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Décisions

CA Reims, audience solennelle, 12 avril 1994, n° 1249-92

REIMS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Reminox (SARL)

Défendeur :

Guyon (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Premier président :

M. Lacan

Président de chambre :

Mme Marzi (conseiller le plus ancien faisant fonction)

Conseillers :

Mme Debuisson, M. Mericq, Mme Depommier

Avoués :

SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet, Me Bruyand

Avocats :

SCP Michel-Frey-Gossin, Me Lemarie.

T. com. Nancy, du 28 nov. 1988

28 novembre 1988

FAITS ET PROCEDURE

La SA Guyon, en relation commerciale avec la SARL Reminox depuis 1978, signait avec cette dernière, le 23 juillet 1981, un contrat d'agence commerciale régi par le décret du 23 décembre 1958, par lequel elle confiait à son mandataire la représentation exclusive des matériels et produits d'équipement pour collectivités auprès des revendeurs et constructeurs de matériels pour cuisines professionnelles sur un secteur comprenant 22 départements énumérés.

Des différends opposaient les deux sociétés.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 1986 la SA Guyon résiliait le contrat du 23 juillet 1981 avec préavis d'un an.

La SARL Reminox, considérant qu'en l'absence de faute de sa part la rupture des relations commerciales était abusive, assignait par acte du 16 mars 1987 la SA Guyon devant le Tribunal de Commerce de Nancy en paiement des sommes de :

1°) - 240 000 F à titre de commissions dues sur les commandes prises directement par le mandant auprès des clients Somafral, Voillot et Maison Hôtelière, par provision à parfaire suivant expertise,

- 3 187,78 F retenue par le mandant au titre de frais de recouvrement sur les affaires Difubar et A. Degraeve, qui incombaient à la SA Guyon,

- 382 826 F à titre d'indemnité de rupture abusive du contrat d'agence commerciale,

- 114 847 F correspondant aux frais de réemploi (30 % d'impôt sur la plus-value, enregistrement ...) et à titre de dommages-intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1987,

2°) - 15 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

La SA Guyon soutenait n'avoir commis aucune faute et accusait la SARL Reminox d'être l'unique responsable de la rupture du contrat.

Elle concluait donc au débouté de la demande principale et, reconventionnellement, sollicitait 300 000 F à titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondues, et 10 000 F à titre d'indemnité pour frais irrépétibles.

Les parties, dans des écritures ultérieures, maintenaient leurs positions, la SARL Reminox portant sa demande d'indemnité de rupture à la somme de 432 000 F au vu du chiffre des commissions pour l'année 1987 et l'indemnité supplémentaire au titre des frais de réemploi à la somme de 129 600 F compte tenu des droits de 16,80 % dans l'hypothèse où elle investirait les sommes allouées dans l'achat de cartes de remplacement.

Par jugement du 28 novembre 1988, le Tribunal de Commerce de Nancy a :

- condamné la SA Guyon à payer à la SARL Reminox :

1°) les commissions dues sur les commandes prises directement par le mandant auprès des clients Somafral, Voillot et Maison Hôtelière,

et ordonné une expertise confiée à M. Villette pour déterminer ces commissions,

2°) la somme de 3 187,18 F avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1987,

- débouté la SARL Reminox de ses demandes d'indemnité pour rupture abusive de contrat et de dommages-intérêts pour frais de réemploi,

- débouté la SA Guyon de sa demande de dommages-intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

- condamne les parties à supporter chacune la moitié des dépens.

Sur appels principal de la SARL Reminox et incident de la SA Guyon, la Cour d'Appel de Nancy a confirmé la décision critiquée, à l'exception :

* du chef de l'indemnité de rupture abusive qu'elle a mise à la charge de la SA Guyon pour un montant de 423 251 F avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 1988,

* du nom de l'expert et de dépens,

et a renvoyé à la mise en état pour conclusions après dépôt du rapport d'expertise tout en réservant les dépens.

Sur le pourvoi formé par la SA Guyon, la Cour de Cassation a, le 31 mars 1992, cassé dans toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour de Nancy sus rappelé pour violation des articles 16, 784 et 910 du nouveau Code de procédure civile dans la mesure où cette juridiction a, dans la même décision, révoqué l'ordonnance de clôture et prononcé la clôture sans permettre une réouverture de l'instruction.

