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Décisions

CA Paris, 1re ch. A, 18 septembre 2000, n° 1999-10075

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Exploitation du Garage Saint-Pierre (SARL), Garage de la Madeleine (SA), Antemi, Lecointre (ès qual.), Garage de l'Autodrome (SA), Garage du Centre (SARL), Venant (SA), Tremelot (ès qual.), Le Morvan (SARL)

Défendeur :

Rover France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Favre

Conseillers :

MM. Garban, Le Dauphin

Avoués :

SCP Bommart-Forster, SCP Regnier-Bequet

Avocats :

Mes Bertin, François

CA Paris n° 1999-10075

18 septembre 2000

La société Rover France est l'importateur en France des véhicules construits en Grande-Bretagne par Rover Group et vendus sous les marques Rover (véhicules de tourisme) et Land Rover (véhicules tous terrains).

Ces produits étaient distribués par un réseau de 218 distributeurs, liés à la société Rover France par des contrats de concession exclusive identiques.

Les articles 12.3 et 12.5 desdits contrats étaient ainsi rédigés :

Article 12.3 : "En cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle de son Réseau, la Société pourra résilier le présent contrat sans indemnité moyennant le respect d'un délai de préavis de 12 mois notifié au Concessionnaire par lettre recommandée avec demande d'avis de réception".

Article 12.5 : "Lorsque l'une des parties prononce la résiliation du Contrat dans le cas et selon les modalités prévues aux articles, 12.3 et 12.4 ci-dessus, l'autre partie pourra, sans préjudice du droit des parties de saisir le tribunal de commerce de Paris dans les conditions de l'article 14.8 ci-après, saisir la Commission de Conciliation dans un délai maximum de 8 jours francs à compter de la réception de la lettre recommandée prononçant la résiliation du Contrat.

L'unique mission de la Commission de Conciliation consistera alors à rapprocher les parties et à les aider à trouver une éventuelle solution amiable à leur différend.

Dans un délai maximum de 8 jours francs à compter de sa saisine, la Commission de Conciliation devra établir un compte-rendu de sa mission, sans que son avis ne lie les parties et notamment ne préjudicie au droit de la partie ayant prononcé la résiliation de maintenir, d'amender ou de rapporter sa décision.

Si, dans les 8 jours francs à compter de la saisine de la Commission de Conciliation par l'une des parties, l'autre partie ne nomme pas son médiateur, ou si la partie ayant pris l'initiative de la rupture maintient sa décision au terme de la mission de la Commission de Conciliation, le litige pourra alors être soumis, par la partie qui le souhaite, au tribunal de commerce de Paris dans les conditions prévues à l'article 14.8 ci-après."

Le 12 mars 1998, la société Rover France, invoquant les stipulations de l'article 12.3 des contrats de concession, a dénoncé, avec effet au 12 mars 1999, la totalité de ces contrats.

Faisant valoir que les clauses ci-dessus visées contrevenaient aux dispositions de l'article 5 paragraphe 3 du règlement n° 1475-95 de la Commission relatif à l'application de l'article 81 paragraphe 3 du Traité CEE à des catégories d'accords de distribution et de service de vente et d'après-vente de véhicules automobiles (ci-après le règlement d'exemption), neuf concessionnaires de la société Rover France, liés à celle-ci par des contrats conclus, en dernier lieu, au cours de l'année 1997 pour une durée indéterminée, à savoir M. Freddy Antemi, exploitant sous l'enseigne Garage Antemi, les sociétés Garage Saint Pierre, Garage de la Madeleine, Bourdoncle Garage, Garage de l'Autodrome (en liquidation amiable), Garage du Centre, Venant, National Garage et Le Morvan, cette dernière, en liquidation judiciaire, étant représentée par Me Paul-Marie Trémelot, liquidateur, ont assigné la société Rover France afin de voir déclarer irrégulière la résiliation notifiée le 12 mars 1998 et obtenir la condamnation du concédant au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 2 mais 1999, le tribunal de commerce de Paris a :

- débouté les neuf concessionnaires de leurs demandes respectives,

- dit n'y avoir lieu de poser à la Cour de Justice des Communautés européennes les questions préjudicielles formulées par les parties,

- condamné chacun des neufs demandeurs à payer à la société Rover la somme de deux mille francs en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

LA COUR,

Vu l'appel formé à l'encontre de cette décision par sept des neuf demandeurs (ci-après les appelants ou les concessionnaires), à savoir :

