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Décisions

CA Orléans, ch. com., économique et financière, 14 septembre 2000, n° 99-02299

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Promotion de Développement et de Gestion Immobilière (SARL)

Défendeur :

SHRH (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Rémery

Conseillers :

Mmes Magdeleine, Boury

Avoués :

SCP Laval-Lueger, SCP Duthoit-Desplanques

Avocats :

Me Rouge-Bardet, SCP Adida-Mathieu-Buisson-Vieillard-Meunier-Guigue

T. com. Tours, du 23 avr. 1999

23 avril 1999

Exposé du litige

LA COUR statue sur l'appel d'un jugement du Tribunal de commerce de Tours rendu le 23 avril 1999, interjeté par la société PDG Immo, suivant déclaration du 28 juin 1999.

Pour l'exposé complet des faits de la procédure, des prétentions et moyens des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions des parties signifiées les 7 avril (société PDG Immo) et 9 mai 2000 (SHRH).

Dans le présent arrêt, il sera seulement rappelé que la société France accueil, devenue la société AS développement, avait pour objet le "développement et la promotion d'un concept original d'hôtellerie-restaurant en bord de route à l'enseigne "Aster La Nouvelle Hôtellerie", cette enseigne étant aussi une marque appartenant à la société Aster développement qui lui avait concédé une licence d'exploitation.

Par acte du 6 janvier 1989, la société France accueil, en qualité de franchiseur, a conclu avec la société Hôtel-Restaurant Houel (SHRH), exploitant un hôtel à Villefranche-sur-Saône, un contrat de franchise l'intégrant dans son réseau en vue de lui transmettre son savoir-faire.

Un avenant à ce contrat a été conclu les 25 et 29 juin 1992.

Par jugement du Tribunal de commerce de Tours du 18 août 1994, la société AS développement a été mise en redressement judiciaire, puis, par jugement du même tribunal du 6 décembre 1994, en liquidation judiciaire, avec Mme Breion en qualité de liquidateur de cette procédure collective.

Statuant sur recours contre une ordonnance du juge-commissaire, le tribunal de commerce de Tours, par un jugement irrévocable du 11 août 1995, a retenu l'offre d'acquisition de divers éléments d'actifs incorporels de la société AS développement formulée par la société de Promotion, de Développement et de Gestion Immobilière (société PDG Immo).

Par acte du 16 avril 1996, passé entre Mme Breion, ès qualités, et la société PDG Immo, ont été cédés à cette dernière le contrat de franchise ci-dessus ainsi que des créances sur la société franchisée.

C'est dans ces conditions que la société PDG Immo a saisi le Tribunal de commerce de Tours pour obtenir paiement des différentes créances cédées et des redevances dues en vertu du contrat de franchise.

Par le jugement entrepris, le tribunal a rejeté ces demandes, sauf celle en paiement de la somme de 34 070,74 F, correspondant à une partie des créances cédées.

La société PDG Immo a relevé appel de cette décision dont elle demande l'infirmation, en vue d'obtenir la condamnation de la société MOP Hôtel à lui payer les sommes de :

- 52 205,97 F, au titre des créances cédées, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation devant le tribunal de commerce ;

- 92 586,58 F au titre des redevances échues et non réglées au 31 août 1996 avec intérêts au taux légal à compter du 4 octobre 1996 ;

- 147 896 F au titre des redevances dues pour la période du 1er septembre 1996 au 31 octobre 1999 - ou subsidiairement 8 294,92 F - avec intérêts au taux légal à compter des conclusions.

La SHRH a conclu au mal fondé de l'appel de la société PDG Immo.

Les moyens des parties seront exposés dans les motifs du présent arrêt, en même temps que leur discussion.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 10 mai 2000.

