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Décisions

CA Paris, 4e ch. B, 3 mars 1994, n° 92-6111

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

New Holland France (Sté)

Défendeur :

Établissements Claude Gayraud (Sté), Barrabie (SCI)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guerrini

Conseillers :

Mme Regniez, M. Ancel

Avoués :

Me Ribaut, SCP Roblin-Chaix de Lavarene

Avocats :

Mes Triet, Bourgeon

T. com. Paris, 13e ch., du 13 mars 1991

13 mars 1991

Les Établissements Claude Gayraud, ci-après Gayraud, concessionnaire Fiat, gamme agricole, à Albi, depuis le 1er janvier 1973, ont signé deux contrats de concession exclusive en date du 23 décembre 1985, avec la société Fiatagri ultérieurement dénommée Fiatotech puis New Holland France (ci-après Fiat), pour la vente d'une part de tracteurs, d'autre part, de moissonneuses batteuses, de romders et d'ensileuses.

L'article 2b de ces contrats stipulait :

"b) Sans préjudice de ce qui est prévu à l'article 16 ci-dessous, le présent contrat pourra être résilié à tout moment d'une façon ordinaire par une des deux parties, sans indemnité d'aucune sorte à quelque titre que ce soit, en notifiant à l'autre, par LRAR un préavis d'au moins un an".

L'article 16-1 de ces contrats comportait par ailleurs les dispositions suivantes :

"16-1 : Etant ici rappelé ... FA.F, sous réserve de ses autres droits éventuels, a le droit de résilier le présent contrat de plein droit, à tout moment, et sans qu'aucune indemnité puisse lui être demandée, par LRAR adressée au concessionnaire, notamment :

B. avec effet immédiat, au cas où l'une des fautes graves suivantes serait commise :

a) insuffisance de pénétration du concessionnaire dans le ou les produits objet du présent contrat (cf annexe 1 ci-jointe,

...

d) le concessionnaire a violé une ou plusieurs dispositions de l'article 5, paragraphe c) et/ou d),

e) ou f et/ou 12, paragraphe a".

L'annexe n° 1, à laquelle renvoyait l'article 16.1B.a) du contrat concernant les tracteurs précisait :

Annexe n° 1 - Pénétration en tracteurs

1. La pénétration de FA.F en tracteurs est définie comme étant la part en pourcentage prise par la marque Fiatagri dans les immatriculations totales de tracteurs agricoles en France métropolitaine. A cet égard les statistiques publiées par le syndicat général des constructeurs de tracteurs et machines agricoles feront foi.

2. On considère que le concessionnaire a une pénétration insuffisante en tracteurs dans son territoire lorsque sa pénétration pendant 12 mois consécutifs est inférieure :

a) soit à 70 % du taux de pénétration moyenne toutes catégories obtenue par FA.F sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine ;

b) soit, dans l'une des catégories, à 60 % du taux de la pénétration moyenne obtenue par FA.F dans cette catégorie sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine, sachant que les tracteurs sont classés dans les cinq catégories suivantes :

catégorie 1 : tracteurs dont la puissance va de 25 à 55 ch.

catégorie 2 : tracteurs dont la puissance va de 56 à 65 ch.

catégorie 3 : tracteurs dont la puissance va de 66 à 80 ch.

catégorie 4 : tracteurs dont la puissance va de 81 à 100 ch.

catégorie 5 : tracteurs dont la puissance est supérieure à 100 ch.

Le second contrat renvoyait à une annexe semblable ;

Annexe n° 1 - Pénétration en machines agricoles

1. La pénétration de FA.F dans les différentes lignes de produits de ses gammes de machines agricoles est définie comme étant la part de marché prise par la marque Fiatagri dans les ventes totales toutes marques de ces lignes de produits en France métropolitaine.

2. On considère que le concessionnaire a réalisé, dans son territoire, au cours d'une campagne (12 mois consécutifs), une pénétration insuffisante pour une ligne de produits dont la vente est concédée par FA.F sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine ; sauf cas de force majeure ayant mis le concessionnaire dans l'impossibilité d'exercer son exploitation.

3. Pour la pénétration, respectivement de FA.F sur l'ensemble de la France métropolitaine et du concessionnaire sur son territoire, selon ce qui est exprimé aux points 1 et 2), ci-dessus, il sera tenu compte de toutes les informations statistiques permettant la meilleure appréciation possible des ventes, notamment les statistiques départementales éditées par le Cemagref concernant les facturations aux réseaux."