- la société d'exploitation du garage Saint-Pierre,

- la société Garage de la Madeleine,

- M. Freddy Antemi,

- la société Garage de l'Autodrome,

- la société Garage du Centre,

- la société Venant,

- Me Paul-Marie Trémelot, ès-qualités de liquidateur de la société Le Morvan, en liquidation judiciaire ;

Vu les conclusions en date du 10 septembre 1999 pat lesquelles les appelants, poursuivant la réformation du jugement, demandent à la cour :

- à titre principal,

* de dire que les articles 12.3 et 12.5 du contrat de concession Rover sont illicites et qu'ils contreviennent aux dispositions de l'article 5, paragraphe 3 du règlement 1475-95,

* de déclarer ces clauses nulles et non avenues,

* de dire que la société Rover France a délibérément et de mauvaise foi excédé les limites permises par l'article 5 paragraphe 3 du règlement précité,

* de dire que la société Rover France a fait un usage irrégulier et abusif du droit de résiliation extraordinaire de résiliation [sic] reconnu par ce texte,

* de dire, en conséquence, que la société Rover France a engagé sa responsabilité contractuelle au préjudice de chacun des appelants en application des dispositions de l'article 1134, alinéa 3, du Code civil et de la condamner à payer à chacun des appelants une indemnité correspondant, selon ces derniers, à une année de marge brute calculée sur la moyenne des trois années précédant la résiliation, à savoir, pour :

la société d'exploitation du garage Saint-Pierre, 2.583.781 F,

la société garage de la Madeleine, 4.166.989 F,

M. Freddy Antemi, 2.218.843 F,

La société Garage de l'Autodrome, 3.243.691 F,

la société Garage du Centre, 3.795.156 F,

la société Venant, 916.000 F,

Me Paul-Marie Trémelot, ès-qualités de liquidateur de la société Le Morvan, en liquidation judiciaire, 2.121.500 F,

* de donner acte à chacun des appelants qu'il se réserve le droit de formuler à l'encontre de la société Rover France une demande en réparation complémentaire,

- à titre subsidiaire, si la Cour estimait qu'un doute subsiste quant à l'interprétation des dispositions de l'article 5 paragraphe 3 du règlement d'exemption, et quant à la définition de leurs conditions d'application, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes afin que route question préjudicielle dont il lui appartiendra d'apprécier la pertinence puisse être posée à cette juridiction conformément aux dispositions de l'article 234 (ex-article 177) du traité de Rome. Une liste de huit questions étant proposée par les appelants,

- en tout état de cause, de condamner la société Rover France à payer à chaque appelant la somme de 60.000 F en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions en date du 9 novembre 1999 par lesquelles la société Rover France intimée, demande à la cour :

- A titre principal, de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de condamner chacun des appelants à lui payer la somme de 60.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de la procédure civile,

- à titre subsidiaire, de dire que les questions préjudicielles proposées par les appelants sont "inappropriées, irrecevables et vouées à l'échec", de les en débouter et de saisir la Cour de justice des Communautés européennes des questions formulées aux termes des écritures susvisées;

SUR CE :

Sur la procédure :

Considérant que les débats ayant été fixés à l'audience du 17 avril 2000, ce dont les parties avaient été avisées le 15 décembre 1999, l'ordonnance de clôture a été prononcée le 28 mars 2000 ; que l'avoué des appelants ayant demandé, en raison de l'indisponibilité de l'avocat des appelants, le renvoi des débats, ceux-ci ont été fixés à l'audience du 19 juin 2000 ;

Considérant que par conclusions des 12 avril et 15 juin 2000, les appelants demandeurs à la cour de rabattre l'ordonnance du 28 mars 2000 ;

Considérant qu'au soutien de cette demande, ces parties font valoir, en premier lieu, que la société Rover France a transféré "la majeure partie de son personnel ainsi que l'intégralité de ses activités Land Rover à une nouvelle société constituée à cet effet, la société Land Rover France" et que "cette scission" est intervenue postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture puisque la société Land Rover France n'a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés que le 25 avril 2000 ; qu'ils ajoutent que ces événements démonteraient que la restructuration mise en place par Rover France le 12 mars 1998 n'était ni nécessaire ni opportune ;

Mais considérant, d'une part, qu'à l'appui de leur demande de révocation de l'ordonnance de clôture, les appelants n'ont produit aucun élément d'où il résulterait que la société Rover France a fait l'objet d'une opération de scission entrant dans les prévisions des articles 371 et suivants de la loi du 24 juillet 1966 et emportant les effets prévus à l'article 385 de la même loi ou que l'obligation à la dette invoquée par ces parties pèseraient également sur une société tierce ; que, d'autre part, la circonstance alléguée n'apparaît pas de nature à exercer une influence sur l'appréciation que la cour sera conduite à porter sur la nécessité de la restructuration du réseau de distribution de la société Rover France à l'origine de la résiliation, le 12 mars 1998, des contrats de concession litigieux ;

