CA Versailles, 12e ch., 11 mai 1994, n° 968-94
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Herberts France (SA)
Défendeur :
Follain (ès qual.), Niaudot (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Assie (faisant fonctions)
Conseillers :
Mme Lombard, M. Pical
Avoué :
Me Bommart
Avocats :
Mes Delrue, Vettes.
FAITS ET PROCÉDURE :
En avril 1986, la société Herberts France a conclu un contrat de distribution exclusive avec la société SAFPA.
Le 28 janvier 1992 le Tribunal de commerce d'Elbeuf a prononcé le redressement judiciaire de la société SAFPA et nommé Maître Follain en qualité d'administrateur judiciaire.
Par acte du 24 juin 1992, la société Herberts France a fait assigner SAFPA et Maître Follain, ès qualités, devant le Tribunal de commerce de Versailles aux fins de voir prononcer la résiliation du contrat de distribution aux torts exclusifs de la société SAFPA et voir fixer sa créance en dommages et intérêts sur cette dernière à 800 000 F.
Par jugement en date du 17 février 1992, le Tribunal de commerce d'Elbeuf a prononcé la liquidation judiciaire de la société SAFPA et désigné Maître Niaudot en qualité de liquidateur.
Par acte du 26 janvier 1993, la société Herberts France a dirigé ses demandes initiales envers Maître Niaudot, ès qualités.
Cette dernière, avant toute défense au fond, a soulevé sur le fondement de l'article 174 du décret du 27 décembre 1987, l'incompétence de la juridiction saisie au profit du Tribunal de commerce d'Elbeuf.
Par jugement en date du 19 janvier 1994, le Tribunal de commerce de Versailles a fait droit à l'exception d'incompétence et a renvoyé la cause devant le Tribunal de commerce d'Elbeuf, motif pris " que la demande de la société Herberts France trouve une très grande partie de son origine pendant les périodes de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire et vraisemblablement la période suspecte la précédant puisque, jusqu'en juin 1989, les relations contractuelles se poursuivaient par le paiement, par la société SAFPA d'un terme ayant pour but de réduire l'engagement de la société Herberts France dans la société SAFPA " ; " que parmi les raisons du litige qui oppose les parties, la concurrence déloyale est au centre des débats et qu'une instance à ce sujet est actuellement pendante devant le Tribunal de commerce d'Elbeuf " ; " qu'il apparaît logique que les faits reprochés par la société Herberts France, qui concernent une gestion suivie par un juge commissaire et des mandataires du Tribunal de commerce d'Elbeuf, soient examinés dans le ressort de celui-ci et ce, au titre de l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ".
Par acte du 23 février 1994, la société Herberts France a régulièrement formé contredit à l'encontre de cette décision.
Au soutien de son recours, elle fait essentiellement valoir que le contrat de distribution, dont il est demandé la résiliation, a été conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure collective, laquelle n'est d'aucune influence en la cause, et qu'il prévoyait de surcroît, en son article 13, une clause attributive de compétence au profit du Tribunal de commerce de Versailles. Elle ajoute que l'action engagée devant le Tribunal de commerce d'Elbeuf par Maître Niaudot, ès qualités, est sans rapport avec la présente instance et qu'elle a pour objet essentiel de faire juger que la société Herberts France a soutenu abusivement la société SAFPA en lui procurant un crédit ruineux, ce qui pouvait justifier la compétence de cette juridiction au demeurant contestée par elle. Elle sollicite, en conséquence, l'infirmation du jugement déféré et demande à la Cour de dire que c'est à tort que le Tribunal de commerce de Versailles a décliné sa compétence.
Maître Follain, ès qualités d'ancien administrateur de la société SAFPA, demande sa mise hors de cause.
Maître Niaudot, d'abord représentant des créanciers de la société précitée et actuellement liquidateur, conclut à la confirmation du jugement déféré par adoption de motifs. Il réclame en outre à la société Herberts France une indemnité de 5 000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur ce,
Sur la mise hors de cause de Maître Follain, ès qualités :
Considérant que la liquidation judiciaire de la société SAFPA a été prononcée le 17 juillet 1992 ; que, dès le prononcé de dette décision, la mission confiée à Maître Follain, administrateur au redressement judiciaire de la société SAFPA, a pris fin ; qu'il convient, en conséquence, de prononcer sa mise hors de cause.
Sur le mérite du contredit :
Considérant que l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 dispose que " le tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement ou la liquidation judiciaire, la faillite personnelle ou autres sanctions prévues par la loi du 25 janvier 1985... "
Considérant qu'en l'espèce, les pièces des débats font apparaître que, dans son jugement du 17 juillet 1992, le Tribunal de commerce d'Elbeuf a notamment relevé, pour prononcer la liquidation judiciaire de la société SAFPA " que le chiffre d'affaires continuait de baisser, ce qui laissait supposer que la société Herberts France avait continué à agir en concurrence déloyale rendant impossible, d'une part la poursuite d'activité et, d'autre part la cession de l'entreprise à des tiers dans la mesure où cette intervention, connues des clients, l'est vraisemblablement des concurrents, et a fortiori, des repreneurs potentiels... " ; que, s'appuyant sur cette décision, et sur un constat d'huissier, Maître Niaudot, ès qualités, a assigné la société Herberts France devant le Tribunal de commerce d'Elbeuf en concurrence déloyale ; que parallèlement, la société Herberts France a fait assigner la société SAFPA et ses mandataires judiciaires devant le Tribunal de commerce de Versailles afin que soit prononcée, aux torts exclusifs de cette dernière, la résiliation du contrat de concession.
Considérant qu'il ressort de ce rappel que le litige présentement soumis à l'appréciation de la Cour est susceptible d'influer sur la procédure collective en cours, dès lors qu'il interfère avec l'action en dommages et intérêts engagée par les mandataires de justice pour des faits prétendument commis principalement pendant la période de redressement judiciaire; qu'il est, dès lors, conforme aux dispositions de l'article 174 précité que les faits soient examinés dans leur ensemble dans le ressort du tribunal saisi de la procédure collective, et ce, notamment afin d'éviter toute contrariété de décision, étant observé qu'en raison du caractère d'ordre public de la loi du 25 janvier 1985 et des décrets pris pour son application, il importe peu que le contrat de concession dont il est demandé la résolution ait été conclu antérieurement au redressement judiciaire et qu'il prévoit, en son article 13, une clause attributive de compétence; que, dans ces conditions, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.
Considérant cependant qu'au stade actuel de la procédure, l'équité ne commande pas d'allouer à Maître Niaudot, ès qualités, une indemnité au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par ces motifs : LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, Reçoit la société Herberts France en son contredit, Le déclare mal fondé et l'en déboute, Confirme, en conséquence, le jugement déféré du chef de la compétence, Y ajoutant : Met hors de cause Maître Follain dont la mission d'administrateur judiciaire a pris fin le 17 juillet 1992, date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société SAFPA et désignant Maître Niaudot, ès qualités de liquidateur, Rejette en l'état la demande formée par Maître Niaudot, ès qualités, sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Laisse à la charge de la société Herberts France les frais du contredit, lesquels pourront être recouvrés directement par Maître Bommart, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.