CA Paris, 5e ch. C, 3 février 1994, n° 93-022211
PARIS
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
But International (SA)
Défendeur :
Nova Meubles (Sté), Goulletquer (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Présidents :
MM. Borra, Couderette
Conseiller :
Mme Cabat
Avoués :
SCP Valdelievre, SCP Roblin-Chaix de Lavarene
Avocats :
Mes Nativi, Meresse.
La SA Nova Meubles dont le Président-Directeur Général était Madame Frybourg, exploitait à Boulogne un commerce de meubles dont le bilan au 30 septembre 1988 faisait ressortir un chiffre d'affaires de l'ordre de 6 625 000 F.
Désirant développer son entreprise Madame Frybourg a engagé début 1989 des négociations avec la SA But International, Président-Directeur Général Monsieur Venturini.
But International, dans l'optique de la création d'une franchise, a fait procéder à une étude de marché par M. J-P. Coutant (Université Services) qui, dans un rapport d'avril 1989 a conclu à la faisabilité en établissant, sous réserve des installations matérielles et apports de fonds indiqués, la possibilité d'un chiffre d'affaires prévisionnel de 121 millions de francs en hypothèse forte et 101 millions en hypothèse faible tout en suggérant par prudence de retenir l'hypothèse basse.
Par courrier du 16 juin 1989, Madame Frybourg indiquait à Monsieur Venturini que le compte d'exploitation établi par Monsieur Coutant ne lui paraissait pas utopique, offrait un apport d'argent frais de 7 à 9 millions, proposait de porter le capital de sa société de 253 000 à 1 500 000 F, s'engageait à recruter un directeur et à organiser la signalisation, précisait avoir trouvé un dépôt de franchise de capacité et être prête à louer les locaux du cinéma Gaumont présentant la surface adéquate.
Monsieur Venturini lui répondait par courrier du 23 juin 1989 en donnant son accord pour la signature d'un contrat de franchise But aux conditions proposées avec quelques précisions supplémentaires concernant notamment la surface de vente (2 700 m2) et celle du ou des dépôts (2 000 + 500 m2), rappelant l'objectif minimum de chiffre d'affaires de 100 millions de francs par an, ce qui lui apparaissait difficile mais possible compte tenu de l'existence de dépôts non attenants, et du manque d'expérience But du futur franchisé et eu égard au fait que la zone choisie était théoriquement fabuleuse.
Finalement les parties se sont mises d'accord pour réduire à 90 millions de francs le chiffre d'affaires annuel envisagé.
Le 3 novembre 1989 a été signé entre la société But et la société Nova Meubles le contrat d'adhésion de cette dernière en réseau de franchise But définissant les obligations réciproques de l'adhérent et du prestataire. Une annexe précisait les engagements fondamentaux à l'ouverture et après ouverture. Un avenant du 5 octobre 1990 fixait le point de départ du contrat, dont la durée était de 3 ans, au 28 mars 1990.
Au 31 décembre 1990 le chiffre d'affaires réalisé s'établissait à 49 731 837 F, ce qui correspondait à un chiffre annuel de 65 millions bien en-deçà des 90 millions prévus ; et dans un courrier daté du 5 janvier 1991 Nova Meubles indiquait à But International que le seuil de 90 millions apparaissait irréaliste et que compte tenu des charges, le chiffre d'affaires réalisé ne permettait pas d'équilibrer l'exploitation.
Le 20 juin 1991 sera ouvert le redressement judiciaire de Nova Meubles avec désignation de Me Goulletquer comme administrateur. Le 9 juillet 1992 le Tribunal de commerce de Nanterre adoptait le plan de redressement par voie de continuation présenté et nommait Me Goulletquer commissaire à l'exécution du plan.
Le 20 juillet 1993 But International rompait le contrat de franchise, qui s'était poursuivi en fait à sa date normale d'échéance, avec effet au 15 juillet.
Par exploit du 6 mars 1992 la société Nova Meubles et Maître Goulletquer ont fait assigner la société But International à l'effet de voir dire que celle-ci avait commis des fautes dans la réalisation de l'étude de marché et l'établissement du compte prévisionnel sur la base duquel l'investissement avait été réalisé ainsi que dans le lancement de la franchise et dans l'absence de mesures pour adapter sa politique commercial à la zone sur laquelle était implantée la franchise, faits qui auraient causé à la société Nova Meubles un préjudice financier l'ayant conduite au dépôt de bilan.