Motifs de l'arrêt :

Sur la somme de 52 205,97 F

Attendu qu'il résulte des pièces régulièrement versées aux débats que, par lettre du 20 décembre 1994, adressée à " l'hôtel ASTER, 365, avenue Théodore Braun, 69400 Villefranche-sur-Saône", c'est-à-dire à l'établissement exploité par la SHRH, Mme Breion, ès qualités, a demandé paiement à cette dernière de plusieurs factures d'un montant global de 77 233,25 F (et non 77 333,25 F comme indiqué en p. 4 des conclusions de la société PDG Immo) ;

Que la somme de 52 205,97 F que la société PDG Immo demande dans la présente instance est le solde restant dû sur ce montant ; qu'il correspond aux 6 factures suivantes, dans l'ordre

* facture n° 93.07.19 du 9/7/93 (prestations juin 1993) : 9 001,55 F

* facture n° 93.08.15 du 31/8/93 (prestations juillet 1993) : 9 133,48 F

* facture n° 93.09.28 du 15/09/93 (prestations août 1993) : 9 438,69 F

* facture n° 94.09.17 du 13/09/94 (prestations août 1994) : 8 292,23 F

* facture n° 94.10.17 du 18/10/94 (prestations septembre 1994) : 9 097,07 F

* facture n° 94.11.14 du 10/11/94 (prestations octobre 1994) : 242,95 F

= 2 205,97 F

Attendu que sur ces six factures, les deux premières dans la liste ci-dessus ont fait l'objet d'une cession de créances professionnelles à la caisse régionale de crédit agricole mutuel d'indre-et- Loire, suivant les modalités de la loi du 2 janvier 1981, laquelle cession a été notifiée au débiteur cédé,la SHRH, par acte du 14 septembre 1993, qui a été régulièrement communiqué aux débats, puisqu'il s'agit de la pièce n° 12 du bordereau de communication joint aux dernières conclusions d'appel de la SHRH, peu important que, dans la liste des pièces communiquées figurant sur ce bordereau, cette pièce soit à tort décrite comme une "notification du 14 septembre 1993 adressée à AS développement", la pièce elle-même - qui est la seule pièce communiquée portant la date du 14 septembre 1993 - établissant parfaitement qu'il s'agit d'une notification au débiteur cédé ;

Qu'il en résulte que la société PDG Immo est irrecevable à réclamer paiement à la société SHRH à concurrence du montant de ces deux factures, soit de la somme de 9 001,55 + 9 133,48 = 18 135,03 F, la notification de la cession au débiteur cédé lui interdisant de payer un autre que le cessionnaire, sans que cette interdiction soit subordonnée comme le prétend la société PDG Immo (p. 5 de ses conclusions), à la notification de cette notification au cédant lui-même ;

Attendu que, pour les quatre autres factures, d'un montant global de 52 055,97 - 18 135,03 = 34 070,94 F (et non 34 070,74 F, comme calculée par le premier juge), qui correspondent à des prestations antérieures tant à la date de résiliation du contrat de franchise - comme il sera dit ci- après -, qu'à sa prétendue acquisition par la société PDG Immo, cette dernière est en droit d'en réclamer paiement à la société SHRH, peu important que le liquidateur de la société AS développement ait, par sa lettre du 20 décembre 1994 analysée ci-dessus, déjà réclamé ce paiement, puisque celui-ci n'a pas eu lieu et qu'ensuite le liquidateur a cédé la créance de la société AS développement à ce titre à la société PDG Immo par l'acte de cession du 16 avril 1996, et que cette cession a été signifiée à la société SHRH, débiteur cédé, par acte d'huissier du 22 mai 1996 ;

Que, pour les mois d'août 1993 et d'août, septembre et octobre 1994, la SHRH ne rapporte pas la preuve que la société AS développement n'aurait pas exécuté ses obligations de franchiseur à son égard : qu'il y a donc lieu, sous réserve de l'erreur matérielle du jugement, de confirmer la condamnation de la société SHRH à payer à la société PDG Immo la somme de 34 070,94 F avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 12 mars 1997 ;