4. Enfin, l'article 5 c) de chacun des deux contrats stipulait :

"Le concessionnaire s'engage soit lui-même, soit par personne interposée, soit par prise d'intérêt, et, sauf ce qui est prévu aux articles 10 c) et 12 b) ci-dessous à :

- ne pas fabriquer, promouvoir, vendre des produits neufs concurrents de ceux objet du présent contrat,

- ne pas conclure des contrats commerciaux et de service de vente et d'après-vente portant sur ces produits concurrents de ceux objet du présent contrat, sans le consentement écrit de FA.F."

Par courrier du 10 février 1988, adressé au concessionnaire, Fiat précisait les choses suivantes :

"Nous tenons à vous préciser que nous ne pouvons nous satisfaire des résultats tracteurs de 1987 et de celui des machines agricoles de la campagne 1986-1987 ...

Cette pénétration ne peut être acceptable car elle est nettement inférieure à celle de Fiat en France et à celle de la région de Montauban.

Elle est d'autant mois acceptable que le fait d'avoir créé pour votre fils une société qui distribue sur le département du Tarn, la marque John Deere, et dont les liens avec la SARL Gayraud peuvent prêter à de nombreuses interprétations, ne va pas permettre par la dispersion des efforts, une meilleure exploitation du territoire concédé par Fiatgeotech à la SARL Gayraud.

De plus, il est facile de penser qu'il est très anormal que nos concessionnaires limitrophes qui eux, sont exclusifs Fiat, puissent subir la concurrence d'un concessionnaire qui travaille le secteur avec deux marques, même si l'exploitation de ces deux marques l'est par deux sociétés qui ne peuvent pas de par la nature des choses être complètement différentes.

Nous tenons donc à vous préciser que nous attendons de la SARL Gayraud pour 1988 des résultats conformes à ceux que nous sommes en droit d'obtenir, et qui doivent se situer en pénétration au niveau de pénétration réalisé par la région de Montauban, faute de quoi, et à notre grand regret, il nous sera pas possible de poursuivre en 1989 nos relations commerciales avec la SARL Gayraud."

Par courrier du 23 janvier 1989, Fiat notifiait à son concessionnaire la rupture des relations contractuelles en ces termes :

"Ainsi que nous vous en avons informé lors de notre visite du 19 janvier 1989, nous vous confirmons la rupture de votre contrat de concessionnaire Fiatgeotech, et ce, à compter du 11 février 1989, soit un an après notre lettre du 10 février 1988, ... "

C'est dans ces conditions que par acte du 26 septembre 1989, la SARL Gayraud a assigné Fiat en rupture abusive des contrats de concession.

Le jugement déféré a estimé que la résiliation du 23 janvier 1989 sans respect du préavis contractuel était abusive et a condamné Fiat à indemniser Gayraud pour l'année du préavis non respecté à compter du 11 février 1989. Avant dire droit, les premiers juges ont nommé un expert aux fins de déterminer le montant de l'indemnité due par Fiat.

Fiat a relevé appel de cette décision.

Elle conclut au débouté des demandes de Gayraud et demande de la condamner à lui payer la somme de 69.438 F majorée des intérêts légaux à compter du 11 février 1989. A titre subsidiaire elle demande en ce qui concerne l'évaluation du préjudice, le double degré de juridiction.

Elle sollicite enfin une somme de 60.000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

La société Gayraud conclut à la confirmation du jugement déféré. Elle demande à la Cour d'évoquer sur les conclusions du rapport d'expertise et sollicite la condamnation de Fiat à lui payer les sommes suivantes :

- 875 714 F (perte de résultat),

- 109 000 F (perte sur stock),

- 25 926 F (frais reprise d'un fonds existant),

- 50 000 F (article 700 du NCPC).

Par ailleurs, la SCI de la Barrabie intervient devant la Cour pour solliciter la condamnation de Fiat au paiement de la somme de 273 600 F de dommages-intérêts au titre des frais d'acquisition d'immeuble à usage commercial qu'elle a engagés pour permettre à la SARL Gayraud de poursuivre l'activité commerciale.

Fiat conclut à l'irrecevabilité et au débouté de la demande de la SCI de la Barrabie.

Sur ce, LA COUR, qui se réfère au jugement déféré et aux conclusions d'appel.