Les demandeurs concluaient à la condamnation de But International au paiement d'une somme de 29 160 863 F portée ultérieurement à 32 942 452 F à titre de dommages-intérêts outre intérêts et indemnité au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La Société But International soulevait diverses exceptions de nullité et d'irrecevabilité, imputait à faute à la société Nova la non réalisation des objectifs contractuellement prévus, concluait à son débouté et formait à son encontre une demande reconventionnelle en paiement de 500 000 F de dommages-intérêts et de 500 00 F en application de l'article 700.
La SGAD (syndicat général de l'ameublement et de la décoration) est intervenu volontairement à la procédure pour soutenir le point de vue de la Société Nova et demander la publication de la décision à intervenir ainsi qu'une indemnité de 20 000 F sur le fondement de l'article 700.
La Société But International a soulevé l'irrecevabilité de cette intervention et sollicité du SGAD une indemnité de 50 000 F au titre de ses frais irrépétibles.
Par jugement du 30 septembre 1993 le Tribunal de commerce de Paris a :
1°) Débouté le SGAD des fins de son intervention en le condamnant à payer à But International 10 000 F sur le fondement de l'article 700.
2°) Donné acte à Madame Frybourg de son intervention ès-qualités de Président-Directeur Général de la société Nova Meubles et à la société But International de l'abandon de ses exceptions.
3°) Condamné But International à payer à Nova Meubles 20 millions de francs à titre de dommages-intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 6 mars 1992 et celle de 30 000 F sur le fondement de l'art. 700.
4°) Ordonné l'exécution provisoire à charge pour Nova-Meubles de fournir une caution bancaire à hauteur de 10 millions.
Par ordonnance du 29 octobre 1993 le délégué du Premier Président, saisi d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire, l'a maintenue pour une somme de 10 millions de francs à charge pour Nova Meubles de fournir une caution bancaire et l'a arrêtée pour le surplus.
La Société But International a régulièrement en la forme interjeté appel principal du jugement du 30 septembre 1993 à l'encontre de la société Nova-Meubles et de Me Goulletquer ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement par voie de continuation.
Elle invoque la nullité du jugement pour non respect du principe du contrat du contradictoire et défaut de motivation et demande à la Cour d'évoquer.
Elle soulève l'irrecevabilité de l'action engagée par la société Nova-Meubles et Me Goulletquer ès-qualités d'administrateur au redressement judiciaire pour défaut de qualité ou défaut d'intérêt.
A titre subsidiaire elle soutient qu'elle n'a commis aucune faute dans l'établissement de la franchise et son exécution, qu'il n'y a pas de lien de causalité entre les fautes et le préjudice allégués, qu'il n'y a pas de préjudice ; elle conclut au débouté des intimés.
A titre plus subsidiaire elle sollicite la réformation du jugement en reprenant ses moyens précédents d'irrecevabilité et d'absence de fondement de la demande.
Elle demande, enfin, pour le cas où il serait autrement jugé, l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé un préjudice forfaitaire de 20 millions, estimant que la preuve d'un préjudice né du dépôt de bilan n'est pas rapportée et que le constat d'une perte de chiffre d'affaires n'est pas suffisant pour constituer la preuve d'un préjudice réparable.
En tout état de cause elle sollicite la restitution de la somme de 10 millions qu'elle a versée en vertu de l'exécution provisoire avec intérêts à compter du 3 novembre 1993 et une indemnité de 100 000 F en application de l'article 700.
La Société Nova-Meubles et Me Goulletquer ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan de redressement par voie de continuation concluent à la confirmation du jugement en son principe mais demandent aux termes d'un appel incident que le montant des dommages-intérêts alloués soit fixé au chiffre de 33 400 073 F ou à défaut de 31 802 193 ou 31 021 511 F, avec intérêts au taux légal et capitalisation dans les termes de l'article 1154 du Code Civil à compter de l'assignation et une indemnité de 100 000 F au titre des frais irrépétibles.
