerçant ; que dès lors, en affirmant en l'espèce que la non-immatriculation de M. Blandy ne lui enlevait pas la possibilité d'être commerçant pour l'avenir et de conclure un contrat de location-gérance, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Mais attendu que l'article 2 de la loi du 20 mars 1956 ne pose aucune condition quant aux qualités que doit présenter le futur locataire-gérant, et que, résultant de la location-gérance, l'immatriculation au Registre du commerce ne peut être que postérieure à la conclusion d'un tel contrat ; qu'il en résulte que la cour d'appel a décidé, à bon droit, qu'à défaut d'être privé de sa capacité à contracter, M. Blandy pouvait valablement conclure un contrat de location-gérance;
Mais sur la seconde branche du premier moyen : - Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que, pour rejeter la demande en nullité du contrat de location-gérance, l'arrêt énonce que M. Blandy avait capacité à passer un tel contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Corbion qui soutenait que s'il avait connu la radiation du registre du commerce de M. Blandy suite à un jugement de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actifs, il n'aurait pas contracté et qu'il y avait eu réticence dolosive de la part de M. Blandy, de nature à entraîner l'annulation du contrat sur le fondement de l'article 1116 du Code civil, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le troisième moyen : - Vu l'article 1382 du Code civil ; - Attendu que, pour condamner M. Corbion à payer des dommages-intérêts à M. Blandy, l'arrêt retient que "la procédure engagée par Roland Corbion a manifestement causé un grief à M. Blandy ; que la créance de dommages-intérêts de ce dernier à concurrence de 40 000 francs est fondée" ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans caractériser la faute imputable à M. Corbion dans l'exercice de son droit d'agir en justice, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 octobre 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre.