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Décisions

CA Lyon, 3e ch., 17 juin 1994, n° 92-03524

LYON

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

Cohen

Défendeur :

Maurice et Gérard (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Karsenty

Conseillers :

Mmes Robert, Martin

Avoués :

Me Guilhem, SCP Brondel-Tudela, Avocats : Mes Pause, Bessis.

T. com. Saint-Etienne, 2e ch., du 21 mai…

21 mai 1992

FAITS PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Le 6 avril 1983 la société Maurice et Gérard signait avec les époux Cohen un contrat de franchise relatif à l'exploitation d'un salon de coiffure situé 30 rue Charles de Gaulle à Saint-Etienne, lequel, conclu pour une durée de trois années, se prolongeait de fait au-delà du 6 avril 1986 ;

Se prévalant de la cessation par les époux Cohen, à compter de juillet 1988, du paiement des redevances d'exploitation et de participation aux frais de publicité, la société Maurice et Gérard, après mise en demeure restée sans effet, les assignait par acte du 18 avril 1990 devant le Tribunal de commerce de Saint-Etienne en paiement :

- de la somme de 22 150 F représentée à hauteur de 19 650 F par le montant des redevances relatives à la période comprise entre juillet et décembre 1988 et de 2 500 F par la participation aux frais de publicité durant la même période, et augmentée des intérêts légaux à compter de sa mise en demeure du 6 novembre 1989,

- de la somme de 10 000 F à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- d'une indemnité du même montant pour frais de procédure ;

Les époux Cohen, contestant être redevables de la moindre somme postérieurement à juillet 1988 date de la cessation du contrat, ont conclu au débouté de l'action et se sont portés demandeurs reconventionnels en paiement :

- de la somme de 100 000 F à titre de dommages-intérêts pour non-respect par le franchiseur de la clause de non-concurrence stipulée au contrat ;

- de la somme de 3 398,72 F représentant le montant d'un avoir non réglé ;

- d'une indemnité de 10 000 F en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Par jugement en date du 21 mai 1992 le Tribunal de commerce a :

- condamné les époux Cohen au paiement de la somme de 22 150 F outre intérêts légaux à compter de l'assignation et d'une indemnité de 5 000 F pour frais de procédure,

- condamné la société Maurice et Gérard au paiement de la somme de 3 398,72 F augmentée des mêmes intérêts,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- condamné les époux Cohen à supporter les 3/4 des dépens et la société Maurice et Gérard le 1/4 restant ;

Les époux Cohen ont relevé appel de ce jugement et, reprenant les moyens qu'ils avaient fait valoir en première instance, ils soutiennent :

- que si le contrat initial s'est tacitement renouvelé, les parties y ont mis fin en juillet 1988 date à laquelle il a été procédé à un arrêté contradictoire des comptes ;

- qu'il est établi qu'en concédant courant 1986 une autre franchise implantée à Saint-Chamond et distante de 12 Kms de leur salon, la société Maurice et Gérard a violé la clause de non-concurrence stipulée au contrat leur garantissant une exclusivité dans un rayon de 15 Kms ;

Ils demandent donc à la Cour de réformer le jugement en ce qu'il a fait droit à l'action engagée contre eux, de débouter la société Maurice et Gérard de ses prétentions et de leur adjuger l'entier bénéfice de leur demande reconventionnelle ;

La société Maurice et Gérard a déposé des conclusions d'appel incident aux termes desquelles elle fait valoir :

- que suite à un entretien matérialisé par un courrier en date du 17 novembre 1988 le contrat initial, que les parties avaient tacitement reconduit pour une nouvelle période triennale expirant le 6 avril 1989, a pris fin d'un commun accord en décembre 1988, date à laquelle ses prestations ont effectivement cessé ;

