CA Toulouse, 2e ch., 10 novembre 1993, n° 3053-93
TOULOUSE
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
VAG France (Sté)
Défendeur :
Rey (ès qual.), Centre Mirail Auto (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Foulon
Conseillers :
MM. Milhet, Cousteaux
Avoués :
SCP Boyer Lescat, SCP Nidecker Prieu
Avocats :
SCP Vogel, SCP Ravina.
La société VAG France a résilié, le 28 Décembre 1990, le contrat de concession l'unissant à la société Centre Mirail Auto et a informé, le 7 Juin 1991, son concessionnaire de la cessation de leurs relations contractuelles.
Le redressement judiciaire de la société Centre Mirail Auto a été prononcé le 9 Juillet 1991 et a été converti, le 1er Octobre suivant, en liquidation judiciaire.
Rey, ès qualité de liquidateur de ladite société, a sollicité, le 1er Octobre 1992, la réparation du préjudice qui serait résulté de la résiliation abusive du contrat de concession.
La société VAG France a, alors, soulevé une exception d'incompétence au profit du Tribunal de grande instance de Paris en invoquant la clause attributive de compétence stipulée au contrat.
Le Tribunal de commerce de Toulouse a, par jugement du 14 Mai 1993, rejeté cette exception et institué une expertise à l'effet d'instruire les faits de la cause.
La société VAG France a formé contredit à l'encontre de cette décision en concluant au renvoi de l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Paris et à l'octroi de la somme de 15.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir que la liquidation judiciaire dont la société Centre Mirail Auto fait l'objet n'exerce aucune influence juridique sur le présent litige, lequel ne constitue pas, en outre, une contestation née de cette procédure collective et qu'ainsi les dispositions de l'article 174 du décret du 27 Décembre 1985 ne sont pas, ici, applicables.
Par conclusions responsives, ladite société considère que les griefs qui lui sont adressés et qui servent de fondement à l'action du liquidateur se rattachent aux manquements contractuels qui auraient été commis par le concédant et aux conditions de résiliation du contrat et qu'en conséquence seul le juge du contrat est compétent pour trancher le différend opposant les parties conformément à la clause attributive de compétence prévue au contrat dès lors que la demande du liquidateur trouve sa cause dans un fait antérieur à l'ouverture de la procédure collective.
Maître Rey, ès qualité, conclut au rejet du contredit et à l'allocation de la somme de 20.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive outre celle de 10.000 F au titre des frais irrépétibles.
Il soutient que sa demande, qui a pour objet de déterminer la responsabilité de la société appelante dans l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Centre Mirail Auto et de défendre les intérêts des créanciers, entre bien dans la catégorie des actions qui concernent le redressement ou la liquidation judiciaires au sens de l'article 174 du décret, lesquels sont de la compétence de la juridiction qui a ouvert la procédure collective, c'est-à-dire le Tribunal de commerce de Toulouse.
Sur quoi,
LA COUR :
Attendu, en droit, qu'il résulte des dispositions de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 que le Tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires c'est-à-dire des contestations nées de la procédure collective ou sur lesquelles celle-ci exerce une influence juridique ;
Mais, attendu qu'il est de principe que la compétence générale attribuée par le texte susvisé au tribunal qui a ouvert la procédure collective est exclue à l'égard des actions indépendantes de cette procédure, c'est-à-dire celles trouvant leur cause dans un acte ou un fait juridique antérieur à l'ouverture de ladite procédure et qui aurait pu se produire en l'absence de celle-ci;
Or, attendu que tel est bien le cas en l'espèce dès lors que la contestation en litige a sa cause dans la résiliation du contrat de concession qui est antérieure au prononcé du redressement judiciaire et qui aurait pu se produire même si le débiteur était resté in bonis.
Attendu, en outre, qu'il est inopérant que le liquidateur vienne déclarer agir, également, en qualité de représentant des créanciers puisque l'action introduite par celui-ci a sa cause dans un fait antérieur à l'ouverture de la procédure collective ;
Attendu, qu'il y a lieu, en conséquence, de faire application de la clause attributive de compétence librement consentie entre les parties, laquelle est conforme aux exigences de l'article 48 du nouveau Code de procédure civile, étant précisé que la faculté de proroger, comme en la cause, la compétence du tribunal de grande instance, notamment, en matière commerciale, est admise dès l'instant que ce tribunal est une juridiction de droit commun ayant plénitude de juridiction ;
Que le contredit apparaît, ainsi, bien fondé et qu'il y a lieu d'y faire droit en déclarant le Tribunal de commerce de Toulouse incompétent et en renvoyant l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Paris ;
Que la société VAG France, qui ne fait état d'aucune considération précise et circonstanciée d'équité, sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;
Que Maître Rey, ès qualité, supportera les frais afférents au contredit ;
Par ces motifs, LA COUR : Reçoit, en la forme, le contredit jugé régulier et le déclare bien fondé ; Renvoie l'affaire devant le Tribunal de grande instance de Paris.