Les parties sont donc renvoyées devant la Cour d'Appel de Reims dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

Selon la SARL Reminox, les premiers juges ont, à tort, retenu que certains des griefs allégués par la SA Guyon contre elle, à savoir :

- une entrave à la progression des ventes de la SA Guyon,

- une légèreté dans l'application des tarifs,

- des remises exceptionnelles,

bien que dépourvus de tout fondement contractuel, constituaient des fautes justifiant la rupture du contrat d'agence commerciale à ses torts.

Par conclusions des 9 septembre 1992 et 1er avril 1993, elle fait valoir que, n'ayant réservé aucune exclusivité à son mandant, elle pouvait représenter d'autres fabricants, et que la SA Guyon n'ignorait pas, avant d'entrer en relation commerciale avec elle, qu'elle travaillait déjà avec des maisons concurrentes.

Elle conteste le grief tiré du refus de sa part d'appliquer le tarif propre de la SA Guyon, rappelant :

* que cette dernière a accepté que ses prix soient alignés sur ceux de son concurrent en exécutant les commandes enregistrées par son mandataire sans aucune réserve ni critique ponctuelle,

* que le contrat ne comporte aucune obligation impérative du chef des tarifs.

Elle explique la légère baisse du chiffre d'affaires en 1986 par l'impossibilité pour la SA Guyon de satisfaire les commandes passées par le canal de son mandataire un mois avant la fermeture pour congés annuels, alors que dans le même temps elle exécutait des ordres enregistrés directement par ses soins.

Elle refuse d'être rendue responsable de certaines pertes ponctuelles alors que dans les cas visés, s'agissant de situations exceptionnelles, les commandes devaient être confirmées par la SA Guyon.

Quant au seul impayé reproché, elle fait valoir que ce fait demeure isolé et ne constitue pas un motif de résiliation.

Au sujet du matériel de ventilation de la SA Guyon, elle estime qu'elle n'encourt aucun reproche, s'agissant, selon elle, d'un produit fabriqué seulement à partir de 1985 par sa mandante et par conséquent non prévu au contrat.

Elle approuve les premiers juges d'avoir écarté le grief selon lequel elle aurait plagié le tarif de la SA Guyon au profit de la société Rhône Alpes Inox, alors que :

* les documents des deux sociétés sont différents dans leur présentation et leur contenu,

* les dessins sont dépourvus de toute originalité.

Elle en déduit que la rupture unilatérale par la SA Guyon du contrat était abusive et lui a causé un préjudice pouvant être évalué à deux années de commissions, soit 432 000 F.

Elle demande donc à la Cour de ce siège :

- de confirmer le jugement du 28 novembre 1988 en ce qui concerne la condamnation de la SA Guyon à lui payer les commissions dues sur les commandes prises directement par le mandant auprès des clients Somafral, Voillot et Maison Hôtelière ainsi que la somme de 3 187,18 F avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1987,

- de lui donner acte de ce qu'elle a perçu, au titre des commissions susvisées, la somme de 242 956 F HT fixée par l'expert,

- d'infirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- de juger la rupture du contrat d'agent commercial par la SA Guyon abusive,

- de condamner la SA Guyon à lui payer les sommes de 432 000 F à titre d'indemnité de rupture abusive et de 129 600 F de réparation complémentaire pour frais de réemploi avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 1987, ainsi qu'une indemnité pour frais irrépétibles de 100 000 F.

La SA Guyon soutient, pour sa part, par conclusions des 2 mars 1993 et 17 juin 1993, que la rupture du contrat est totalement imputable à la SARL Reminox qui a :

- en infraction à l'article 2 du décret du 23 décembre 1958, représenté la société Klein, entreprise concurrente de sa mandant, sans recueillir l'accord de cette dernière,

- utilisé, pour la concurrence, la documentation remise dans le cadre du mandat,

- commis des fautes en ne respectant pas les modalités de remises et de délais de paiement,

- stagné dans son activité sans faire progresser le chiffre d'affaires de la SA Guyon, et sans développer la vente du matériel de ventilation, qui est compris dans le matériel de cuisine industrielle.

Elle conclut donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté la SARL Reminox de sa demande d'indemnité pour rupture abusive de contrat et de dommages-intérêts pour frais de réemploi, et, par conséquent, à la condamnation de celle-ci à lui rembourser la somme de 496 430,38 FF versée en exécution de l'arrêt cassé.

En revanche, elle critique les dispositions du jugement relatives aux clients particuliers qui s'adressaient directement à elle et refusaient de passer par la SARL Reminox, arguant de ce que :

- pour les commandes de Somafral, un accord entre les parties avait réduit la commission de la SARL Reminox de 10 % à 6 %,

- pour les deux autres clients avec lesquels les relations étaient bien antérieures au contrat litigieux, la SARL Reminox n'avait jamais remis en cause cette particularité.

