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Décisions

CA Bordeaux, 2e ch., 8 février 1994, n° 92000606

BORDEAUX

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Relais de la Vallée (SARL)

Défendeur :

Hôtelière Cognacaise (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bouscharain

Conseillers :

Mlle Courbin, M. Ors

Avoués :

SCP Labory Moussie Andouard, SCP Julia

Avocats :

Mes Henrard, Guibert, Leloup.

T. com. Cognac, du 20 déc. 1991

20 décembre 1991

La SA Hôtelière Cognacaise a signé le 25 août 1988 un contrat de franchise d'une durée de 10 ans avec la SARL Relais de la Vallée pour la construction et l'exploitation d'un hôtel sous l'enseigne Tonic Hôtel.

Par acte du 14 septembre 1990, le franchisé a assigné devant le Tribunal de commerce de Cognac le franchiseur aux fins d'obtenir l'annulation du contrat de franchise, qu'il lui soit donné acte de son offre de régler les 53 baignoires pour un prix global de 45 050 F et que le défendeur soit tenu de lui verser 1 243 639 F à titre de dommages-intérêts.

Par jugement du 20 décembre 1991, cette juridiction a déclaré nul le contrat du 28 octobre 1991 ainsi que le protocole d'accord du 25 août 1988 et le contrat de location vente du 28 octobre 1988, a condamné la SARL de La Vallée à payer au demandeur le coût hors taxe des enseignes Tonic Hôtel, le coût hors taxe des imprimés restant, la somme de 15 800 F pour modification des panneaux routiers, la somme de 383 855 F pour la perte sur le premier exercice, ainsi que la somme de 30 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle a aussi condamné la SA Hôtelière Cognacaise à verser au défendeur la somme de 523 103,40 F en paiement des baignoires et a ordonné la compensation. La société Relais de La Vallée sollicite l'infirmation de cette décision en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat de franchise et sa confirmation en ce qu'elle a condamné la société Hôtelière Cognacaise à lui payer la somme de 523 103,40 F avec capitalisation des intérêts. Elle expose que le concept de Tonic Hôtel a été créé au début des années 1980 et dès 1985 l'hôtel pilote ouvre suivi d'un second en 1986. Le Tonic Hôtel de Cognac est né des relations amicales existant entre des personnes physiques. La franchise a été signée le 25 août 1988 et avant l'ouverture de l'hôtel 16 réunions mettront en présence les deux sociétés. Un savoir-faire retranscrit dans une bible sera transmis et le franchiseur participera aux frais d'inauguration de l'hôtel. Les relations ne deviendront difficiles que lorsqu'il sera demandé que la facture des baignoires soit réglée. L'appelante soutient qu'il existe un savoir-faire Tonic Hôtel qui a été transmis au franchisé. Il existe des signes distinctifs : la marque Tonic Hôtel avec logo a été déposée à l'INPI le 6 janvier 1988. Ce contrat de franchise est donc valable. A titre subsidiaire, il est demandé à la Cour de requalifier le contrat liant les parties en contrat de collaboration. Le protocole d'accord concernant les 53 baignoires hydromassantes transformé en contrat de location vente ne peut être annulé même en cas de requalification et la Cour se doit de confirmer la décision entreprise sur ce point. Les résultats négatifs du premier exercice étant à mettre à la charge du franchisé, le franchiseur n'a pas à supporter le prix des enseignes, des imprimés et des panneaux routiers.

L'appelante a conclu de nouveau le 14 janvier 1994.

L'intimée conclut à la confirmation de la décision entreprise en ce qu'elle a annulé le contrat de franchise mais demande que les dommages-intérêts soient portés à la somme de 1 243 639,10 F, que son offre s'élevant à 45 050 F pour les baignoires soit retenue et qu'une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile lui soit accordée.

Elle soutient qu'il n'existait aucune unité pilote avant qu'elle n'ait signé le contrat, son hôtel est donc devenu malgré elle, unité pilote. Les 2 hôtels déclarés comme faisant partie de l'exploitation du concept n'ont aucun lien avec la SARL de la Vallée.

Il n'existe aucune définition sérieuse et réaliste du concept. La plaquette de présentation à laquelle se réfère le contrat est vide de toute réalité. Il n'existe pas de bible assurant la transmission du savoir-faire. Il n'y a pas de prestation assurant la mise en place du produit. De même, il y a une absence de prestation quant à la gestion ainsi qu'à la commercialisation. La marque Tonic Hôtel, même si elle est déposée, est dépourvue de toute notoriété et valeur.

Le contrat est donc nul pour défaut de cause.

