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Décisions

CA Orléans, ch. civ. sect. 2, 5 avril 1994, n° 1787-91

ORLÉANS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Les Centres Hélène Gale (SARL)

Défendeur :

Lefèvre (ès qual.)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tay

Conseillers :

M. Bureau, Mme Magdeleine

Avoués :

Me Bordier, SCP Michel Laval- Olivier Laval

Avocats :

Mes Poinsot, De Poucques.

TI Tours, du 23 mai 1991

23 mai 1991

Le 19 octobre 1987, la SARL Centre Hélène Gale a concédé à Madame Etourmy un contrat de franchise contre un droit d'entrée dans le réseau de 68.788 F et une redevance périodique mensuelle de 5 % du chiffre d'affaires hors taxes, le magasin franchisé étant situé à Tours 166 avenue de Grammont.

Madame Etourmy a, par la suite, ouvert un magasin à Angers.

Par jugement du 23 décembre 1991, le Tribunal d'Instance de Tours a, déboutant la SARL Hélène Gale de ses demandes en paiement des redevances :

1°) déclaré nul le contrat de franchise,

2°) condamné la SARL Hélène Gale à payer à Madame Etourmy :

- la somme de 58.000 F HT en remboursement du droit d'entrée,

- celle de 4.876,36 F en remboursement de royalties,

- celle de 3.110,80 F en remboursement de fournitures d'acupuncture,

3°) dit que la somme de 5.727,91 F due par Madame Etourmy à son franchiseur sera déduite de ces sommes,

4°) condamné la SARL Hélène Gale à payer à Madame Etourmy, une somme 5.000 F à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de procédure de 2.500 F,

5°) condamné la SARL Hélène Gale aux entiers dépens.

A l'appui de son recours, la SARL Hélène Gale expose que son activité consiste en une méthode d'amaigrissement et de rajeunissement révolutionnaire, mise au point par Hélène Gale au début des années 1980 et qu'un de ses grands succès provient de l'utilisation de médecines douces qui permet un rajeunissement apparent d'environ cinq ans.

Elle constate que l'intimée, qui a sollicité et obtenu l'autorisation d'ouvrir une seconde boutique à Angers, n'a versé ni le droit d'entrée afférent à celle-ci, ni les redevances du magasin de Tours depuis août 1988 et ce, malgré diverses relances, toutes inopérantes, et des pourparlers avec le conseiller financier de Madame Etourmy aux fins d'apurement du passif, demeurés également sans effet.

Elle rappelle la définition du contrat de franchise dont les éléments fondamentaux sont le savoir-faire, d'une part, l'enseigne et la marque, d'autre part.

Elle souligne que Madame Etourmy, qui avait reçu, avant signature, un dossier complet sur les activités des Centres Hélène Gale, a bien acquis ces éléments en toute connaissance de cause et sans que son consentement ait pu être vicié de quelque façon que ce soit, et qu'elle ne peut dès lors prétendre avoir cessé le paiement des redevances en août 1988 en raison de l'absence de cause, alors que, dans le même temps, elle était tellement satisfaite d'appartenir au réseau Hélène Gale qu'elle ouvrait une deuxième boutique à Angers et commandait le 23 septembre 1988 du matériel Hélène Gale.

Elle observe que Madame Etourmy a suivi divers stages de formation organisés par le franchiseur qui a ainsi rempli ses obligations et n'a, en réalité, pas honoré ses propres engagements par suite de difficultés financières.

Elle ajoute que les différentes poursuites pour exercice illégal de la médecine se sont terminées par des relaxes ou des non-lieu et qu'il n'y a donc rien à lui reprocher sur ce point.

Elle s'étonne de ce que l'intimée, qui prétend obtenir la nullité du contrat car elle ne pouvait utiliser les médecines douces, les pratique maintenant sous sa propre enseigne et dans le même local ainsi que l'établit un procès-verbal de constat d'huissier postérieur au jugement déféré, et ce, en utilisant le savoir-faire acquis de son franchiseur.

Elle estime donc rapporter la preuve de la mauvaise foi de Madame Etourmy et de son intention de nuire, et constate que devant la Cour, elle présente des subsidiaires qui démontrent la fragilité de sa position.

Elle en conclut que les premiers Juges ne pouvaient déclarer nul un contrat dont la cause n'est pas illicite et demande à la Cour de :

1°) la recevoir en son appel et constater l'inexécution des engagements de Madame Etourmy depuis le 5 juillet 1989 en infraction avec les dispositions des articles 17 et 18 du contrat de franchise.

