Cass. com., 25 janvier 1994, n° 91-17.996
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
CRD Total France (SA)
Défendeur :
Barnaba, Barnaba (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Peignot, Garreau.
LA COUR : - Attendu, selon l'arrêt déféré (Nancy, 3 juin 1991), que, le 23 juillet 1986, la société à responsabilité limitée Barnaba (la société) a conclu un contrat d'exploitation de station-service avec la société CRD Total France (société Total), comprenant un mandat pour la vente des hydrocarbures et une location-gérance pour la vente des lubrifiants, M. Barnaba se portant caution solidaire des engagements de la société ; que la société Total a résilié le contrat d'exploitation le 4 septembre 1987, avec effet immédiat ; que la cour d'appel a prononcé la nullité du contrat, sur le fondement de l'article 1129 du Code civil ;
Sur le second moyen : - Attendu que la société Total reproche à l'arrêt d'avoir dit qu'il y avait lieu de remettre les parties dans l'état antérieur et, pour ce faire, d'avoir ordonné à l'expert désigné par la cour d'appel d'établir le compte de restitution d'après les critères dégagés par les motifs de l'arrêt, à savoir remise en état sans profit ni préjudice, alors, selon le pourvoi, qu'en imposant à la société et à M. Barnaba des arguments susceptibles d'être développés par eux au cours des opérations d'expertise et en orientant de la même manière le cours de ces opérations par une motivation fausse, puisqu'à supposer même que ce soit en effet le prix " coûtant ", sans marge au profit de Total qu'il faille retenir pour établir les comptes de restitution, seul le prix " coûtant " déterminé in concreto, c'est-à-dire à l'occasion des fournitures de lubrifiants à la société et à elle seule doit être retenu, la cour d'appel a violé les articles 16 et 276 du nouveau Code de procédure civile relatifs au principe de la contradiction en général et à son application au cours des opérations d'expertise et 1304 et suivants du Code civil relatifs à la nullité des contrats ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la restitution matérielle des produits livrés à la société était devenue impossible en raison de leur consommation, l'arrêt retient exactement que la société Total a droit à une compensation pécuniaire et, pour proposer un compte entre les parties, désigne un expert en l'invitant à prendre en considération le prix coûtant des produits, sans marge bénéficiaire pour la société Total ; qu'ainsi, la cour d'appel, qui n'a fait que préciser la mission de l'expert conformément aux dispositions de l'article 265 du nouveau Code de procédure civile et n'a nullement enlevé aux parties la faculté que leur donne l'article 276 du même Code, a légalement justifié sa décision, sans encourir aucun des griefs du moyen ; que celui-ci est mal fondé ;
Mais sur le premier moyen : - Vu l'article 2012 du Code civil ; - Attendu que, pour déclarer nul le cautionnement donné par M. Barnaba en garantie des engagements de la société, l'arrêt, après avoir énoncé à bon droit que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable, retient que l'obligation restant à exécuter a changé de fondement en devenant extracontractuelle et qu'en raison de l'interprétation restrictive à donner à l'engagement de la caution, par application de l'article 2015 du Code civil, il ne peut être admis que cette dernière ait " entendu nécessairement couvrir les suites de l'annulation du contrat pour nullité absolue " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la nullité du contrat n'ayant pas éteint l'obligation de payer les livraisons effectuées, le débiteur principal et la caution restent tenus respectivement de l'exécution et de la garantie de cette obligation valable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs : casse et annule, mais seulement en ce qu'il a déclaré nul le cautionnement du 23 juillet 1986, l'arrêt rendu le 3 juin 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.