CA Aix-en-Provence, 2e ch. civ., 5 avril 1994, n° 91-9193
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Cedisud (SA)
Défendeur :
Pallmann Chemie Franz Koller et Sohn (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Degrandi (Conseiller faisant fonction)
Conseillers :
M. Isouard, Mme Cordas
Avoués :
SCP Cohen, SCP Sider
Avocats :
Mes Mathely, Atlani.
EXPOSE DU LITIGE
La SA Cedisud a interjeté appel d'un jugement du 27 mars 1991 par lequel le tribunal de commerce de Toulon a rejeté la demande d'annulation du contrat de concession qu'elle avait passé avec la société Pallmann Chemie Franz Koller et Sohn (Pallmann), a constaté la résiliation de celui-ci à compter du 31 décembre 1989, déclaré fondée la prétention du concédant tendant à obtenir une dédommagement pour inexécution partielle de la clause fixant le tonnage de produit devant être annuellement écoulé par le concessionnaire, et a sursis à statuer sur le montant de celui-ci.
Elle souhaite la réformation, l'anéantissement rétroactif de la convention litigieuse, le cas échéant, un refus d'indemnisation de l'intimée, et la condamnation de celle-ci à régler 100 000 F de dommages-intérêts et 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle expose :
- que le contrat est nul pour indétermination du prix ;
- que selon la volonté des parties, le tonnage prévu ne représentait qu'un objectif à atteindre et non un engagement ferme d'achat ;
- que si tel n'était pas le cas, la convention serait encore nulle pour vice du consentement, l'engagement d'acheter cent tonnes par an de produits d'entretien des sols ne pouvant être éclairée faute de commercialisation préalable de nature à permettre de connaître le marché ;
- que les excès de Pallmann ont empêché une distribution efficace des produits.
La société Pallmann a déposé des conclusions le 26 janvier 1994 qui, pour les raisons ci-après exposées, seront écartées des débats ainsi que l'a demandé l'appelante par des écritures du 25 février 1994.
MOTIFS DE LA DECISION
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
La recevabilité de l'appel n'est pas discutée et rien dans les dossiers ne conduit la cour à le faire d'office.
SUR LA RECEVABILITE DES ECRITURES DU 26 JANVIER 1994
En application de l'article 16 du Nouveau Code de Procédure Civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer le principe de la contradiction.
Or, alors que l'appelante avait conclu le 23 septembre 1991, l'intimée a déposé ses écritures le 26 janvier 1994, à six jours de l'ordonnance de clôture rendue le 1er février 1994, alors de surcroît que l'affaire était fixé à l'audience depuis le mois de septembre 1993.
Ainsi, par des conclusions tardives et inopinées compte tenu du délai écoulé depuis que Cedisud avait fait valoir ses moyens, la société Pallmann a empêché la contradiction sauf à révoquer la clôture et à renvoyer, ce qui, tant en raison de la désorganisation du rôle engendrée par une telle mesure que de la longueur des délais de procédure, est contraire à une bonne administration de la justice.
Dans ces conditions, les écritures litigieuses seront déclarées irrecevables pour tardiveté.
SUR LA VALIDITE DU CONTRAT
a) par rapport à la détermination du prix
Aux termes du contrat de concession conclu le 4 novembre 1987, la société Pallmann a consenti à Cedisud la distribution exclusive de ses produits de traitement et de nettoyage de céramique et dallage dans neuf départements du Midi de la France.
La convention comporte une clause 4.1 intitulée " Prix " ainsi rédigée : " Pallmann vend au concessionnaire aux prix indiqués dans les listes de prix nets valables dans chaque cas. Cette liste de prix fait partie intégrante du contrat. Toute modification des prix sera communiquée au concessionnaire par lettre recommandée avec accusé de réception huit semaines au plus tard avant l'entrée en vigueur de la modification des prix ".
Le moyen tiré de l'indétermination du prix, est, au regard de cette disposition, dépourvu de fondement factuel.
D'une part, les prix applicables lors de la rencontre des volontés sont fixés.
D'autre part, l'obligation du concédant de notifier une variation de ceux-ci a notamment pour objet de permettre au concessionnaire de la refuser et d'ouvrir en ce cas la faculté de résilier sur le fondement de l'article 1184 du Code civil ou de demander au juge de fixer une augmentation conforme à l'économie du contrat qui peut être appréciée par référence aux prix initiaux et à l'évolution des coûts de fabrication.
