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Décisions

CA Douai, 2e ch., 7 novembre 2000, n° 1998-04352

DOUAI

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Anticyclone Développement (SA)

Défendeur :

Trumeau-Donies, Adria (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Geerssen

Conseillers :

Mme Schneider, M. Testut

Avoués :

SCP Masurel- Thery, SCP Carlier-Regnier

Avocats :

Mes Rémy, Meresse

T. com. Dunkerque, du 4 mai 1998

4 mai 1998

Vu le jugement rendu le 4 mai 1998 par le tribunal de commerce de Dunkerque ;

Vu la déclaration d'appel formée le 15 mai 1998 par la SA Anticyclone Développement ;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 26 mai 2000 par la SA Anticyclone Développement;

Vu les conclusions récapitulatives déposées le 15 décembre 1999 par la SARL Adria et Mme Emmanuelle Trumeau ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 20 juin 2000 ;

Attendu que suivant acte sous seing privé en date du 29 octobre 1996, Mme Emmanuelle Trumeau, à laquelle s'est substituée la SARL Adria, a signé un contrat de franchise avec la SA Anticyclone Développement, créatrice d'un concept d'encadrement " Point Cadres " pour l'exploitation d'un magasin situé à Paris, 115 rue de Rennes, dont l'ouverture s'est faite le 29 novembre 1996 ;

Qu'ensuite d'une procédure d'assignation à jour fixe initiée par la SA Anticyclone Développement, le tribunal de commerce de Dunkerque a notamment prononcé aux torts exclusifs du franchiseur la résiliation du contrat signé le 29 octobre 1996 et a condamné ce dernier à payer à la société Adria la somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Attendu qu'au soutien de son appel, la SA Anticyclone Développement reproche à Mme Trumeau le non-respect des normes et méthodes commerciales définies par le franchiseur, d'avoir refusé la formation et violé les clauses tant d'intuitu personae que de confidentialité ;

Sur l'irrecevabilité de la demande à l'égard de Mme Trumeau :

Attendu que Mme Trumeau a seule signé le contrat de franchise aucune référence n'étant faite à la SARL Adria :

Attendu que la SARL Adria s'est effectivement substituée à Mme Trumeau pour l'exploitation du commerce, mais n'a pas repris officiellement les droits et obligations de celle-ci de sorte que la demande à l'encontre de Mme Trumeau est parfaitement recevable ;

Sur la résiliation du contrat de franchise :

Attendu que nonobstant l'affirmation de la SA Anticyclone Développement, Mme Trumeau n'a jamais remis en cause le concept du franchiseur ;

Qu'au contraire, à l'observation faite le 10 février 1997, M. Razemon, animateur du réseau, elle précise quelques jours plus tard qu'elle a modifié l'accrochage des cadres, que " c'est beaucoup mieux ainsi et reconnaît avoir besoin d'être aiguillée dans ce domaine " ;

Que la SA Anticyclone Développement ne peut sérieusement lui reprocher de favoriser le segment 2 (clientèle cultivée) au détriment du segment 1 (clientèle non cultivée) au motif que le chiffre d'affaires de l'ensemble des franchisés se réalise sur ce segment ;

Qu'en effet, il s'agit du premier magasin ouvert à Paris, dont la spécificité de clientèle rapidement repérée par Mme Trumeau a surpris le réseau mais a été admise par M. Less, autre animateur, qui dans une lettre du 30 avril 1997 la félicite pour son accrochage et lui donne l'adresse de sociétés imprimant des photos de Paris intéressant particulièrement la clientèle locale ;

Qu'il n'est justifié, ni même allégué d'autre motif quant au non-respect par Mme Trumeau de l'agencement du magasin ;

Que l'adaptation du concept à la clientèle parisienne, différente de celle de province, ne peut en aucun cas nuire à l'image de marque du franchiseur mais valorise au contraire l'ensemble de ses produits ;

Attendu qu'il est également reproché à Mme Trumeau un manque de personnel nécessaire à la bonne marche du magasin qui s'est traduit pour les mois d'avril et mai 1997 par une baisse du chiffre d'affaires ;

Mais attendu que la baisse de ce chiffre d'un mois sur l'autre n'est pas significative dès lors qu'il s'agit de la période où Mme Trumeau a accouché, associé aux périodes de vacances scolaires et de week-end prolongés ;

Qu'enfin, si le chiffre d'affaires annuel ne correspond pas la première année au prévisionnel, celui-ci sera largement atteint et dépassé par la suite ;

Que si le franchiseur considère que la faiblesse relative de ce chiffre est imputable à Mme Trumeau, il s'explique par l'ouverture récente du magasin, et l'absence dans les chiffres des mois de novembre et décembre qui sont au regard de l'activité considérée les plus fructueux ;

Qu'en tout état de cause aucun chiffre d'affaires n'est contractuellement imposé et ne peut donc constituer une cause de résiliation du contrat d'autant qu'il est acquis au débat que le chiffre d'affaires de Mme Trumeau rapporté la superficie du magasin est l'un des plus performants du réseau ;

Attendu que Mme Trumeau, alors que les relations s'étaient dégradées, aurait refusé de participer au stage de perfectionnement et de recyclage proposé par le franchiseur au mois de juillet 1997 à Dunkerque ;

Que contrairement aux écritures développées par la SA Anticyclone Développement, Mme Trumeau a simplement souhaité que cette formation se déroule dans son magasin, qu'elle considérait comme plus appropriée à la réalité ; qu'en raison du refus du franchiseur ce stage n'aura pas lieu tandis que Mme Trumeau se rendra à Dunkerque la semaine du 18 au 22 octobre ;