Qu'au surplus, à la lecture des conclusions de la SHRH, il n'apparaît pas que celle-ci ait formé appel incident sur sa condamnation à la somme de 34 070,94 F, ce qui justifie encore sur ce point la confirmation du jugement ;

Sur le paiement des redevances dues au titre du contrat de franchise ;

Attendu que le droit à paiement de la société PDG Immo ne peut se fonder que sur sa qualité de nouveau franchiseur, qu'elle aurait acquise par l'acte du 16 avril 1996 pris en exécution du jugement du 11 août 1995 ;

Mais attendu, en premier lieu, que le contrat de franchise litigieux du 6 janvier 1989 a fait l'objet, comme il a été dit dans l'exposé du litige, d'un avenant daté des 25 et 29 juin 1992 contenant une clause ainsi libellée ;

"2.4. Le franchiseur s'engage à développer la Chaîne hôtelière objet de la franchise visée au contrat de telle sorte qu'au moins 25 hôtels soient ouverts ou en cours de construction au 18 avril 1994 en France métropolitaine ;

Pour le cas où le franchiseur ne pourrait justifier de ce qui vient d'être dit à la date précitée, le franchisé pourra prendre l'initiative, sous réserve du respect d'un préavis de six mois (6 mois), de la résiliation du contrat de franchise et de tous contrats accessoires, sans pénalité d'aucune sorte de part ni d'autre" ;

Que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 3 mai 1994, la SHRH a, par application de cette clause, exercé son droit à résiliation au motif que 13 hôtels seulement avaient été ouverts que cette lettre a été reçue le 6 mai 1994, ainsi qu'en fait foi l'accusé de réception au dossier et que, par lettre du 2 juin 1994, la société AS développement en a pris note, sans contester le fait allégué d'une ouverture insuffisante d'hôtels ;

Que, par conséquent, le contrat de franchise a pris fin, non le 3, mais le 6 novembre 1994, six mois après réception de la lettre de résiliation ;que, si cette date, qui correspond à la fin du préavis, se situe postérieurement à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société AS développement, le 18 août 1994, la SHRH avait, par sa lettre du 3 mai 1994, un droit acquis à résiliation avant cette ouverture, de sorte que le contrat, quelle que soit l'option prise en vertu de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, n'avait plus d'existence au 6 novembre 1994 ;qu'il ne pouvait, dès lors, être cédé dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société AS développement, prononcée le 6 décembre 1994 ;

Attendu, en second lieu, que, si l'on aurait pu admettre que, dans les rapports entre Mme Breion, ès qualités, et la société PDG Immo, l'acte du 16 avril 1996 et le jugement du 11 août 1995 établissent la reprise du contrat de franchise par cette dernière, en aucun cas cette reprise ne peut être opposée au franchisé lui-même, à moins qu'appelé à formuler ses observations sur la cession projetée du contrat de franchise, sur le fondement des articles 155, ou plus sûrement 156, de la loi du 25 janvier 1985 - qui semblent être les seuls fondements possibles, en l'espèce, de la cession litigieuse, bien que ces textes ne soient pas visés - il n'ait accepté le nouveau franchiseur au cours de la procédure ou ne ]'ait fait par un acte postérieur ;

Qu'en effet s'il est déjà douteux que, dans le cadre d'un plan de redressement par voie de cession, la reprise d'un réseau de franchise par le cessionnaire puisse être imposée aux franchisés par application de l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985 - la société PDG Immo citant à cet égard une jurisprudence ancienne et très isolée de deux cours d'appel - , à plus forte raison, le tribunal de la procédure collective n'est pas en mesure d'ordonner, sur le fondement de l'article 155 ou 156 de la même loi, la cession d'un contrat de franchise contre la volonté du franchisé ;

Qu'en cas de liquidation judiciaire, les contrats ne sont, en effet, cessibles qu'aux conditions qu'ils prévoient et selon leur nature