Considérant que les appelants font, en second lieu, valoir que postérieurement au prononcé de l'ordonnance de clôture "des pièces justificatives de la remise par Rover d'indemnités variées entres les différents concessionnaires ont pu être obtenues" (concl. du 12 avril 2000, p. 3) et que "la preuve de telles discriminations ne pouvait être rapportée devant le Tribunal de commerce de Paris dans la mesure où le préavis de résiliation était encore en cours au jour de l'audience des plaidoiries" (concl. du 15 juin 2000, p. 3) ;

Mais considérant que plus d'une année s'est écoulée entre le 12 mars 1999, date de prise d'effet des décisions de résiliations intervenues le 12 mars 1998, et la date de prononcé de l'ordonnance de clôture et qu'il n'est justifié d'aucune circonstance ayant fait obstacle à la réunion, avant cette dernière date, des éléments de preuve des "discriminations" alléguées par les appelants ;

Considérant qu'en l'absence de cause grave qui se serait révélée depuis qu'elle a été rendue, il n'y a pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture ;

Sur la demande d'annulation des article 12.3 et 12.5 du contrat de concession :

Considérant que les appelants demandent à la cour de déclarer nulles et non avenues les stipulations susvisées, dont la teneur est ci-dessus reproduite ;

Que cette demande est fondée sur la prétendue non-conformité de ces stipulations aux dispositions de l'article 5 paragraphe 3 du règlement n° 1475-95 ;

Considérant, s'agissant de l'article 12.3 du contrat de concession, que, selon les appelants, il résulte du règlement, dont le sens aurait été, sur ce point précisé par la Commission des Communautés européennes, à la faveur de sa "brochure explicative" ou "guide pratique" dudit règlement, que le fournisseur est tenu, avant la résiliation, de rechercher l'accord de son distributeur sur la nécessité d'une réorganisation du réseau et sur le point de savoir si une partie substantielle de ce réseau est affectée par la réorganisation; que la clause précitée ne prévoyant pas une telle obligation à la charge de la société Rover France, les appelants en déduisent qu'elle n'est pas conforme aux prescriptions du règlement ;

Mais considérant que l'article 5, paragraphe 3 dudit règlement - reproduit à l'identique, ou presque, par la clause litigieuse - reconnaît au fournisseur le droit de résilier l'accord moyennant un préavis d'au moins un an en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau sans subordonner l'exercice de ce droit à la conclusion ou même à la recherche d'un accord préalable sur la nécessité ou les modalités de la réorganisation, avec les distributeurs concernés ou, à défaut d'accord entre les parties, au recours à un tiers expert ou à un arbitre; que la brochure explicative ne saurait modifier la portée du règlement; qu'au demeurant, ce document - lequel rappelle qu'il est "non juridiquement contraignant" - ne contredit pas, sur ce point, le règlement d'exemption;

Considérant, s'agissant de l'article 12.5 du contrat de concession, que, selon les appelants, cette clause, spécialement en ce qu'elle retire toute utilité à la saisine d'un tiers expert ou d'un arbitre en limitant son rôle à celui d'un simple conciliateur dont l'avis ne lie pas les parties, méconnaît les objectifs et le contenu du règlement qui visent à instaurer, dans un premier temps, un recours arbitral destiné à contrôler le pouvoir décisionnel de la partie économiquement dominante, sans préjudice d'un recours juridictionnel ;

Considérant cependant que les dispositions de l'article 5 paragraphe 3 du règlement n° 1475-95 n'imposent pas, en cas de désaccord entre les parties, la mise en œuvre du système contractuel de règlement rapide du litige préalablement à la saisie de la juridiction étatiqueet que la clause litigieuse, en ce qu'elle organise une procédure de conciliation ne préjudiciant pas au droit de chacune des parties de soumettre le litige à la juridiction compétente, ne contrevient pas à ces dispositions;

Considérant, en toute hypothèse, et ainsi que le relève la société Rover France, laquelle se réfère à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes(cf. CICE 18 décembre 1986, aff. VAG France/Établissements Magne, Rec. I p. 4071), que le règlement n° 1475-95, en tant que règlement d'application de l'article de l'article 81 paragraphe 3 (ex-article 85, paragraphe 3) du traité CEE, n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu des clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat, mais se limite à établir des conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et par conséquent à la nullité de plein droit prévues par l'article 81, paragraphes 1 et 2, du Traité;