Elle demande donc, sur ce point, l'infirmation du jugement déféré et le remboursement de la somme de 242 956 F augmentée de la TVA, soit 45 189,81 F payée à la suite du dépôt du rapport d'expertise sous réserve de la procédure pendant devant la Cour de Cassation.

Subsidiairement, au cas où la Cour jugerait fautive cette relation directe avec les clients malgré l'exclusivité consentie au mandataire, elle soutient que la SARL Reminox ne peut prétendre qu'à des dommages-intérêts en réparation du préjudice réellement subi, en fait inexistant, et non à des commissions qui rémunèrent un service effectivement rendu par le mandataire.

Elle insiste sur le dommage commercial, très important résultant pour elle de la rupture, en réparation duquel elle réclame la somme de 300 000 F de dommages-intérêts.

Elle demande enfin que les remboursements sollicités soient assortis des intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1992, date du commandement de payer, et que lui soit allouée une indemnité de 100 000 F pour frais irrépétibles.

L'ordonnance de clôture est en date du 7 juin 1993.

Sur quoi,

A) SUR LA RUPTURE DU CONTRAT

Attendu qu'il est établi que les deux partenaires, qui entretenaient des relations commerciales depuis 1978, ont conclu le 23 juillet 1981, par écrit, un contrat de mandataire libre accordant à la SARL Reminox une exclusivité pour la prospection de la clientèle sur un secteur de 22 départements précisés ;

Que toutefois les relations entre les deux sociétés devenaient difficiles ;

Que par une longue lettre recommandée avec accusé de réception du 4 août 1986, la SA Guyon, en suite de réclamations orales répétées au cours des trois années précédentes :

* exigeait de son mandataire qu'il travaille avec le tarif remis par elle-même et non plus avec celui du concurrent, et ce, afin de ne plus être pénalisée,

* reprochait à la SARL Reminox de n'avoir pas obtenu, après 8 ans de prospection, un rendement suffisant sur les 22 départements du secteur concédé et de ne pas promouvoir la totalité de ses produits auprès de la clientèle, mais seulement une partie, favorisant ainsi les concurrents,

* se plaignait de ce que son mandataire avait permis à un concurrent de copier son tarif,

* rappelait ses conditions de vente auxquelles son mandataire était soumis, à savoir paiement à 60 jours fin de mois ;

Que le courrier en retour, adressé le 29 septembre 1986 selon le même procédé par la SARL Reminox, ne correspondant pas à la réponse positive sollicitée, la résiliation était signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 octobre 1986.

1) Sur le reproche tiré de la reproduction catalogue de la SA Guyon,

Attendu que la comparaison des tarifs et catalogues ainsi que des fiches versés par les parties révèle un produit technique, s'agissant d'équipement de cuisines collectives visant une utilisation fonctionnelle avec des modèles généralisés standard sans originalité particulière susceptible d'être protégés ;

Que la SA Guyon ne rapporte pas la preuve que la société Rhône Alpes Inox, avec la complicité de la SARL Reminox, a copié les innovations de son tarif 1985 consistant à intégrer des dessins cotés et des représentations graphiques des équipements proposés alors que cette méthode était déjà pratiquée par d'autres fabricants (cf. catalogue d'Avril 1989 de la société Vauconsant) ;

Que ce reproche n'est donc pas justifié ;

2) Sur le grief tiré de la représentation simultanée de concurrents,

Attendu qu'il est établi que la SARL Reminox, dès sa création en 1977, a eu pour mandant la société Rhône Alpes Inox ;

Que la SA Guyon, qui ne l'ignorait pas, ne peut se plaindre de concurrence déloyale ;

Attendu que la SA Guyon reproche encore à la SARL Reminox d'avoir servi la société Klein qui, comme elle-même, fabriquait du matériel de ventilation ;

Mais attendu que, sur ce point, le contrat conclu entre les parties prévoit que le mandataire conserve la liberté de représenter d'autres maisons, d'effectuer les opérations pour son propre compte et, d'une façon générale, toute activité qui lui plaira;

Qu'il n'était dès lors pas nécessaire pour la SARL Reminox, avant de contracter avec la société Klein, de recueillir l'autorisation de la SA Guyon ;

Que, de plus, il résulte des pièces produites que la SA Guyon, qui n'a commencé à fabriquer du matériel de ventilation qu'en 1981, ne produit pas des matériels strictement similaires à ceux de l'entreprise Klein ;