Sur l'intervention de la SCI de la Barrabie

Considérant que l'intervention de la SCI vise à obtenir la condamnation de Fiat au paiement de dommages-intérêts à raison des frais d'acte que cette SCI aurait exposés pour l'acquisition de terrains loués à Gayraud,

Mais considérant qu'il s'agit d'une demande nouvelle au sens de l'article 464 du NCPC, qui ne procède pas directement des demandes formulées en première instance par Gayraud qui avaient pour objet l'indemnisation du préjudice subi du fait de la résiliation des contrats de concession, étant relevé par ailleurs qu'il n'est pas justifié par les intimées de ce que la SCI, personne morale distincte de la société Gayraud, ait un lien de droit avec cette dernière.

Considérant que la demande de la SCI ne tend pas non plus aux mêmes fins au sens de l'article 565 du NCPC que les demandes de Gayraud, dès lors qu'elle vise à obtenir une indemnisation de la SCI de la Barrabie, que pour ces motifs cette demande sera écartée comme nouvelle devant la Cour.

Sur la résiliation ordinaire des contrats

Considérant que les contrats prévoient d'une part une résiliation ordinaire avec préavis d'un an (article 2) et d'autre part une résiliation extraordinaire pour faute (articles 16-1 Ba : insuffisance de pénétration et 16-1 Bd : violation d'une ou plusieurs dispositions de l'article 5).

Considérant que l'intimée soutient tout d'abord que Fiat n'a pas respecté les dispositions des contrats relatives à la résiliation ordinaire en particulier le délai de préavis et ensuite que les conditions de la résiliation ne sont pas remplies ;

Considérant qu'il résulte des deux courriers avec accusé de réception (10 février 1988 et 23 janvier 1989) dont il n'est contesté en appel ni l'existence ni la teneur, que la lettre du 10 février 1988 était une simple mise en garde à Gayraud, Fiat se réservant la possibilité de résilier les contrats si les objectifs fixés n'étaient pas atteints ; que cette lettre, qui n'a pas déterminé de date pour la cessation des relations contractuelles, n'a pu faire courir le délai de préavis d'un an exigé par l'article 2 ; qu'il s'ensuit que les conditions de la résiliation ordinaire prévues par l'article 2 ne sont pas remplies en l'espèce.

Considérant en revanche, que, contrairement aux affirmations des premiers juges, Fiat ne s'est pas fondée exclusivement sur l'article 2 pour rompre les relations contractuelles ; qu'elle a en effet, au soutien de sa demande de résiliation extraordinaire, visé dans la lettre du 10 février 1988 la violation de la clause de pénétration (article 16-1 Ba) et de la clause de non-concurrence (article 5c).

Considérant que chacun de ces manquements, s'ils se trouvent avérés, entraînent au profit du concédant, une résiliation extraordinaire avec effet immédiat, sans indemnité pour le concessionnaire.

Sur la violation de l'obligation de non-concurrence

Considérant que Fiat reproche à l'intimée d'avoir créé pour son fils une société distribuant des produits concurrents des siens.

Considérant que le 23 décembre 1987, a été constituée une SARL Espace Agri, ayant pour gérant Philippe Gayraud, fils de Claude Gayraud, société qui est devenue concessionnaire d'une marque concurrente de la gamme agricole Fiat.

Considérant cependant que la SARL Espace Agri constitue une personne morale distincte des Établissements Gayraud, que ces derniers n'ont donc pas violé leur obligation de non-concurrence, et au surplus que Fiat n'établit pas que la société Espace Agri serait "une interposition" des Établissements Claude Gayraud, que sera donc écarté le moyen tiré de la violation de la clause de non-concurrence.

Sur la validité de clause de pénétration

Considérant que par cette disposition, le concédant demande au concessionnaire de réaliser, sur le territoire concédé, un pourcentage des immatriculations au moins égal à une certaine proportion de la part de marché nationale de la marque.

Considérant que l'intimée fait alors valoir que la clause de pénétration (article 16-1 Ba) est contraire à l'article 85-1 du Traité pour les quatre raisons suivantes :

Qu'en premier lieu, les parts du marché français dont disposait Fiat au moment des faits (17 % pour les tracteurs et 15 % pour les moissonneuses batteuses) excèdent largement le seuil de 5 % en dessous duquel la Commission estime que des accords restrictifs de concurrence n'affectent pas de manière sensible le commerce entre Etats membres ;

qu'en deuxième lieu, la faculté de résiliation extraordinaire prévue à l'article 16-1 Ba est restrictive de concurrence au sens de l'article 85-1 du Traité, en donnant à Fiat la possibilité d'exclure certains distributeurs de la vente de ses produits et en accroissant la dépendance économique des distributeurs sous contrat, au delà des limites résultant des conditions minimales obligatoires d'exemption énoncées à l'article 5.2.2 du règlement CEE 123-85 ;