En ce qui concerne les baignoires, le franchiseur a exigé que les chambres soient équipées de baignoires hydromassantes dont il est le concessionnaire exclusif. Après un coût approximatif de 200 000 F le devis s'est élevé à 1 269 178,80 F ramené à 523 103,40 F. Ce contrat concernant les baignoires est bien sûr atteint par la nullité qui touche le contrat de franchise puisqu'il n'en est qu'une conséquence. L'intimée estime qu'il n'y a pas enrichissement sans cause puisqu'elle n'a pas à supporter le surcoût de cet équipement qui est sans relation avec la catégorie de l'hôtel qu'elle exploite. Elle offre donc de régler le prix de 54 baignoires ordinaires. Les dommages-intérêts qu'elle sollicite correspondent à 730 000 F de perte d'exploitation pour la première année, 513 639,10 F HT correspondant à des frais de reconversion, 363 639,10 F pour modification des éléments publicitaires et 150 000 F pour la perte de clientèle.

Par des conclusions déposées la veille de l'ordonnance de clôture, l'intimée ajoute que la bible ne lui a été présentée que dans le cadre d'une communication de pièces datant de la fin de l'année 1993 de même que le certificat d'enregistrement à l'INPI. En ce qui concerne les devis, elle précise que les documents présentés par l'appelant comme étant le fruit de son travail ont été en réalité demandés par elle, mais un montage lors de la réalisation des photocopies a fait disparaître son nom pour faire apparaître celui du franchiseur.

Elle ajoute qu'aucune société d'architecture n'est jamais intervenue au nom du franchiseur lors de la réalisation de l'hôtel.

Sur quoi, LA COUR :

Attendu que l'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 1994.

Attendu que l'appelante a communiqué des pièces le 13 janvier 1994 et a conclu le 14 janvier 1994.

Attendu que l'intimée a communiqué une pièce le 18 janvier 1994.

Attendu qu'aucune des parties n'allègue l'existence d'une cause grave pour justifier de la tardiveté de ces conclusions et communications. Attendu qu'il convient donc de rejeter des débats ces pièces et conclusions en application de l'article 783 du nouveau code de procédure civile.

Attendu que l'appelante soutient que le concept de Tonic Hôtel est né dans le début des années 1980 et que lors de la signature du contrat objet du litige, il existait deux hôtels fonctionnant suivant les principes qu'elle avait découverts.

Attendu que s'il ne peut être contesté qu'un article de journal fait état en 1985 de l'existence de ce principe, il faut relever que l'appelante n'a pas estimé nécessaire de produire les documents contractuels la liant aux sociétés exploitant les deux hôtels qui selon elle appliquent les méthodes qu'elle préconise.

Attendu que l'intimée au contraire verse aux débats les extraits K Bis de ces deux sociétés.

Attendu que l'hôtel sis rue Monsieur le Prince à Paris et qui aurait été le premier Tonic Hôtel se nomme en réalité l'Hôtel des Ecoles et non le Tonic Hôtel Odéon dénomination sous laquelle il apparaît dans des plaquettes publicitaires de l'appelante.

Attendu que l'existence d'un lien entre cet établissement et le franchiseur n'est pas rapportée.

Attendu que le second hôtel n'a pris la dénomination de Tonic Hôtel des Halles qu'après une décision du 2 novembre 1988, soit après la signature du contrat liant la société Relais de la Vallée à la société Hôtelière Cognacaise.

Attendu qu'au surplus le contrat de franchise ou tout autre contrat liant la société Tonic Hôtel des Halles et la société Relais de la Vallée n'est pas produit.

Attendu qu'il faut donc considérer que la société Hôtelière Cognacaise a bien servi de pilote au franchiseur.

Attendu que l'appelante détenait bien une marque et un logo spécifiques, un dépôt à l'INPI étant intervenu quelque mois avant la signature du contrat.

Attendu que l'appelante soutient qu'elle détenait un savoir-faire spécifique qu'elle a transmis à son franchisé.

Attendu que l'absence d'unité pilote démontre que le franchiseur ne pouvait avoir en l'espèce aucun savoir-faire spécifique à l'objet du contrat, il pouvait simplement transmettre une idée qu'il convenait d'appliquer in concreto.

Attendu que devant les premiers juges, malgré la sommation qui lui en avait été faite, l'appelante n'a pas produit la " bible " document contenant ce savoir-faire alors que l'intimée contestait qu'un tel document lui ait été remis.

Attendu qu'en cause d'appel, un mois avant que n'intervienne l'ordonnance de clôture, l'appelante produit ce document.

Attendu que l'intimée conteste toujours que dans le cadre des relations contractuelles avoir été destinataire de ce document.

Attendu que ce document de par sa généralité sur l'exploitation d'un hôtel ne peut être considéré comme assurant la transmission d'un savoir-faire spécifique mais comme donnant simplement des conseils sur la gestion d'un établissement hôtelier.

Attendu que l'appelante soutient être intervenue dans la réalisation, la construction et l'aménagement de l'hôtel.

Attendu qu'il apparaît que la société Relais de la Vallée est intervenue pour que la société Hôtelière Cognacaise puisse obtenir un crédit de la part d'un établissement financier.