Qu'il y a donc lieu de rechercher si les stipulations en cause ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du Marché Commun;

Or considérant qu'il n'est pas établi, ni même allégué, que les clauses des articles 12.3 et 12.5 des contrats de concession, seules visées par la demande d'annulation, relatives aux conditions d'exercice du droit de résiliation unilatérale d'un contrat à durée indéterminée et aux modalités de règlement du litige consécutif à sa mise en œuvre, ont pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence;

Qu'il s'ensuit que ladite demande doit être rejetée, sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice des Communautés européennes d'une question préjudicielle ;

Sur la demande fondée sur la responsabilité contractuelle du concédant :

Considérant, en premier lieu, que les concessionnaires soutiennent que la société Rover France a fait un usage abusif du droit de résiliation reconnu au fournisseur en cas de nécessité de réorganiser l'ensemble ou une partie substantielle du réseau ;

Considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats, et notamment des articles publiés dans des organes de presse spécialisés, tels ceux parus dans L'Argus du 16 octobre 1997, le Journal de l'Automobile du 28 novembre 1997 et du 20 mars 1998, Les Échos du 17 mars 1998, que le réseau Rover avait écoulé en 1997, sur le marché français, 27.477 véhicules neufs contre 49.478 en 1994 ; que ce réseau comptait, au 31 décembre 1997: 218 concessionnaires; que 118 d'entre eux distribuaient uniquement la marque Rover et 11 uniquement la marque Land Rover, tandis que 89 distribuaient les deux marques ;

Qu'à la même date, 75 % des concessionnaires fournis par la société Rover France vendaient moins de 150 véhicules par an ; que la rentabilité moyenne des concessions ne dépassait pas 0,7 % du chiffre d'affaires, ce chiffre recouvrant de fortes disparités entre les distributeurs dont 35 % avaient enregistré un résultat négatif en 1997 ;

Considérant que si le marché français de l'automobile était globalement déprimé en 1991, il existait à cette époque, comme le montrent les données ci-dessus mentionnées, qui ne sont pas sérieusement discutées par les appelants, une situation de crise propre au réseau Rover, révélée par un recul sensible de la part de marché de ce fournisseur et la trop faible rentabilité de son appareil de distribution ;

Considérant que les modalités du projet de restructuration de ce réseau ont été présentées le 6 mai 1998 aux responsables de l'association des concessionnaires du Groupe Rover, puis aux concessionnaires eux-mêmes lors d'une "convention nationale" qui s'est tenue le 10 mars 1998 ; qu'au cours de ces réunions un consensus s'est dégagé sur la nécessité de cette réorganisation (cf. la pièce n° I, 15, produite par les appelants) ;

Que la lettre adressée le 12 mars 1998 à chacun des distributeurs du réseau Rover, pour les aviser de la résiliation du contrat en cours à l'échéance du 12 mars 1999, rappelait les principaux éléments de la politique mise en œuvre en vue de restaurer la rentabilité du réseau : déplacement de l'offre vers des modèles hauts de gamme, c'est-à-dire vers des segments de marché plus profitables et où l'image de la marque pouvait être mieux valorisée, réduction du nombre des concessionnaires, les territoires contractuels existants étant redécoupés pour former des entités plus importantes ayant un meilleur volume d'activités ; que l'objectif poursuivi - dont la presse s'est fait l'écho - était de constituer un réseau de 155 concessionnaires (au lieu de 218) et de 55 agents revendeurs (au lieu de 18) ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la résiliation des contrats litigieux était effectivement justifiée par la nécessité de réorganiser l'ensemble du réseau de la société Rover France ; que cette dernière était en conséquence fondée à procéder à cette résiliation moyennant le respect du préavis de douze mois convenu en pareil cas ;

Considérant en second lieu, que les appelants imputent à l'intimée des fautes commises postérieurement à l'exercice du droit de résiliation des contrats de concession ;

Qu'ils lui reprochent, d'abord, de les avoir empêchés d'exprimer leur désaccord et de saisir un tiers-expert ou un arbitre dans le délai de huit jours suivant la réception de leur lettre de résiliation ; qu'en effet, il leur était selon eux impossible de "savoir s'ils étaient directement concernés par la réorganisation tant qu'ils n'avaient pas reçu la confirmation de leur exclusion à l'occasion d'une visite ou d'un entretien téléphonique" ;