qu'en troisième lieu, la faculté de résiliation extraordinaire découlant de "l'article 5-4" (sic) est doublement contraire aux conditions d'exemption catégorielle découlant du règlement 123-85, que d'une part l'article 4.1.3 de ce règlement constitue une simple obligation de moyens, que d'autre part les dispositions de l'article 16-1 Ba sont non seulement contraires aux conditions d'exemption catégorielle découlant du règlement 123-85 mais encore aux principes généraux de non discrimination et de proportionnalité ;

qu'en quatrième lieu les dispositions de l'article 5-4 du règlement 123-85 qui laissent aux parties la liberté de convenir de la résiliation extraordinaire de l'accord, ne peuvent se concevoir qu'en cas de violation par le distributeur d'une obligation restrictive de concurrence expressément exemptée ou d'une obligation non restrictive de concurrence.

Considérant qu'en réplique l'appelant soutient que la clause de pénétration est conforme au droit de la concurrence bien qu'elle ne soit pas expressément visée par le règlement CEE 123-85.

Considérant, cela exposé, que la Cour de Justice des Communautés Européennes a dit pour droit que le règlement 123-85 n'établit pas de prescriptions contraignantes affectant directement la validité ou le contenu de clauses contractuelles ou obligeant les parties contractantes à y adapter le contenu de leur contrat mais se limite à établir les conditions qui, si elles sont remplies, font échapper certaines clauses contractuelles à l'interdiction et, par conséquent, à la nullité de plein droit, prévues par l'article 85-1 et 2 du Traité, et que si un accord ne remplit pas les conditions posées par le règlement d'exemption, il n'est pas nécessairement nul ;

Considérant que le fait que les contrats signés entre Fiat et Gayraud mettent à la charge du concessionnaire une obligation de résultat alors que le règlement fait bénéficier de l'exemption les clauses par lesquelles le concessionnaire s'efforce d'écouler dans une période déterminée à l'intérieur du territoire convenu un nombre minimal de produits contractuels, ne rend pas nécessairement une telle clause nulle, que sous peine de donner une portée qu'il n'a pas au règlement, l'exemption de clauses par lesquelles le concessionnaire doit s'efforcer de satisfaire certains objectifs ne peut être interprétée a contrario comme une condamnation a priori de celles qui imposent un tel objectif ;

Considérant que l'intimée fait valoir à bon droit que la faculté d'exercer la résiliation extraordinaire n'est pas limitée au cas de violation d'une obligation exemptée, mais s'étend à l'inexécution des autres obligations valablement stipulées, c'est-à-dire non restrictives de concurrence ;

Considérant qu'il échet dans ces conditions de rechercher si la clause imposant à M. Gayraud de réaliser pour les machines agricoles sur une période de 12 mois consécutifs sur le territoire concédé, une pénétration égale ou supérieure à 70 % du taux de la pénétration moyenne toutes catégories obtenue par Fiat sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine et en ce qui concerne les tracteurs, une pénétration égale ou supérieure soit à 70 % toutes catégories, soit à 60 % dans une catégorie de tracteurs définie, du taux de pénétration moyenne, obtenue par Fiat sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine, est contraire à l'article 85-1 du Traité CEE,

Considérant qu'il est constant que la clause litigieuse impose au concessionnaire une obligation déterminée de résultat et ne s'analyse pas comme une obligation de s'efforcer de réaliser certains objectifs,

Mais considérant que cette obligation ne dépend pas de critères subjectifs unilatéralement fixés par le concédant mais est fonction des performances réalisées par la marque sur le marché national,

qu'elle ne soumet donc nullement le concessionnaire à l'arbitraire du concédant dans la détermination du résultat à atteindre ; qu'il importe par ailleurs de relever que les rapports établis entre un concessionnaire et un concédant sont économiques et visent à atteindre un résultat minimum, faute de quoi l'équilibre du contrat serait bouleversé, que de ce fait l'accroissement de la dépendance du concessionnaire, qui résulterait de la clause litigieuse et qu'allègue l'intimé, ne suffit pas par elle-même à caractériser l'existence d'une pratique anticoncurrentielle prohibée par l'article 85-1 du Traité ;

Considérant que l'intimée soutient vainement que la présence de cette clause conduirait à donner au concédant la possibilité d'exclure certains distributeurs de la vente de ses produits ; qu'en effet l'exclusion de certains revendeurs résulte de l'existence de l'exclusivité et ne peut donc être la conséquence de l'insertion dans les contrats d'une obligation de résultat ;

Considérant que la faculté stipulée d'assortir la non exécution de la clause de pénétration de sanctions alternatives, n'introduit par elle-même, contrairement à ce que soutient à tort le concessionnaire, aucun élément de discrimination, dès lors qu'il n'est pas démontré ni même allégué que l'application qui en est faite par le concédant dans des situations analogues serait arbitraire et discriminatoire ;

Considérant qu'enfin et pour les motifs sus mentionnés, la référence faite à la part de marché détenue par Fiat sur le territoire national (17 % pour les tracteurs, 15 % pour les moissonneuses batteuses) apparaît inopérante ;

que l'intimé ne fait donc pas la démonstration qui lui incombe de ce que la clause critiquée serait contraire à l'article 85-1 du Traité.