Qu'en conséquence, au vu du contrat passé entre les parties, ce reproche doit être écarté ;

3) Sur le grief tiré de la présentation d'une clientèle insolvable,

Attendu que, par le contrat du 23 juillet 1991, la SARL Reminox s'engageait à mettre " en œuvre tous les soins professionnels requis pour s'assurer de la solvabilité des acheteurs et pour veiller à la régularité des règlements " ;

Attendu que la SA Guyon ne mentionne qu'un seul client de la SARL Reminox, les établissements Labbesse, qui s'est révélé insolvable, sans démontrer aucune faute de négligence de la part de son mandataire lors de la prise de commande ou postérieurement à celle-ci ;

4) Sur le reproche relatif aux résultats de la SARL Reminox,

Attendu que par le contrat du 23 juillet 1981, la SARL Reminox s'obligeait à faire " tous les efforts requis par la diligence professionnelle pour promouvoir le développement des ventes visées - matériels et produits d'équipements pour collectivités - et pour défendre les intérêts du mandant " ;

Attendu que le tableau comparatif réalisé par la SA Guyon, et non contesté par la SARL Reminox, révèle que de Novembre 1984 à Octobre 1985 le chiffre d'affaires apporté à la première par la seconde s'élevait à 3 029 263,43 F avant d'être réduit à 2 723 003,23 F l'année suivante ;

Que, pour cette dernière période de référence, deux autres mandataires, le premier sur un secteur de 26 départements, après deux ans de prospection, et le second sur un secteur de 29 départements, après un an de prospection, obtenaient respectivement des chiffres d'affaires de 3 587 544,10 FF et 2 430 289,06 F ;

Que la même comparaison pour les mois de Novembre 1985 à Avril 1986 se révèle encore plus défavorable pour la SARL Reminox avec un chiffre d'affaires de 1 348 630,12 F dont il convient de déduire 360 673,50 F correspondant à des ventes directes, contre 1 332 289,63 F pour la même période de l'année précédente, alors que les deux autres mandataires réalisaient, le premier un chiffre d'affaires de 2 515 077,61 F, et le second de 3 557 521,80 F ;

Que le 4 août 1986, la SA Guyon observait, sur la situation semestrielle de 1986, que :

* . 12 départements seulement représentaient le chiffre d'affaires,

* . le nombre des nouveaux clients depuis plusieurs années était particulièrement faible,

* . certains clients avaient disparu sans explication de la part du mandataire,

* . aucun client n'existait dans 6 départements ;

Attendu qu'en Avril 1986 le chiffre d'affaires de 70 000 F prévu au contrat n'était pas atteint (67 000 F seulement - cf. lettre de la SA Guyon en date du 1er août 1986) ;

Que le fait que le 9 juillet 1986 des commandes aient été refusées, pour un montant que la SARL Reminox ne précise pas, par le mandant dans la mesure où elles étaient passées dans une période trop proche de la fermeture annuelle, et particulièrement chargée pour le secteur d'activité concerné, comme cela résulte des justificatifs produits, ne saurait excuser la baisse du chiffre d'affaires enregistré, ni caractériser une faute de la SA Guyon, alors qu'il n'est nullement démontré qu'elle aurait traité d'autres ordres en priorité ;

Qu'il apparaît à l'évidence que la SARL Reminox a connu une stagnation de la progression du chiffre d'affaires apporté à la SA Guyon ;

Attendu, en outre, que la SARL Reminox a reconnu qu'elle occultait certains produits de son mandant, 40 à 50 % selon ce dernier, puisqu'elle lui écrivait le 29 septembre 1986 : " nous avons toujours présenté l'ensemble de vos fabrications, même les nouvelles, sauf celles qui sont incompatibles avec nos autres engagements " ;

Que, compte tenu du contrat d'exclusivité consenti par la SA Guyon à la SARL Reminox, et de l'obligation librement contractée par cette dernière ci-dessus rappelée, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'utilisation par le mandataire de cartes multiples a entravé la progression des ventes du mandant;

5) Sur les méthodes de ventes,

Attendu que la SARL Reminox ne conteste pas que, malgré l'édition par la SA Guyon d'un premier tarif dès 1980 pour arriver à un tarif complet en 1983, elle a continué à utiliser un tarif concurrent ;