Mais considérant que les sept concessionnaires appelants ont été informés, comme tous les autres concessionnaires - dès lors que la restructuration du réseau impliquait le redécoupage des territoires convenus et, plus généralement l'acceptation par les futurs concessionnaires de nouvelles conditions contractuelles - de ce que le contrat le liant au concédant prendrait fin le 12 mars 1999 et des motifs de cette résiliation ; qu'ainsi, il leur était loisible, comme aux autres membres du réseau, de mettre en œuvre - dans le délai de huit jours à compter de la réception de la lettre recommandée prononçant la résiliation du contrat - la procédure contractuelle de conciliation sans avoir a attendre la "confirmation" d'une décision qui leur avait été régulièrement notifiée et qui n'était assortie d'aucune condition ou réserve ;

Considérant que les appelants ne justifient pas avoir eu recours à cette procédure, étant ici observé que leur avocat ayant, par lettre du 3 juin 1998, fait savoir au président du directoire de la société Rover France qu'il était "mandaté par certains concessionnaires" pour se rapprocher de ladite société "afin de mettre en place l'arbitrage prévu par les dispositions" du règlement n° 1475-95, sans toutefois indiquer les noms de ses mandants, le représentant de Rover France lui a répondu, le 15 juin 1998, que la commission de conciliation visée à l'article 12.5 du contrat de concession ne pouvait être saisie que par un ou des concessionnaires dûment désignés et qu'il appartenait aux intéressés, s'ils le souhaitaient, de lui indiquer le nom de leur représentant à la Commission de conciliation, et qu'aucune suite n'a été donnée à cet échange de lettres, hormis la saisine du Tribunal de Commerce de Paris par actes du 30 octobre 1998 ;

Considérant que les appelants, faisant valoir que la société Rover France a attendu plusieurs semaines après la lettre du 12 mars 1998 pour fixer verbalement chacun de ses concessionnaires sur son sort définitif (exclusion effective, poursuite du contrat, conversion en agence...), soutiennent, en outre, que la durée du préavis des "vrais résiliés" a, de ce fait, été indûment raccourcie et que, certains concessionnaires ayant espéré jusqu'au dernier jour une "proposition salvatrice", le concédant a paralysé leur reconversion et perturbé l'exécution du préavis ;

Mais considérant que les concessionnaires appelants ne produisent pas le moindre élément établissant que la société Rover France, après les avoir informés de la résiliation de leur contrat leur a fait, pendant la durée du préavis d'un an, une quelconque promesse quant à l'établissement de nouvelles relations contractuelles ou qu'elle les a, par quelque procédé que ce soit, fallacieusement entretenus dans l'illusion que de telles relations pourraient être maintenues ; qu'aucun d'eux ne peut dès lors utilement prétendre qu'il n'a pas réellement bénéficié du préavis contractuel d'une année et que l'exécution du préavis a été perturbée du fait du concédant ;

Considérant que les appelants font encore valoir que les "40 concessionnaires qui ont été exclus définitivement du réseau Rover ont fait l'objet d'un traitement différentiel et discriminatoire de la part de la société Rover France" : qu'en effet, selon eux, certains ont perçu une indemnité plus ou moins substantielle, d'autres se sont vu proposer le rachat de certains éléments de leur fonds de commerce par le repreneur nommé par Rover France, sur l'incitation de cette dernière, et d'autres ont été purement et simplement laissés à leur sort, sans perspectives d'indemnité ou de reprise de leur fonds de commerce ;

Mais considérant que les appelants n'établissent d'aucune manière que, par son comportement, le concédant leur a fait perdre une chance de reconversion ; qu'ils ne sont pas, par ailleurs, fondés à soutenir que la société Rover France, qu'ils ont assignée avant l'expiration du préavis contractuel, a engagé sa responsabilité à leur égard en négociant les conditions d'un nouveau contrat avec ceux de ses distributeurs qu'elle souhaitait maintenir dans son réseau, en favorisant, lorsque les circonstances le permettaient des rapprochements ou des reprises d'actifs entre les membres ou anciens membres de son réseau ou en concluant des transactions avec certains de ceux-ci ;

Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, de confirmer le jugement ayant débouté les concessionnaires de l'ensemble de leurs prétentions ;

Sur les dépens et sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile :

Considérant que les prétentions des appelants sont rejetées qu'il convient cependant, en application des dispositions de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, compte tenu de la disparité existant quant à la situation économique des parties, de laisser à la charge de chacune d'elle les dépens exposés tant en première instance qu'en appel et de rejeter les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du même code ;

Par ces motifs ; Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ; Confirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Le réformant de ce chef et statuant à nouveau ; Laisse à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés en première instance et en cause d'appel ; Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Rejette toute autre demande.