Attendu qu'aucun document ne démontre que l'appelante ait participé directement ou indirectement à l'établissement des plans de l'hôtel, aux choix des entreprises et à la réalisation des travaux.

Attendu que pour démontrer le contraire, l'appelante produit des devis qu'elle aurait sollicités de diverses entreprises avant la réalisation de la construction, qu'il résulte des pièces que ces documents ont été en réalité demandés à des entreprises par l'intimée qui a transmis pour information à l'appelante, une erreur lors de la photocopie par cette dernière faisant alors apparaître son nom au lieu de celui de l'intimée.

Attendu que si l'appelante produit bien trois copies de réunions de travail qui se sont déroulées avant l'ouverture de l'hôtel, deux font état de recrutement du personnel, la dernière rapportant un certain nombre de demandes adressées par le franchisé au franchiseur.

Attendu qu'après l'ouverture, si un compte prévisionnel d'exploitation semble avoir été remis, la remise de ce document étant contestée par l'intimée, il faut relever que les prévisions se sont révélées irréalisables aux regards des chiffres réellement réalisés au bout d'un an d'exploitation et ce sans qu'aucune faute de gestion ne puisse être imputée à l'intimée.

Attendu que l'assistance apportée au franchisé par le franchiseur se limite selon les propres pièces de l'appelante à deux réunions dont les comptes-rendus n'ont aucun caractère contradictoire puisqu'ils sont établis par la société le Relais de la Vallée.

Attendu que le rapport de l'expert comptable de la société Hôtelière Cognacaise relève comme cause des difficultés du premier exercice : activité de restauration déficitaire : prix insuffisant, effectif trop important malgré une fréquentation satisfaisante.

Attendu qu'il apparaît que les prix de la restauration ont été fixés en accord avec le franchiseur, que le personnel a été recruté par lui et en application des règles qu'il avait définies.

Attendu qu'il résulte donc que la société Hôtelière Cognacaise a joué un rôle d'unité pilote du franchiseur sans en avoir été informée, que le franchiseur s'il détenait une idée originale sur l'exploitation d'un hôtel ne détenait aucun savoir-faire spécifique pouvant faire l'objet d'une cession, que ce même franchiseur n'a apporté qu'une aide des plus réduites avant et après le début de l'exploitation de l'hôtel et en particulier en fournissant des conseils de recrutement et de gestion qui ont aggravé les difficultés inévitables lors du début d'exploitation.

Attendu qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat du 25 août 1988.

Attendu que de même, il ne peut y avoir contrat de collaboration puisqu'il n'y a eu ni communication d'un savoir-faire ou d'une expérience, ni apport en industrie.

Attendu que l'utilisation de la marque Tonic Hôtel ne peut être considérée comme un apport, celle-ci étant dépourvue de toute renommée.

Attendu que le seul apport tangible est constitué par la participation financière à l'organisation soit 40 000 F environ sur un investissement global de plusieurs millions.

Attendu que le rapport entre ces deux chiffres démontre l'inexistence d'un contrat de collaboration.

Attendu que les pièces produites par l'intimée justifient que lui soient alloués la somme de 363 639,10 F hors taxe au titre de la modification des éléments publicitaires et celle de 383 855 F pour les pertes d'exploitation compte tenu des pertes inévitables lors d'un premier exercice.

Attendu pour les baignoires, qu'il est constant que l'acquisition de ces équipements n'est que la conséquence du contrat de franchise.

Attendu que si l'intimée souhaite que la nullité de cette acquisition soit prononcée, il lui appartient d'en offrir la restitution.

Attendu que cette offre n'est pas faite, que la société Hôtelière Cognacaise entend conserver ces baignoires, qu'elle doit donc en payer le prix et ce avec capitalisation des intérêts comme le sollicite l'appelante.

Attendu qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer.

Attendu que la société Relais de la Vallée supportera les dépens.

Par ces motifs, LA COUR, Rejette des débats les pièces et les conclusions communiquées et signifiées après l'ordonnance de clôture, Reçoit la SARL Relais de la Vallée en son appel, La dit pour partie bien fondée, En conséquence, confirme la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la nullité du contrat en date du 25 août 1988, Pour le surplus, statuant à nouveau, Condamne la SARL Relais de la Vallée à payer à la SA Hôtelière Cognacaise les sommes de : - 363 639,10 F HT au titre des frais de reconversion, - 383 855 F au titre des pertes sur le premier exercice, Condamne la SA Hôtelière Cognacaise à payer à la SARL Relais de la Vallée la somme de 523 103,40 F HT, Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation et ce avec capitalisation des intérêts pour la somme due à la SARL Relais de la Vallée, Ordonne la compensation entre ces diverses sommes, Dit qu'il n'y a lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de la SARL Relais de la Vallée dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP Julia, avoués à la Cour, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.