La Société But International estime que l'appel incident constitue une demande nouvelle irrecevable et conteste la valeur des pièces versées au débat par les intimés.
La Société Nova-Meubles et Me Goulletquer ès-qualités soutiennent que la modification du quantum du préjudice dont ils demandent réparation ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Le Syndicat général de l'ameublement et de la décoration n'a pas interjeté appel et n'a pas été intimé. La décision rendue est donc définitive en ce qui le concerne.
Il convient d'examiner d'abord les exceptions soulevées par la Société But International avant d'aborder, s'il échet, le fond du litige.
I - LA NULLITE DU JUGEMENT
Considérant qu'il est fait grief au jugement d'un défaut de motivation en ce qui concerne le rejet des irrecevabilités, ce qui est inexact, la décision étant parfaitement motivée sur ce point, même si elle est erronée puisqu'elle a considéré que ces exceptions avaient été abandonnées après régularisation de la procédure - et l'évaluation du préjudice, ce qui est encore inexact puisque le tribunal a fixé ce préjudice en fonction des éléments dont il disposait et qu'il avait préalablement analysés.
Considérant qu'il est en outre reproché au tribunal d'avoir violé le principe du contradictoire au motif que dans son analyse de l'emplacement du magasin il dit l'avoir constaté, ce qui impliquerait que les premiers juges auraient procédé à une visite des lieux sans en avoir préalablement avisé les parties en les invitant à y participer.
Mais que la réalité d'un transport sur les lieux ne peut être retenue au vu des termes employés, qui font simplement référence à la connaissance que les juges ont des lieux comme n'importe quel citoyen. Qu'au surplus l'opinion émise n'a pas d'incidence propre dans la décision et que la violation du principe du contradictoire ne peut être admise en l'espèce.
Qu'il s'en suit qu'il n'y a pas lieu à annulation du jugement ni par suite à évocation.
II - LES IRRECEVABILITES
Considérant qu'il n'y a pas lieu de se pencher sur une précédente assignation que la Société Nova-Meubles et Me Goulletquer auraient fait délivrer à la Société But International devant le Tribunal de commerce de Nanterre, car cette procédure a été abandonnée et ne peut avoir aucun impact sur la procédure dont la Cour est saisie.
Considérant qu'il est exact que l'assignation du 6 mars 1992 a été délivrée par la Société Nova-Meubles représentée par Me Goulletquer administrateur de son redressement judiciaire et par Me Goulletquer et n'était pas recevable puisque l'administrateur ne pouvait qu'assister la Société en redressement qui conservait la personnalité morale et devait intervenir elle-même.
Mais qu'en cours de procédure Madame Frybourg a demandé acte de son intervention ès-qualités de Président Directeur Général de la Société Nova-Meubles la représentant légalement, ce qui a été fait après que la Société But eut déclarer abandonner son exception.
Qu'on ne comprend donc pas pour qu'elle raison elle estime devoir reprendre devant la Cour l'exception liée au défaut de qualité qui a été à bon droit rejetée.
Considérant que depuis l'homologation du plan de redressement par voie de continuation la Société Nova-Meubles demeure dans la procédure sous la représentation de son Président Directeur Général, ce qui n'est pas contesté.
Mais qu'il est fait grief à Me Goulletquer de vouloir y demeurer lui aussi ès-qualités de commissaire à l'exécution du plan pour défaut d'intérêt à agir, ce sur quoi les premiers juges ne se sont pas prononcés.
Que cependant aux termes de l'article 67 de la loi du 25 janvier 1985 les actions introduites avant le jugement qui arrête le plan par l'administrateur, ce qui est le cas, sont poursuivies par le commissaire à l'exécution du plan, qui conserve un intérêt à agir au regard des obligations qui sont les siennes et qui doit en rendre compte.
Considérant que les exceptions d'irrecevabilité pour défaut de qualité ou d'intérêt à agir doivent en conséquence être rejetées, le jugement étant confirmé ou complété sur ce point.
