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Décisions

CA Paris, 5e ch. A, 24 janvier 2001, n° 1998-24901

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Sentor (SA)

Défendeur :

Les Parfums Christian Dior (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard-Payen

Conseillers :

Mmes Jaubert, Percheron

Avoués :

Me Bolling, SCP Bommart-Forster

Avocats :

Mes Fabbian, Jourde.

T. com. Paris, du 20 oct. 1998

20 octobre 1998

LA COUR,

Vu l'appel de la société Sentor à l'encontre du jugement rendu le 20 octobre 1998 par le tribunal de commerce de Paris qui l'a dit recevable mais mal fondée en sa demande à l'encontre de la société Parfums Christian Dior et l'en a débouté, a débouté la défenderesse de sa demande reconventionnelle, a condamné la société Sentor au paiement de la somme de 20 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et a mis les dépens à sa charge ;

Vu les écritures par lesquelles la société Sentor demande de dire qu'elle est bien fondée en sa demande d'admission au réseau de distribution sélective des parfums de la SA Christian Dior et de ce fait, de faire droit à la demande formulée par son exploit introductif d'instance, subsidiairement, d'ordonner une expertise afin de vérifier l'adéquation de la notation de la " fiche notation " avec la réalité de la situation, de l'aménagement et de la qualité commerciale du point de vente et de condamner l'intimée à l'indemniser de ses frais ;

Vu les conclusions par lesquelles la société Parfums Christian Dior formant appel incident, demande de dire que la demande de la société Sentor est aussi irrecevable que mal fondée et de la condamner à lui payer la somme de 500 000 F à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Considérant que la société Sentor a ouvert, au cours de l'automne 1994, à Vichy une surface de vente de bijouterie-horlogerie, joaillerie, parfumerie et parapharmacie et avait sollicité Parfums Christian Dior en vue de commercialiser ses produits mais n'ayant pas satisfait aux critères qualitatifs d'admission dans le réseau de distribution sélective de cette marque, elle a essuyé un refus ;

Que la société Sentor a alors saisi le tribunal de commerce de Paris en référé, puis au fond pour voir juger ce refus non fondé, être livrée, sous astreinte, des produits Christian Dior, et se voir allouer des dommages et intérêts ; que la défenderesse s'est opposée à cette action, que c'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement dont appel ;

Considérant que la société Christian Dior qui soutient que l'appelante qui vend déjà des produits de sa marque sans avoir obtenu son agrément, soulève l'irrecevabilité de la demande formée par la société Sentor qui ne peut à la fois demander à faire partie de son réseau et en bafouer les obligations ;

Que Sentor réplique qu'elle a trouvé sur le marché à une certaine époque, la possibilité de s'approvisionner dans des conditions tout à fait légal en produits Dior ce qui ne saurait lui être reproché dans la présente instance ;

Mais considérant qu'il est constant que la société Christian Dior commercialise ses produits de beauté, cosmétiques et parfums par le biais d'un réseau de distributeurs agréés qui sont liés à elle par des contrats de distribution sélective, que ces contrats faisant interdiction aux distributeurs agréés de revendre des produits contractuels à des revendeurs hors réseau, il appartient donc à la société Sentor, tiers non agréé, de démontrer l'origine régulière des produits qu'elle reconnaît avoir commercialisés; que cependant, elle ne justifie pas par la production des factures d'achat, qu'elle s'est régulièrement approvisionnée auprès d'un distributeur en droit de lui vendre les produits de cette marque, que sa demande tendant à être admise dans le réseau dont elle a bafoué les obligations, doit en conséquence être déclarée irrecevable ;

Considérant que la société Christian Dior réclame l'allocation de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui a causé la société Sentor qui, en achetant des produits auprès de distributeur agréé violant ses obligations, s'est rendue tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle et a engagé de ce fait sa responsabilité délictuelle à son égard ;

Considérant toutefois que faute pour la société Christian Dior de fournir le moindre élément sur l'étendue et la durée de cet approvisionnement irrégulier de la part de la société Sentor, elle met la Cour dans l'impossibilité d'apprécier le préjudice qui lui aurait été causé ; que sa demande sera dès lors rejetée ;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société Christian Dior la somme précisée au dispositif pour l'indemniser des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer à l'occasion de la procédure ;

Par ces motifs ; Réforme le jugement dont appel et statuant à nouveau : Déclare la société Sentor irrecevable en sa demande ; Déboute la société Parfums Christian Dior de sa demande de dommages et intérêts ; Condamne la société Sentor à verser à la société Parfums Christian Dior la somme de 10 000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel qui, pour ces derniers, pourront être recouvrés directement par l'avoué concerné.