Que la SA Guyon verse aux débats de nombreuses commandes prises par la SARL sans que soient respectés ses tarifs, un en Mai 1986 (pièce n° 10), 8 en juin 1986 (pièces 7, 8, 12 à 17), 6 en juillet 1986 (pièces n° 9, 18 à 22), et un en septembre 1986 (pièce n° 23) ;

Que ces agissements ne pouvaient que nuire à la SA Guyon, alors que son tarif n'était pas purement indicatif ;

Attendu encore que, malgré l'engagement contractuel de respecter les conditions de vente de son mandant, à savoir un paiement à 60 jours fin de mois de l'expédition, la SARL Reminox consentait des délais de paiement supérieurs à plusieurs clients, les 14 octobre et 17 octobre 1985 aux établissements Labbesse (pièces 30 et 33) en prévoyant de surcroît un délai de livraison pour un matériel à façonner sur croquis sans que ce document ne soit encore fourni, le 14 octobre 1985 aux établissements Verilor (pièce n° 31), le 11 octobre 1985 aux établissements Froid et Machine (pièce n° 32) ;

Attendu enfin qu'il est démontré que la SARL Reminox, lors de la rédaction de commandes, consentait des remises aux clients sans que la preuve soit rapportée que celles-ci avaient été préalablement acceptées par la SA Guyon comme l'affirme l'appelante (commande Labbesse du 17 septembre 1985 - commande Forgel du 8 octobre 1985 - 2 commandes Kuthe) ;

Qu'il apparaît en conséquence que si certains des reproches formulés par la SA Guyon, à l'encontre de la SARL Reminox n'étaient pas mérités, en revanche les deux derniers cités étaient parfaitement fondés ;

Que dès lors la résiliation du contrat liant les parties était justifiée par l'ensemble des fautes commises par la SARL Reminox dans l'exécution de ses obligations contractuelles ci-dessus analysées;

Qu'il s'ensuit pour la SARL Reminox la perte du droit à l'indemnité compensatrice du préjudice subi du fait de la résiliation, conformément à l'article 3 alinéa 2 du décret n° 58-1345 du 23 décembre 1958 ;

Que la décision des premiers juges, déboutant la SARL Reminox de sa demande d'indemnité pour rupture abusive et de complément de dommages-intérêts pour frais de réemploi doit être confirmée ;

Que la SARL Reminox sera condamnée à rembourser à la SA Guyon la somme de 496.430,38 F versée à ce titre en exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1992, date du commandement de payer délivré en vain ;

B) SUR L'APPEL INCIDENT

1) Sur la somme de 3 187,18 F,

Attendu que, dans ses conclusions déposées le 26 janvier 1990 devant la Cour d'Appel de Nancy, la SA Guyon demandait l'infirmation de la condamnation prononcée par les premiers juges à rembourser la somme de 3 187,18 F qu'elle avait retenue sur les commissions de la SARL Reminox au titre des frais et dépens de recouvrement de créance ;

Mais attendu que les premiers juges ont relevé à juste titre que le contrat liant les parties ne prévoit aucune participation du mandataire aux frais de recouvrement des créances, ce dernier n'étant par ailleurs tenu qu'à une obligation de moyen, en l'espèce, la mise en œuvre de tous les soins professionnels requis pour s'assurer de la solvabilité des acheteurs et pour veiller à la régularité des paiements ;

Que, sur ce point, l'appel incident de la SA Guyon n'est pas fondé ;

2) Sur les commissions accordées par les premiers juges sur les commandes prises directement par la SA Guyon,

Attendu qu'aux termes de l'article 3 du contrat liant les parties, la SARL Reminox perçoit une commission de 10 % sur le montant net hors taxes du chiffre d'affaires réalisé sur l'ensemble du secteur d'une manière directe ou indirecte ;

Que c'est en vain que la SA Guyon entend exclure les chiffres d'affaires réalisés avec les clients Voillot et Maison Hôtelière au motif qu'ils seraient en relation directe avec elle depuis 1977, alors qu'ils n'ont pas été portés en annexe du contrat avec les 12 autres clients particuliers signalés ;

Que, contrairement aux écritures de la SA Guyon, la SARL Reminox n'avait pas admis cette particularité puisqu'elle écrivait, le 29 septembre 1986 ... " je profite ... pour protester contre les entorses à l'exclusivité que vous avez commises en démarchant directement ... nous tenons à vous faire remarquer que vous devez nous commissionner sur tout le chiffre d'affaire direct ou indirect sur notre secteur ... " ;