Que, contrairement à ce que soutient la société PDG Immo, s'il n'existe aucune clause du contrat de franchise sur la cession par le franchiseur de son réseau, cette absence, loin de valoir, comme la société PDG Immo le soutient encore, autorisation implicite de cession est conforme à la nature même du contrat de franchise ;

Que ce contrat est, en effet, incessible par nature, sauf à méconnaître son objet ; que celui-ci étant la mise à disposition du franchisé du savoir-faire original, substantiel et secret du franchiseur, qu'il est, par hypothèse, seul en mesure de transmettre, il est impossible, alors que les franchisés se sont engagés en considération de la personne du franchiseur, seul créateur et détenteur du savoir-faire qu'il leur transmet - ce qui rend inopérante l'argumentation de la société PDG Immo tirée de la poursuite possible du contrat de franchise en cours dès lors que cette continuation se fait entre parties originaires - qu'ils puissent être liés à un nouveau franchiseur sans un nouvel accord de volonté de leur part ;que l'acte du 16 avril 1996 n'a d'ailleurs pas manqué (p. 4, en haut) de prévoir que "l'acquéreur fera son affaire personnelle du transfert à son profit des contrats dont s'agit et ... fera notamment son affaire personnelle de l'agrément par les co-contractants de la société AS développement dudit transfert, renonçant à tout recours à l'encontre de Me Breion dans l'éventualité d'un refus d'acceptation" ;

Que l'acceptation exigée ne résulte d'aucun des éléments invoqués par la société PDG Immo, le seul fait, pour la SHRH d'avoir pu continuer à utiliser la marque et l'enseigne Aster, qui figuraient sur les locaux de l'hôtel, ne suffisant pas, la licence de marque et d'enseigne n'étant, au surplus, qu'une partie de l'objet du contrat de franchise qu'il appartenait donc à la société PDG Immo, de recueillir l'accord de la société franchisée et, en cas de refus ou d'absence de réponse à sa demande, de prendre toutes mesure pour faire cesser l'utilisation de la marque et de l'enseigne ; que, tel n'est pas l'objet du présent litige, qui tend à obtenir le versement d'une redevance due en exécution d'un contrat global de franchise ;

Que, pas davantage, le fait d'avoir pu participer à des réunions d'information organisées par la société PDG Immo ne vaut acceptation de la part de la SHRH que, de même, les diverses tentatives de la société PDG Immo de relancer le réseau de franchise, à sa seule initiative sans rencontrer l'adhésion de la SHRH ne peut constituer l'acceptation par celle-ci du changement de franchiseur ou établir que, malgré la résiliation du contrat de franchise, la SHRH aurait, de fait, continué à bénéficier de ses prestations ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a dit que les parties n'étaient pas liés par un contrat de franchise et rejeté, en conséquence, la demande en paiement de redevances

Sur les demandes accessoires

Attendu que la société PDG Immo, qui succombe sur l'essentiel de ses prétentions, supportera les dépens d'appel et, à ce titre, sera tenue de payer à la SHRH la somme de 10 000 F par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Par ces motifs : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société hôtel- restaurant-Hotel (SHRH) à payer à la société de promotion, de développement et de gestion immobilière (société PDG Immo) la somme, après rectification d'une erreur de calcul, de 30 070,94 F, rejeté toutes autres demandes en paiement et dit que les parties n'étaient pas liées par un contrat de franchise ; Y ajoutant, dit que la somme de 30 070,94 F portera intérêts au taux légal à compter du 12 mars 1997 ; Le confirme dans toutes ses dispositions relatives aux dépens de première instance et au rejet de toute demande de remboursement des frais irrépétibles exposés devant le premier juge ; Condamne la société PDG Immo aux dépens d'appel ; La condamne à payer à la SHRH la somme de 10 000 (dix mille) francs par application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour ses frais non compris dans les dépens exposés devant la cour d'appel ; Accorde à la SCP Duthoit-Desplanques avoué, le droit reconnu par l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;