2°) constater que le contrat de franchise est résilié de façon anticipée, au profit du franchiseur, avec effet du 5 juillet 1989, en raison du comportement fautif de Madame Etourmy, franchisée,

3°) prononcer à l'encontre de Madame Etourmy une interdiction immédiate et absolue d'exercer une activité de même nature que celle de son franchiseur et ce, jusqu'au 4 juillet 1992, sous astreinte définitive de 2.000 F par jour de retard à compter du jour où la décision sera rendue,

4°) condamner Madame Etourmy à verser à la SARL Hélène Gale, à titre de provision la somme principale de 29.162,49 F avec intérêts de droit à compter de la sommation du 5 juillet 1989, ainsi qu'une somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice commercial et financier,

5°) ordonner à Madame Etourmy, sous astreinte définitive de 2.000 F par jour de retard, à compter du jour où la décision sera rendue, de communiquer les chiffres d'affaires qu'elle a réalisés durant l'exploitation des magasins de Tours et Angers,

6°) débouter Madame Etourmy de toutes ses demandes, fins et conclusions,

7°) condamner Madame Etourmy à lui payer une indemnité de procédure de 15.000 F ainsi qu'aux entiers dépens.

Paulette Etourmy et Maître Lefèvre es-qualité d'administrateur au redressement judiciaire de Madame Etourmy, puis de liquidateur à la liquidation judiciaire de Madame Etourmy, intervenant volontairement à l'instance, concluent à la confirmation de la décision entreprise.

Ils prétendent démontrer que la formation sur les médecines douces proposées par Hélène Gale (phytothérapie, auriculothérapie) était un élément fondamental qui avait amené Madame Etourmy, déjà esthéticienne et qui n'avait donc rien à apprendre en matière de soins de beauté et de régimes amaigrissants, à contracter en octobre 1987.

Ils soutiennent qu'en constatant l'impossibilité d'utiliser ces techniques eu égard aux contrôles de la DASS et aux plaintes pénales, et en constatant l'absence de formation sérieuse du franchiseur Madame Etourmy a entendu dénoncer son contrat.

Ils notent que les difficultés financières réelles de l'intimée n'étaient pas sans rapport avec l'inefficacité de la prestation Hélène Gale et n'interdisont pas d'invoquer la nullité du contrat que les premiers Juges ont, à bon droit, prononcée.

Ils contestent la valeur probante des pièces produites par l'appelante lesquelles ne concernent que la période postérieure au départ de Madame Etourmy et relèvent que si les plaintes pénales ont été closes par des non-lieu c'est précisément parce que Hélène Gale a modifié ses méthodes en temps utiles, mais de toute façon après le contrat litigieux.

Ils font valoir, surabondamment qu'Hélène Gale n'a pas respecté ses obligations tenant à la fourniture de la communication permanente de connaissance et d'expérience au moins jusqu'à la dénonciation du contrat par Madame Etourmy, et n'a pas non plus rapporté la preuve de l'originalité de ses méthodes.

Subsidiairement, ils s'opposent à la demande tendant à interdire à Madame Etourmy de pratiquer la profession d'esthéticienne alors que le contrat de franchise portait sur les médecines douces.

Ils demandent en conséquence à la Cour de confirmer la décision entreprise, débouter la SARL Hélène Gale de toutes ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à leur verser une indemnité de procédure de 15.000 F ainsi qu'aux entiers dépens.

Sur ce, LA COUR,

Attendu qu'il sera donné acte à Maître Lefèvre es-qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de Madame Etourmy de son intervention ;

Attendu sur les demandes concernant les droits d'ouverture du magasin d'Angers et les royalties qu'aucun contrat de franchise n'a été signé entre les parties concernant ce local ;

Que par ailleurs, la SARL Hélène Gale n'établit pas que Madame Etourmy ait exploité ce commerce sous l'enseigne Centre Hélène Gale, l'annonce de son ouverture, émanant de ses propres services, ne pouvant suffire à rapporter une telle preuve ;

Qu'il sera en outre observé que tous les courriers pour réclamer les redevances d'Angers ont été adressés à Tours, lieu d'exercice du commerce en franchise ;

Attendu en conséquence, que l'appelante sera déboutée de l'intégralité de ses demandes de ce chef ;

Attendu que l'obligation sur une cause illicite ne peut avoir aucun effet ; que par ailleurs, est illicite une cause prohibée par la loi ;

Que la cause s'apprécie au jour de la signature de la convention ;

Attendu qu'ainsi que le souligne l'appelante dans ses écritures " un contrat de franchise doit comporter la mise à la disposition du franchisé, par le franchiseur, d'un nom commercial, de sigles et de symboles, d'une marque, ainsi que d'un savoir-faire, et d'une collection de produits ou de services offerts d'une manière originale et spécifique et exploités suivant des techniques commerciales uniformes, préalablement expérimentées et constamment mises au point et contrôlées " ;