Le moyen tiré de l'indétermination du prix est donc inopérant.
b) au regard du vice du consentement
Il appartient à celui qui se prévaut d'un vice du consentement d'en rapporter la preuve.
Pour y parvenir, Cedisud soutient qu'une société ne peut avoir pris l'engagement de commercialiser cent tonnes par an d'un produit sans l'avoir préalablement commercialisé pour en connaître les possibilités, de sorte que l'introduction d'une disposition en ce sens dans le contrat, dont l'exécution n'a été réclamée qu'après résiliation de celui-ci, procède de la volonté de tromper le cocontractant.
Il va de soit que de telles affirmations ne sont pas de nature à faire la démonstration d'une erreur ou d'un dol.
Rien n'empêche une entreprise de procéder à une étude de marché avant de s'engager et une commercialisation préalable, autrement dit une exécution pré-contractuelle, n'a jamais conditionné la validité des obligations souscrites.
Aucune circonstance concomitante à la formation de la convention n'est par ailleurs de nature à permettre de caractériser des manœuvres dolosives de la société Pallmann.
Le moyen, à vrai dire effleuré dans la partie finale des écritures de l'appelante, n'est donc pas fondé.
SUR L'INTERPRETATION DU CONTRAT
L'article 6 de l'accord stipule : " le concessionnaire s'engage à acheter par an la quantité minimum de 100 tonnes ".
Celle clause n'est démentie par aucune autre disposition. Elle est claire et non ambiguë. Il s'agit d'une clause de minimum et non d'objectif en dépit de ce que veut faire croire l'appelante. Elle est au demeurant conforme à l'économie prévoyant l'exclusivité sur un vaste territoire comme l'ont pertinemment noté les premiers juges. Elle n'appelle donc pas d'interprétation.
L'absence de remontrance concernant la non-réalisation du tonnage convenu pendant les dix sept mois d'exécution qui ont précédé la résiliation de l'accord intervenu le 19 juin 1989 n'est quant à elle pas suffisante pour établir un renoncement du concédant à se prévaloir de celui-ci. Elle peut en effet s'expliquer par la volonté de ce dernier de ne pas compromettre l'avenir des relations contractuelles en exigeant une mise en œuvre trop rapide de toutes les obligations contractées.
SUR LA RESPONSABILITE CONTRATCTUELLE
Ainsi que l'a retenu le tribunal, l'inexécution de la clause de minimum engage la responsabilité de Cedisud et doit se résoudre par l'octroi d'une indemnité réparant le préjudice subi et non par une exécution en nature qui omettrait de tenir compte de la tardiveté du reproche adressé à l'intéressée.
Ce retard, imputable à faute à Pallmann, a en effet lui-même contribué à produire le dommage dans la mesure où l'absence de réaction à l'issue de la première année d'exercice a été de nature à faire croire à un renoncement du concédant au bénéfice de la stipulation litigieuse et à retarder subséquemment la réaction du concessionnaire (redoublement des efforts ou résiliation plus rapide). Il a, ce faisant, rendu l'exécution forcée disproportionnée et donc inadaptée à la réparation.
Les premiers juges ont également relevé à juste titre que l'augmentation substantielle et en tant que telle difficilement prévisible des prix du concédant expliquait partiellement l'inexécution et avait au moins pour conséquence de rendre imprévisible et donc non réparable en application de l'article 1150 du Code civil, la partie de la perte correspondant à la variation des prix.
Leur décision d'apprécier le montant de l'indemnité en tenant compte de ces paramètres, dont le comportement fautif qui vient d'être évoqué, et de la seule marge nette de l'intimée est parfaitement fondée.
Le jugement entrepris sera dans ces conditions purement et simplement confirmé.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Les prétentions accessoires de la société Cedisud sont, au regard de la décision sur le principal, privées de fondement.
Cette dernière, qui succombe pour l'essentiel, doit supporter [les] dépens exposés en cause d'appel.
Par ces motifs, LA COUR, statuant publiquement et contradictoirement, Reçoit l'appel, Déclare irrecevables les écritures déposées le 26 janvier 1994 par la société Pallmann ; Confirme le jugement entrepris ; Ajoutant, Rejette toutes autres prétentions ; Condamne la société Cedisud aux dépens d'appel et admet la SCP d'avoués Sider au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.