III - LE PROBLEME DE FOND :
Considérant que le franchiseur n'est pas tenu d'une obligation de résultat, mais seulement de moyens et qu'il est constant que les difficultés qui sont nées entre franchiseur et franchisé et qui sont à l'origine du présent litige tiennent au fait que les parties ont envisagé pour le site de Boulogne un chiffre d'affaires de 90 millions annuels sur la base duquel ont été faits les investissements et les embauches mais qui s'est révélé en fait inférieur de 30 %, ce qui n'a pas permis le développement normal de la société Nova Meubles et l'a amenée à déposer son bilan en face de l'impossibilité de remédier à temps à la situation.
Que le problème est donc de déterminer qui du franchiseur ou du franchisé doit répondre de l'erreur de base et du défaut de remise en ordre une fois cette erreur découverte, en cours de contrat.
Considérant qu'avant de s'engager la société But International a fait procéder à une étude de marché par un spécialiste qui ne " s'est jamais trompé " et que c'est au vu de cette étude de M. Coutant qu'à été arrêté un chiffre d'affaires de base de 100 millions ramené par mesure de prudence à 90.
Que c'est dans l'optique de ce chiffre que la société Nova Meubles a loué l'emplacement de vente, ceux des dépôts, engagé directeur et personnel et organisé les conditions d'accès au site.
Que l'ouverture s'est effectuée dans de bonnes conditions selon le compte rendu de M. Rousseau, inspecteur de But en dépit de quelques problèmes tenant essentiellement à l'emplacement des dépôts.
Qu'on doit considérer, au vu de tous les documents versés aux débats, que l'échec relatif de la franchise tient à la clientèle, ouvrière d'un coté, très bourgeoise de l'autre, qui n'a pas été suffisamment prise en compte bien que M. Coutant dans son étude de marché ait souligné ce point en indiquant qu'il faudrait augmenter l'approvisionnement dans les hauts de gamme.
Mais que cet échec ne peut être imputé à Nova Meubles, qui conservait sans doute la maîtrise commerciale de son exploitation, mais qui s'est heurtée à l'opposition de But ne voulant pas porter atteinte à son système de vente discount pour satisfaire une clientèle particulière en haut de gamme, ainsi que le relèvent différents courriers émanant notamment de M. Coutant.
Qu'on est par conséquent en présence d'une erreur de base fondamentale qui ne peut s'imputer à faute qu'à la seule société But, car contrairement à ce qu'elle prétend il n'est nullement établi que Mme Frybourg ait participé à l'établissement de l'étude de marché même si elle a fourni à M. Coutant divers éléments d'appréciation et il n'appartient pas seulement au franchisé d'adapter sa collection à la clientèle lorsque comme dans le cas d'espèce il se heurte à la résistance du franchiseur qui entend procéder à des ventes discount axées sur le premier équipement qui touche une clientèle à revenus modestes.
Considérant qu'après les premiers résultats et bien avant le premier bilan il est exact que But est intervenu auprès de Nova Meubles en insistant sur la nécessité de réduire ses frais généraux à défaut de quoi l'échec était certain, cette intervention se manifestant essentiellement dans deux courriers des 26 juin et 26 juillet 1990 suivant deux audits auxquels But avait fait procéder par M. Coutant.
Qu'en dépit des affirmations de But il est prouvé que Nova Meubles a pris les mesures draconiennes qui lui étaient conseillées en ce qui concerne essentiellement la réduction du personnel dont le directeur qui a vu son poste supprimé et la réduction voire la suppression des prélèvements des dirigeants sociaux ; et que les termes de la réponse de Mme Frybourg du 31 juillet 1990 critiquant certains conseils de But et faisant valoir qu'elle préférerait appliquer ses propres méthodes ne permet pas de conclure que Nova Meubles soit responsable du défaut de redressement désiré par le franchiseur.
Qu'il n'est pas possible de faire grief à Nova Meubles des conditions de son installation immobilière tant sur le plan financier que sur le plan accès et parking, tous éléments qui étaient connus de But lors de la signature du contrat et qui ont été pris en compte dans le montage financier ; pas plus qu'on ne peut retenir le reproche fait à Mme Frybourg et à sa fille d'avoir refusé de s'initier aux méthodes But, car il est établi par les documents produits que l'une comme l'autre ont fait les stages qui leur ont été proposés en se bornant à en critiquer la valeur.