- que le manquement à la garantie d'exclusivité prévue au contrat n'est pas établi dès lors qu'implantée à 12 Kms, dans une autre agglomération, la nouvelle franchise créée ne pouvait faire concurrence avec le salon des époux Cohen qui ne justifient d'ailleurs d'aucun préjudice et qui ont attendu l'introduction de l'instance pour se prévaloir de cette situation qu'ils connaissaient depuis mars 1986 ;

- que la mauvaise foi des époux Cohen lui a causé un préjudice dont elle est fondée à réclamer réparation ;

Elle conclut donc à la confirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à ses demandes et écarté la demande en dommages-intérêts des époux Cohen, mais sollicite en outre de la Cour qu'elle ordonne la compensation entre les créances respectives et lui alloue 30 000 F à titre de dommages-intérêts ainsi que 20 000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Sur quoi, LA COUR :

1° Sur la résiliation du contrat de franchise :

Attendu qu'il est établi et non contesté qu'à l'arrivée du terme fixé au 6 avril 1986 le contrat de franchise liant les parties s'est poursuivi de fait au-delà de cette date sans qu'un autre contrat ne soit signé ;

Que les époux Cohen sont donc bien fondés à soutenir que cette reconduction tacite a donné naissance à un nouveau contrat d'une durée indéterminée auquel chacune des parties pouvaient donc mettre fin à tout moment sauf respect d'un préavis conforme aux usages en la matière ;

Attendu cependant qu'ils ne justifient nullement ni de l'envoi d'un courrier de dénonciation ni de l'existence de l'arrêté de compte qui serait intervenu fin juillet et suivant lequel les parties auraient ainsi entendu mettre fin au contrat à compter du 1er août 1988 ; que leur thèse est au contraire contredite par l'avoir d'un montant de 3 398,72 F, dont ils demandent le paiement à titre reconventionnel et qui, établi le 18 mai 1989 et se rapportant à leur ristourne annuelle de l'exercice 1988, tend à démontrer que le contrat s'est bien poursuivi jusqu'à la fin de l'année ;

Que c'est donc à juste titre que le tribunal a fait droit à la demande en paiement des factures de redevances et participation aux frais de publicité relative à la période allant du 1er août 1988 au 31 décembre 1988 ;

2° Sur la violation de la clause de non-concurrence :

Attendu qu'il est établi et non contesté que courant février 1986 la société Maurice et Gérard a concédé sa franchise à un salon de coiffure implanté à Saint-Chamond et ce en contravention avec la clause du contrat passé avec les époux Cohen selon laquelle elle s'engageait à ne pas accorder de franchise dans un rayon de 15 Kms à vol d'oiseau du salon des franchisés;

Que les époux Cohen sont donc bien fondés à se prévaloir de cette situation comme d'un manquement de la part du franchiseur à ses obligations contractuelles, susceptible à ce titre d'engager sa responsabilité;

Attendu cependant que ne justifiant pas de la baisse de chiffre d'affaires que cette infraction aux clauses du contrat leur aurait causé il convient de considérer que leur demande d'indemnisation n'est que partiellement fondée et que le trouble engendré sera équitablement réparé par l'allocation d'une somme de 15 000 F ;

3° Sur les autres demandes :

Attendu qu'en l'absence d'éléments de nature à établir le caractère abusif de la résistance des époux Cohen, c'est à juste titre que le tribunal a écarté la demande en dommages-intérêts formulée par la société Maurice et Gérard ;

Attendu qu'aucune considération d'équité ne justifie qu'il soit fait application en la cause des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de l'une ou l'autre des parties ;

Par ces motifs : Réformant partiellement le jugement entrepris, Condamne la société Maurice et Gérard à verser aux époux Cohen la somme de 15 000 F à titre de dommages-intérêts ; Le confirme en ses autres dispositions et ordonne la compensation entre les créances réciproques des parties ; Rejette toutes autres demandes ; Dit que les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les deux parties à raison de moitié chacune avec droit de recouvrement direct de ceux d'appel au profit des avoués de la cause.