CA Lyon, 3e ch., 20 mai 1994, n° 91-04067
LYON
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
Batexim (SARL)
Défendeur :
Agrob France (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Karsenty
Conseillers :
M. Durand, Mme Martin
Avoués :
Me Verrière, SCP Junillon-Wicky
Avocats :
Mes Bessy, Ughetto.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 15 mai 1984, la société Batexim est devenue contractuellement agent commercial de la société Agrob France.
Cette dernière a résilié ledit contrat le 1er avril 1990 en refusant le versement d'une indemnité de rupture.
Par acte en date du 25 avril 1990, la société Batexim a fait assigner la société Agrob France en paiement de la somme de 370 000 F à titre d'indemnité de rupture, outre intérêts au taux légal à compter du jour de l'assignation, de la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 3 juin 1991, le Tribunal de commerce de Lyon a :
- débouté la société Batexim de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné la société Batexim à payer à la société Agrob France la somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le 7 juillet 1991, la société Batexim a relevé appel de cette décision. Elle demande à la Cour :
- de déclarer recevables et fondées sur le fondement du statut d'agent commercial ou subsidiairement sur celui du mandat d'intérêt commun ses demandes à l'encontre de la société Agrob ;
- de condamner la société Agrob à lui payer :
-- la somme de 370 000 F à titre d'indemnité de rupture, outre intérêt de droit à compter de l'assignation du 25 avril 1990 ;
-- la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir à l'appui de ses prétentions :
- quelle a été régulièrement immatriculée au registre spécial des agents commerciaux du greffe du Tribunal de commerce de Dax, à effet du 24 juillet 1984 ; que cette immatriculation a été renouvelée à effet du 25 juillet 1989 ; qu'elle n'a été radiée qu'à compter du 1er avril 1990 ;
- qu'elle n'a commis aucune faute ;
- que le défaut de notification ne saurait constituer une nullité en l'absence de toutes réclamations de la société Batexim et de tout préjudice à elle causé ;
- que la baisse du chiffre d'affaire à la suite d'une carence qui lui serait imputable n'est pas démontrée ; que la perte de la société Sumaca est due au fait qu'elle s'est orientée vers les produits thaïlandais en raison du refus de la société Agrob de s'aligner sur les prix ; que la référence à l'année 1985 n'est pas probante ; que le reproche de ventes à des clients insolvables n'est pas fondé.
La société Agrob sollicite :
- la confirmation de la décision déférée ;
- le paiement à titre reconventionnel de la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts, la somme de 100 000 F au titre de procédure abusive, de la somme de 30 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Elle fait valoir :
- que la société Batexim a poursuivi ses activités sans immatriculation ;
- que le contrat est nul puisque la société Batexim ne lui a pas notifié son immatriculation dans un délai de deux mois, ni renouvelé son immatriculation à l'expiration du délai de 5 ans ;
- que la société Batexim a commis des fautes ; qu'elle n'a pas notifié à son mandant son immatriculation dans le délai de deux mois ;
- qu'elle n'a pas renouvelé son immatriculation au registre des agents commerciaux à l'expiration des 5 années ; que la société Batexim a connu en 1989 une baisse du chiffre d'affaires, car elle ne démarchait pas les clients ; qu'elle a prospecté des clients insolvables ; qu'elle n'assistait à aucune réunion d'information ; qu'elle ne rendait pas compte de sa mission ; qu'elle a participé à une société concurrente.
MOTIFS ET DECISION
Attendu qu'il a été conclu entre la société Agrob et la société Batexim le 15 mai 1984 un contrat d'agent commercial ;
Qu'il a été stipulé " les formalités d'immatriculation au registre spécial des agents commerciaux tenus au greffe du tribunal sont actuellement en cours ; qu'il est expressément convenu entre les parties que la société Batexim s'engage à réaliser les formalités requises et à en référer à Agrob dans le délai de deux mois de la signature du présent contrat faute de quoi il serait nul et non avenu " ;
Attendu que la société Batexim rapporte la preuve qu'elle a [été] inscrite au registre des agents commerciaux depuis le 24 juillet 1984 ;
Que ce léger retard dans l'immatriculation et le fait de ne pas justifier en avoir informer la société Agrob alors que les formalités requises ont été accomplies ne peuvent permettre de considérer qu'il y a eu une inexécution entraînant la nullité de la convention ;
Que de même le renouvellement tardif de l'inscription ne peut être retenu comme étant de nature à prévenir la société Batexim de l'application du statut ;
Attendu que certes la société Agrob reproche à la société Batexim un certain nombre de fautes ;
Mais attendu que seuls des manquements caractérisés sont de nature à faire perdre à l'agent commercial le bénéfice de l'indemnité ;
Que le défaut de notification de l'immatriculation dans le délai de deux mois, de même que la tardiveté du renouvellement ne constituent pas des fautes suffisamment graves ;
Attendu ques'il ressort qu'à compter de 1988 il est intervenu une baisse dans le chiffre d'affaires, il n'est pas démontré que cette baisse résulte d'une carence de la société Batexim;
Qu'en effet celle-ci antérieurement à la résiliation du mandat d'agent commercial faisait état le 28 juin 1989 des difficultés qu'elle rencontrait avec la société Sumaca en raison des prix et également avec la société Loria ;
Que de même une négligence de la société Batexim dans le choix des clients n'est pas établie même s'il ressort qu'il a existé un nombre relativement important d'impayés au cours des années, essentiellement d'ailleurs en 1985-1986 ;
Attendu que par ailleurs la correspondance versée aux débats ne démontre pas un manquement caractérisé dans l'accomplissement de son obligation d'information ;
Attendu que la société Agrob produit des attestations qui font apparaître que la société Batexim n'a pas participé à des salons commerciaux avec le salon Batimat 1989 ;
Que toutefois ce comportement qui n'a pas été reproché à la société Batexim avant la lettre en date du 29 décembre 1989 ne peut être pris en considération ;
Attendu que le fait que Mme Alexandre, gérante de la société Batexim soit actionnaire à hauteur de 700 actions sur 6 500 et administrateur d'une société Grès et Pierre de Bavière qu avait pour objet social une activité concurrente de celle de la société Batexim, ne peut être imputé à la société Batexim alors qu'elle a une personnalité juridique distincte de ses associés et qu'une similitude d'associés n'est pas établie ;
Attendu qu'aucune faute certaine et grave n'est démontrée à l'encontre de la société Batexim qui soit de nature à la priver d'un droit à une indemnité de rupture ;
Attendu que l'indemnité prévue par le décret relatif aux agents commerciaux est destinée à réparer le préjudice causé par la rupture ;
Attendu que compte tenu des éléments d'appréciation dont dispose la Cour, et notamment de la durée du contrat, de l'apport de clientèle, des bénéfices espérés de la continuation du contrat, le montant de l'indemnité doit être fixé à la somme de 250 000 F ;
Attendu que la société Agrob doit être condamnée à payer à la société Batexim la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que la société Agrob doit être condamnée aux entiers dépens ;
Par ces motifs, LA COUR, Condamne la société Agrob à payer à la société Batexim la somme de 250 000 F, outre intérêts légaux à compter de l'assignation du 25 avril 1990 ; La condamne en outre au paiement de la somme de 3 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Agrob aux dépens de première instance et d'appel, ceux d'appel distraits au profit de Maître Verrière, avoué.