Sur la violation de la clause de pénétration par la SARL Gayraud

Considérant qu'il est constant que Gayraud n'a pas atteint ses engagements contractuels en matière de pénétration du marché dès l'année 1987, qu'elle n'avait en effet immatriculé aucun tracteur dans la catégorie 4, tandis que la concurrence en vendait 8 sur son territoire et Fiat 1114 en France, qu'au surplus l'intimée n'avait réalisé aucune vente de moissonneuse-batteuse ;

Considérant que la société Gayraud admet pour 1987 l'inflexion de son taux de pénétration, qu'elle indique cependant à juste titre que Fiat a accepté de poursuivre les relations contractuelles en 1988, que Fiat précisait toutefois attendre "de la SARL Gayraud pour 1988 des résultats conformes à ceux que nous sommes en droit d'obtenir".

Considérant qu'en 1988, la société Gayraud n'a pas non plus atteint les objectifs contractuellement fixés ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que le taux de pénétration de l'intimée pour les tracteurs était inférieur à la moyenne régionale (15,03 % contre 18,38 %) et à la moyenne nationale (15,03 % contre 16,30 %), que la modification très limitée du territoire de la société Gayraud en 1987 ne peut expliquer cette situation contrairement à ce que soutient l'intimée ;

Considérant que l'engagement contractuel relatif à la catégorie 5 (tracteurs dont la puissance est supérieure à 100 ch.), n'a pas été tenu, que l'argumentation de l'intimée relative à la supériorité technologique de la concurrence n'est pas pertinente dès lors que le taux de pénétration à atteindre se calcule, par référence à la part du marché du concédant, de sorte que si les produits du concédant ne sont pas performants, le niveau de l'obligation du concessionnaire en est réduit d'autant,

Considérant qu'en ce qui concerne les machines agricoles les ventes de moissonneuses-batteuses sont également inférieures à l'engagement contractuel du concessionnaire (zéro pour la campagne 86/87, une sur quinze unités vendues sur le territoire pour la campagne 87/88) ; que la distinction opérée par le concédant entre des catégories différentes de concession (T ou TMA) est sans incidence dès lors qu'elle avait pour objectif l'attribution de primes et n'exonérait pas le concessionnaire de ses obligations contractuelles en matière de taux de pénétration ;

Considérant qu'il en résulte que la société Gayraud n'a pas respecté son obligation de taux de pénétration et que le concédant était dès lors en droit de résilier les contrats, à tout moment et sans indemnité, ce qui a été fait régulièrement par lettre recommandée avec avis de réception du 23 janvier 1989,

Sur la créance de 69.438 F

Considérant que Fiat sollicite en appel la condamnation de la société Gayraud au paiement d'un solde débiteur de 69.438,44 F en principal ;

Considérant que cette demande, qui n'est pas nouvelle en appel, puisqu'elle a pour but d'opposer la compensation aux demandes de la partie adverse, en application de l'article 564 du NCPC, n'est pas fondée ; qu'en effet le relevé de compte de Fiat en date du 31 décembre 1990 n'est corroboré par aucune pièce et est dépourvu de justification, l'intimée soutenant sans être contredite sur ce point, que les comptes entre les parties ont été définitivement soldés le 24 mars 1989, à l'occasion d'une visite de M. Degabaury, Inspecteur Commercial Fiat auquel les Établissements Gayraud ont remis un chèque de 270.845,73 F,

que cette demande sera donc écartée ;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à l'appelante la charge des frais irrépétibles qu'elle a exposés ;

Par ces motifs : Déclare irrecevable l'intervention en appel de la SCI de la Barrabie, Infirme le jugement déféré, Statuant à nouveau : Déboute la société Gayraud de ses demandes, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du NCPC en faveur de la société New Holland France, Rejette le surplus des demandes. Condamne la société Etablissements Gayraud aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 NCPC par Maître Ribaut, avoué.