Qu'enfin en ce qui concerne la liberté quant à la l'acquisition des produits mis en vente, elle existait sans doute pour Nova Meubles, mais avec la restriction précédemment analysée quant à la volonté du franchiseur d'appliquer son système de vente discount.
Considérant que la société But, après avoir laissé son franchisé s'engager financièrement pour réaliser une installation jugée après coup inadéquate, n'est intervenue dans l'exercice de son devoir de conseil qu'au bout de trois mois en demandant des mesures qui ont été suivies dans la mesure où elles pouvaient l'être, mais qui étaient insuffisantes eu égard aux engagements souscrits par le franchisé pour lui permettre de redresser sa situation dans un délai raisonnable.
Et qu'à ce titre la société But International a commis une faute en appelant trop tard son franchisé à une réduction des charges, qui ne pouvait être opérée que de manière limitée comme cela a été fait et donc dans des conditions qui n'étaient pas suffisantes pour permettre à Nova Meubles de redresser la situation.
Considérant qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération un compte rendu fait en juin et juillet 1990 à Nova Meubles par deux étudiants de l'ISTEC, sur laquelle But International insiste beaucoup, car en dépit du travail fourni, il ne s'agit pas de spécialistes ; et qu'au surplus ils insistent sur le fait que le concept But n'est pas en harmonie avec la clientèle du site et que les dirigeants de Nova Meubles ont fait de louables efforts pour s'adapter à une situation qui n'était pas prévue au vu de l'étude du marché.
Considérant que But International entend démontrer qu'il n'existerait pas de lien de causalité entre les fautes qui lui sont imputées et le préjudice qu'invoque la société Nova Meubles ;
Que la question n'est pas de rechercher le préjudice subi par les créanciers ou par les associés de Nova Meubles à titre personnel.
Qu'il a été démontré que les fautes commises par But International sur le plan contractuel ont amené Nova Meubles à déposer son bilan.
Qu'il importe peu qu'après sa mise en redressement judiciaire, elle ait été autorisée à continuer son activité ni qu'à l'heure actuelle elle ait été admise à mettre en œuvre un plan de redressement par voie de continuation.
Qu'il demeure que le dépôt de bilan et les événements qui y ont fait suite ont entraîné pour la société Nova Meubles un préjudice lié aux démarches et aux difficultés financières qui ont été les siennes et qui ne sont pas aujourd'hui achevées.
Qu'il y a donc bien un lien de causalité entre les fautes de But International et le préjudice souffert par Nova Meubles.
Qu'il convient maintenant de déterminer le quantum de ce préjudice.
IV - LE PREJUDICE
Considérant qu'en première instance Nova Meubles avait fixé son préjudice à 29 160 863 puis à 32 942 452 F et que devant la Cour elle élève sa demande au chiffre de 33 400 073 F.
Que But International soulève l'irrecevabilité de ce qu'il appelle une demande nouvelle en cause d'appel, mais que la nouveauté est limitée à la somme de 457 621 F, différence entre les deux demandes, et que la demande aujourd'hui formulée tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, peu important qu'elle s'appuie sur de nouvelles pièces ou invoque un fondement juridique différent.
Que l'article 564 du Nouveau Code de Procédure Civile ne s'applique donc pas.
Que la demande de Nova Meubles s'appuie sur une étude comptable qui détermine une perte de chiffre d'affaires HT pendant la durée du contrat de 103 662 578 F et un préjudice de 33 400 073 F sur la base d'une marge de 32,26 %. Que la même étude aboutit à des chiffres légèrement inférieurs de 31 802 193 F en prenant en compte le passif de la société à la date du dépôt de bilan augmenté des ressources initiales ; et de 31 021 511 F en prenant en compte les diminutions de l'actif aux différents bilans augmentées du montant des créances abandonnées et des ressources initiales.
Qu'il s'agit là de méthodes de calcul très théoriques dont la première seule revêt une certaine réalité.
Mais que, si la perte de chiffre d'affaires par rapport à celui envisagé lors de la signature du contrat de franchise ne peut être discutée eu égard aux documents produits, le préjudice dégagé par l'étude comptable ne peut cependant être retenu à partir du moment où le prix d'achat des marchandises a été dégagé par rapport à une marge moyenne sans être justifié par les factures correspondantes et où la marge ne peut être admise comme constante eu égard aux fluctuations normales de la conjoncture économique.