Qu'il résulte des différentes publicités et plaquettes produites aux débats, ainsi que des propres écritures de l'appelante, que celle-ci se prévaut d'une méthode d'amaigrissement révolutionnaire qu'elle aurait mise au point dans les années 1980, basée sur les médecines douces, et associant diététique, acupuncture au laser et auriculothérapie ;

Qu'elle insiste dans un courrier du 21 avril 1988 adressé à Madame Etourmy sur la nécessité de " donner une image médicale " du centre et, pour cela, de supprimer des publicités faites sur Tours par l'intimée " nettoyage de peau, épilation, voire même solarium " ;

Attendu qu'il ressort desdites publicités réalisées par Madame Etourmy au début du contrat de franchise et sous le contrôle de la société Hélène Gale, conformément aux dispositions contractuelles et ainsi que l'établit le courrier précité, que l'intimée, esthéticienne de formation, a été séduite par l'approche différente des problèmes de poids et de vieillissement, proposée par son franchiseur ;

Que, d'ailleurs, le premier stage suivi par Madame Etourmy au centre de Bordeaux portait certes, sur diverses questions d'organisation générale, mais aussi et essentiellement, sur l'acupuncture, l'auriculothérapie et la phytothérapie ;

Que la liste du matériel acquis lors de l'ouverture du centre de Tours confirme la prépondérance donnée à ces disciplines ;

Attendu que l'ensemble de ces éléments établit que le motif déterminant ayant incité Madame Etourmy, déjà esthéticienne, à contracter, que la cause de son engagement, a été de s'initier aux " médecines douces " pratiquées par son franchiseur;

Attendu que ces techniques spécifiques, faisant l'originalité de la " méthode Hélène Gale " se sont révélées constitutives de l'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie au point que, dès le début de l'année 1989, la SARL Hélène Gale a dû avertir l'ensemble de ses franchisés, tant lors des réunions du 22 avril 1989 et du 21 octobre 1989, que par divers courriers, qu'il convenait de supprimer la vente des gélules de phytothérapie et de ne plus utiliser certains termes à connotation médicale afin d'éviter tous problèmes avec la DASS ou le Conseil de l'ordre des médecins;

Que l'appelante précisait même dans un courrier du 1er décembre 1989 adressé à l'une de ses franchisées " Bien entendu, au début de votre activité il n'y avait pas tous ces tracas et tous ces interdits " ;

Attendu qu'il importe peu que Madame Etourmy, qui reconnaît avoir rencontré des difficultés financières au cours de l'année 1988, ait cessé ses versements à cette occasion ; qu'il est également inopérant de constater que, à partir de 1989 la SARL Hélène Gale s'est, selon ses propres termes " adaptée " aux contraintes légales ;

Qu'en effet, la cause d'une convention s'appréciant au jour de l'engagement, quelle que soit l'évolution postérieure, il apparaît des motifs susvisés que la cause de l'obligation de Madame Etourmy était illicite puisque le motif déterminant qui l'avait inspirée, à savoir la pratique des " médecines douces " préconisée par la SARL Hélène Gale, était prohibée par la loi;

Attendu que le contrat de franchise signé le 19 octobre 1987 est donc nul;

Attendu que, pour le surplus, les premiers Juges, dont la décision sera confirmée dans son entier, ont par des motifs pertinents que la Cour adopte, tiré toutes conséquences de droit de la nullité du contrat liant les parties ;

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Paulette Etourmy et de Maître Lefèvre es-qualité, les frais irrépétibles par elle exposés ;

Que la SARL Hélène Gale devra leur verser, à ce titre, une indemnité de 5.000 F.

Par ces motifs, Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort : Donne acte à Maître Lefèvre es-qualité de son intervention volontaire, Confirme la décision entreprise, Y ajoutant : Condamne la SARL Hélène Gale à verser à Paulette Etourmy et Maître Lefèvre es-qualité une indemnité de procédure de 5.000 F, Condamne la SARL Hélène Gale aux dépens, Accorde à Maître Duthoit, avoué, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Vu l'arrêt du 18 octobre 1994, Vu l'article 642 du Nouveau Code de Procédure Civile, Dit que l'arrêt rendu par la présente Cour le 5 avril 1994 dans l'instance opposant la société à responsabilité limitée Les Centres Hélène Gale, appelante, à Paulette Etourmy représentée par Maître Lefèvre es-qualité, intimée, est entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il a accordé à Maître Duthoit, avoué, aux lieu et place de Maître Bordier, avoué, le droit prévu à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile, Dit que l'arrêt dont s'agit sera rectifié en ce sens, Ordonne mention du présent arrêt en marge de la décision rectifiée, Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.