Cass. com., 28 juin 1994, n° 92-17.888
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Dasse Diffusion (SA)
Défendeur :
EMFIB (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Clavery
Avocat général :
M. Curti
Avocats :
SCP Le Bret, Laugier, SCP Boré, Xavier.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en ses deux branches : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 25 mai 1992), que, le 17 juin 1976, la société Slalom a confié, pour une durée déterminée à la société Emfib, la commercialisation des portes de marque Slalom pour un secteur géographique délimité ; qu'à la suite de la décision de mise en liquidation amiable de la société Slalom, la marque a été rachetée par la société Dasse diffusion (société Dasse), qui commercialisait d'autres portes de placard fabriquées par la société Miland ; que, le 1er octobre 1986, la société Dasse a cessé ses relations commerciales avec la société Emfib en donnant en location-gérance la marque Slalom à la société Sogiland qui achetait aussi la totalité de la production des portes Miland et la revendait au réseau de franchise Sogal ; que la société Emfib a assigné la société Dasse pour voir constater la résiliation fautive du contrat de diffusion qu'elle estimait exister ;
Attendu que la société Dasse fait grief à l'arrêt d'avoir constaté l'existence entre elle et la société Emfib d'un contrat de diffusion exclusive des produits Miland comprenant notament la marque Slalom, sa résiliation fautive en octobre 1986 et le principe de sa responsabilité dans le préjudice qui en est résulté pour la société Emfib, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'un contrat de distribution suppose, pour sa formation, la commune intention des parties de s'engager sur les obligations réciproques définies entre elles ; que, loin de constater cette rencontre de volonté, contestée par la société Dasse, qui établissait que la convention de distribution du 17 juin 1976 lui était inopposable, l'arrêt, se référant à tort à une correspondance inopérante comme n'exprimant que de simples souhaits de la société Dasse, qui n'étaient assortis d'aucune proposition écrite, ni de la moindre acceptation de la société Emfib, a créé de toutes pièces un contrat nouveau étendu aux produits Miland, étrangers à l'accord de distribution de 1976 avec la société Slalom, dont cherchait à se prévaloir la société Emfib ; qu'à défaut de toute manifestation de volonté de la société Dasse de s'engager dans des liens avec la société Emfib, différents et plus larges que ceux de la convention de 1976, dont celle-ci recherchait une prolongation, l'arrêt n'a retenu une responsabilité d'ordre contractuel de la société Dasse qu'au prix d'une violation des articles 1108 et 1134 du Code civil ; et alors que, d'autre part, et à supposer qu'un accord ait pu se réaliser entre les parties, le principe de la liberté contractuelle autorisait la société Dasse à mettre fin au lien contractuel ne comportant pas une durée déterminée avec la société Emfib, seul un abus de droit étant susceptible d'engager la responsabilité de la première ; qu'en se bornant à relever que la société Dasse avait mis fin à ses relations avec la société Emfib du fait qu'elle avait confié la commercialisation des produits de la gamme Miland-Slalom à la société Sogal, dans le cadre d'un réseau de franchisés, et d'ailleurs mis la société Emfib en rapport avec la société Sogal, l'arrêt, loin de caractériser un abus de droit ou la brutalité de la rupture, a méconnu le principe de la liberté contractuelle et fait reposer, à tort, sur la société Dasse une responsabilité, en violation des articles 1134 et 1147 du Code civil ;
Mais attendu, d'une part, que recherchant la commune intention des parties, à partir des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, retenu "qu'il ressortait de l'ensemble des courriers", dont il n'est pas allégué qu'ils aient été dénaturés, que la société Dasse avait conclu avec la société Emfib un contrat de distribution régionale, au bénéfice exclusif de celle-ci, en utilisant la structure du relais régional mis en place par la convention du 17 juin 1976, et la clientèle prospectée par la société Emfib pendant dix ans ; qu'elle a, ainsi, légalement justifié sa décision ;
Attendu, d'autre part, que si, en l'absence de toute convention contraire, la société Dasse était en droit de mettre fin à la convention de concession exclusive, à durée indéterminée, c'est à la condition que l'exercice de ce droit ne soit pas abusif; qu'ayant retenu que cette société avait mis fin brutalement au contrat l'unissant à la société Emfib puisqu'elle avait confié à compter du 1er octobre 1986 la distribution de la gamme Slalom-Miland au réseau des franchisés Sogal, tandis qu'elle n'en avait avisé la société Emfib que le 23 septembre précédent, la cour d'appel a pu décider que la société Dasse avait abusé de son droit de résiliation; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs : rejette le pourvoi.