Que le fait que le client Somafral n'ait pas voulu traiter par l'intermédiaire de la SARL Reminox, à supposer qu'il soit exact, ne peut avoir aucune influence sur les relations de la SA Guyon avec son mandataire, s'agissant d'un tiers au contrat ;

Attendu que la Cour ne peut suivre la SA Guyon dans son raisonnement consistant à dénaturer la clause contractuelle prévoyant, au profit de la SARL Reminox une commission sur toutes les opérations réalisées sur son secteur, avec ou sans son intermédiaire, en soutenant que seuls des dommages-intérêts seraient dus en l'absence de travail effectif de la part du mandataire ;

Que d'ailleurs la SA Guyon a bien fait valoir qu'en ce qui concerne le client Somafral, la commission avait été réduite de 10 à 6 % d'un commun accord entre les parties, compte tenu des relations directes la liant avec ce client ;

Que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que les commissions étaient dues sur les opérations directement conclues par la SA Guyon avec les clients Somafral, Voillot et Maison Hôtelière ;

Attendu que l'expertise ordonnée par les premiers juges, confirmée par l'arrêt de la Cour de Nancy, n'a fait l'objet d'aucune critique ;

Que l'expert a rempli sa mission de manière irréprochable et a effectué le calcul des commissions " suivant des modalités acceptées par les parties et reconnues comme les liant contractuellement " ;

Qu'ainsi, la somme de 242 956 F hors TVA, déterminée par l'expert, doit être retenue comme représentant le montant des commissions prises directement sur le secteur réservé à la SARL Reminox, en exécution du contrat liant les parties ;

Que la SA Guyon sera donc déboutée de sa demande en remboursement de cette somme augmentée de la TVA versée après le dépôt du rapport d'expertise ;

2) Sur la demande de dommages-intérêts présentée par la SA Guyon,

Attendu que la SA Guyon se plaint " d'un grave préjudice résultant du non-respect d'exécution du contrat d'agence commerciale " et réclame en réparation une somme forfaitaire de 300 000 F ;

Mais attendu qu'elle ne justifie pas dudit préjudice, se bornant à produire deux attestations en date du 20 avril 1990 rédigées par le représentant de la société Infodem affirmant que l'équipement informatique installé par la SA Guyon en Juin 1985 exige, pour être performant, une seule chaîne de gestion ;

Que la Cour n'estime pas devoir ordonner l'expertise suggérée par la SA Guyon dans ses conclusions déposées le 26 janvier 1990 devant la Cour d'Appel de Nancy, cette mesure n'étant pas destinée à suppléer la carence de son mandataire et n'ayant pas spontanément versé les commissions convenues sur les commandes directes ;

Que le rejet de sa demande de dommages-intérêts doit être confirmé ;

Attendu que les deux parties succombent, la première en son appel principal, la seconde en son appel incident, qu'elles devront supporter les dépens à raison de moitié chacune ;

Que tant l'équité que la situation financière des deux parties justifient qu'il ne soit pas fait droit à leur demande respective d'indemnité pour frais irrépétibles ;

Par ces motifs, Vu le jugement rendu le 28 novembre 1988 par le tribunal de Commerce de Nancy ; Vu l'arrêt rendu le 31 mars 1992 par la Cour de Cassation ; Déclare les Sociétés Reminox et Guyon recevables, la première en son appel principal, la seconde en son appel incident, mais non fondées ; En conséquence, Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 novembre 1988 par le Tribunal de Commerce de Nancy ; Condamne la SARL Reminox à rembourser à la SA Guyon la somme de quatre cent quatre vingt seize mille quatre cent trente francs et trente huit centimes (496 430,38 F) versée en exécution de l'arrêt rendu par la Cour d'Appel de Nancy, et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1992 ; Vu le rapport d'expertise de M. Labruyère ; Évoquant, Constate que la SA Guyon a versé à la SARL Reminox la somme de deux cent quatre vingt huit mille cent quarante cinq francs et quatre vingt un centimes (288 145,81 F) fixée par l'expert au titre des commissions dues sur les commandes directes des clients Somafral, Voillot et Maison Hôtelière ; Déboute la SA Guyon de sa demande de remboursement de la somme ci-dessus visée ; Rejette les demandes d'indemnité pour frais irrépétibles présentées par les deux parties ; Fait masse des dépens d'Appel, y compris ceux afférents à l'arrêt cassé ainsi qu'à l'expertise, et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ; Autorise les avoués de la cause, à savoir la SCP Chalicarne-Delvincourt-Jacquemet et Me Bruyand à recouvrer les dépens exposés devant la Cour de ce siège directement dans les formes et conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.