Attendu qu'enfin, l'adhésion de Mme Trumeau à une " Association de franchisés " n'est pas interdite par le contrat de franchise et n'implique aucunement la violation de la clause d'intuitu personae ou de la clause de confidentialité ;

Qu'il appartient le cas échéant à la SA Anticyclone Développement de s'adresser à ladite association si elle estime que celle-ci lui cause un préjudice ;

Attendu qu'il ne résulte aucunement de ces observations que Mme Trumeau ou la SARL Adria ait contrevenu d'une manière ou d'une autre aux stipulations du contrat de franchise ; qu'il s'ensuit qu'en demandant par assignation à jour fixe devant le tribunal la résiliation du contrat sans aucun motif valable, la SA Anticyclone Développement est seule à l'origine de la rupture ; que la dépose de l'enseigne réalisée postérieurement à cette assignation par Mme Trumeau ne saurait renverser l'imputabilité de la rupture et n'est que la conséquence de l'initiative prise par la SA Anticyclone Développement qui refuse toute poursuite des relations commerciales et doit être assimilée à la mise en demeure prévue par l'article 4 du contrat de franchise ; que cette rupture brutale et dénuée de fondement présente un caractère abusif ;

Sur la clause de non-concurrence

Attendu que suivant l'article 2-8 du contrat, le franchisé à l'expiration de celui-ci s'interdit de s'intéresser directement ou indirectement à toute entreprise ayant une activité similaire à celle du franchiseur pendant une durée de cinq ans ;

Attendu que non seulement le fonds de commerce exploité par Mme Trumeau et la SARL Adria n'est pas identique à celle du franchiseur et ne fait pas concurrence à un autre membre du réseau mais encore cette clause en ce qu'elle interdit à l'ex-franchisé d'exploiter le fonds de commerce qu'il a créé pendant une durée de cinq ans sur tout le territoire est réputée non écrite par la jurisprudence parce qu'abusive ;

Qu'en effet, l'article 3 du règlement de la CEE du 28 décembre 1988 limite à un an les clauses de non concurrence sur le secteur d'exploitation de la franchise et dans la mesure où il existe un membre du réseau franchisé sur ledit secteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

Attendu qu'enfin, la SA Anticyclone Développement reproche en vain à la société Adria et à Mme Trumeau d'avoir continué à vendre des produits Points Cadres sous une enseigne étrangère alors que le contrat autorise le franchisé à écouler les marchandises en stock dont il n'est pas contesté qu'elles ont été payées, dans un délai de deux à six mois et que le franchiseur a refusé de reprendre lesdites marchandises au prix d'achat ; que Mme Trumeau et la SARL Adria justifient par ailleurs avoir demandé à France Telecom de modifier les données faisant référence à Point Cadres ;

Qu'en conséquence, la SA Anticyclone Développement ne rapporte pas la preuve que l'exploitation a été poursuivie sous la référence Point Cadres ;

Attendu qu'au regard de ces observations le franchiseur n'est pas fondé, alors qu'il est à l'origine de la rupture du contrat, à demander le paiement de la redevance jusqu'à l'expiration initialement prévue du contrat de franchise.

Sur l'indemnisation :

Attendu que la rupture brutale du contrat de franchise et les conditions particulièrement vexatoires qui l'ont accompagnée (exclusion de la convention nationale, stage de formation en octobre, refus de livraison rapide, etc...) ont entraîné un préjudice pour Mme Trumeau et la SARL Adria ;

Attendu qu'en réparation de leur préjudice la SARL Adria et Mme Trumeau relevant que quatre années de chiffres d'affaires avaient été perdues, sollicitent la somme de 3,5 MF correspondant à la perte de marge brute pendant cette période à raison d'un chiffre d'affaires annuel de 1,7 MF ;

Attendu toutefois que le préjudice résultant de la résiliation ne saurait être calculé en espèce sur le nombre d'années restant à courir du contrat mais uniquement sur le temps nécessaire à la société Adria pour se reconvertir à une autre activité ; que la concernant ce temps peut être estimé à six mois ; que le chiffre d'affaires sur l'année 1997 s'élevant à la somme de 1,45 MF environ, la perte de marge brute, dont le taux de 52 % n'est pas Contesté par la société Anticyclone Développement, peut être évaluée pour six mois à 380.000 francs, somme à laquelle il convient d'ajouter les divers investissements effectués au moment de la signature du contrat, limités à la somme de 120.000 francs, certains d'entre eux ayant profité à l'exploitation ultérieure ;

Qu'il convient donc de confirmer en son quantum l'estimation du préjudice retenu par le premier juge ;

Attendu qu'il n'y a lieu de faire droit à la demande de la SARL Adria, tendant à voir courir les intérêts à compter du 4 novembre 1997 et à ordonner leur capitalisation ;

Qu'en revanche, il est inéquitable de laisser à sa charge les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;

Qu'il convient de condamner la SA Anticyclone Développement à lui payer la somme de 30.000 francs à ce titre ;

Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, Déclare recevable mais non fondé l'appel formé par la SARL Anticyclone Développement. Confirme le jugement entrepris. Condamne la SARL Anticyclone Développement à payer à Mme Trumeau et la SARL Adria la somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Condamne la SARL Anticyclone Développement aux dépens d'appel et autorise leur recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.