Qu'il se dégage de ces éléments que le chiffre avancé de 33 400 073 F dépasse assez largement le préjudice réellement subi.
Considérant que But International invoque avec raison pour expliquer en partie le préjudice invoqué les effets néfastes de la guerre du Golfe et de la perte d'enseigne du magasin Leclerc à côté duquel la société Nova Meubles était implantée.
Que ces faits ne sont pas déniés par Nova-Meubles, qu'ils ont contribué pour partie à la chute du chiffre d'affaires et que les fautes commises par But International n'ont pas de lien avec eux.
Que par contre la société appelante soutient à tort que le passif constaté au jour du dépôt de bilan existait en partie au moment où a été conclu le contrat de franchise, ce que Nova Meubles dénie formellement et qui n'est pas établi par les documents versés au débat, la seule pièce produite à ce sujet confirmant l'existence d'un actif net au 31 décembre 1989 et rien ne justifiant que cette situation ait été modifiée au 28 mars 1990.
Considérant que But International prétend à l'absence de tout préjudice.
Que sans doute Nova Meubles a invoqué à tort un préjudice moral qui ne peut exister pour une personne morale à but purement commercial.
Qu'également il n'existe pas à l'heure actuelle de passif exigible puisque Nova Meubles a obtenu l'adoption de son plan de redressement par continuation et poursuit son exploitation ; mais qu'elle devra combler le passif imputable aux fautes de But International avec ses bénéfices, futurs résultats de sa seule activité et que son préjudice tel qu'avant défini demeure.
Que le raisonnement ultime de But International déterminant un préjudice réduit à 3 069 080 F en partant d'une marge brute de 7 015 040 F calculée sur le passif HT au jour du dépôt de bilan avec amputation de la part des frais de personnel, de publicité et divers proportionnels au chiffre d'affaires selon les ratios But relève de la théorie pure fondée sur un postulat qui est faux et ne peut être retenu.
Considérant au vu de l'ensemble de ces éléments que c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé en fonction des éléments dont ils disposaient le préjudice subi par la Société Nova Meubles du fait des fautes contractuelles commises à son encontre par la Société But International au chiffre de 20 millions de francs ; et que leur décision doit être confirmée.
Que cependant c'est la décision de première instance qui est constitutive de droit et que les intérêts au taux légal ne peuvent courir qu'à compter du jugement et non de l'assignation.
Que les conditions d'application de l'article 1154 du Code Civil ne sont pas remplies.
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la Société Nova-Meubles les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés du fait de la procédure et qui sont importants. Qu'à juste titre les premiers juges lui ont alloué de ce chef une indemnité de 30 000 F, mais que les frais dont s'agit se trouvent accrus en raison de l'appel infondé de la partie adverse et que le montant de l'indemnité sera porté au chiffre de 50 000 F.
Considérant que la Société But International, qui succombe dans son recours et sera condamnée aux dépens, ne peut prétendre à une indemnité au même titre ; pas plus qu'à la restitution de la somme de 10 millions de francs versée en vertu de l'exécution provisoire du jugement.
Par ces motifs, LA COUR, Reçoit les appels principal et incident réguliers en la forme ; Constate le caractère définitif de la décision rendue en ce qui concerne le SGAD ; Rejette l'ensemble des exceptions soulevées par la Société But International ; Confirme le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 30 septembre 1993 en ce qu'il a condamné la société But International à payer à la société Nova Meubles la somme de 20 millions de francs ; et aux dépens de première instance ; L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau et ajoutant, Dit que la somme objet de la condamnation portera intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1993 jusqu'aux dates effectives de paiement ; Condamne la Société But International à verser à la Société Nova-Meubles une indemnité de 50 000 F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Déboute les parties de tous chefs de demandes plus amples ou contraires à la motivation de présent arrêt ; Condamne la Société But International aux dépens d'appel et autorise la SCP Roblin-Chaix de Lavarene, titulaire d'un office d'avoué, à poursuivre le recouvrement de ceux qu'elle a exposés selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau code de Procédure Civile.