CA Riom, ch. corr., 29 septembre 1994, n° 335-94
RIOM
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Confédération syndicale du cadre de vie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Barnoud
Conseillers :
MM. Montcriol, Jean
Avocats :
Mes Teillot, Diotallevi, Dauphin, Pomogier.
Par jugement contradictoire en date du 19 avril 1994, le Tribunal correctionnel du Puy a, sur des poursuites exercées à l'encontre de Michel V, Eric B et Paul C, prévenus d'avoir, à Brioude (43) et sur le département de la Haute-Loire, entre le 23 et le 28 janvier 1992, depuis temps non couvert par la prescription, effectué une publicité mensongère, renvoyé Michel V et Eric B des fins de la poursuite sans peine ni dépens, déclaré Paul C, coupable du délit qui lui est reproché, et condamné ce dernier : - sur l'action publique : au paiement d'une amende de 10 000 F et du droit fixe prévu par la loi ; - sur l'action civile : à payer à la Confédération Syndicale du Cadre de Vie et à l'Union Fédérale des Consommateurs de la Haute-Loire, à chacune, une somme de 5 000 F au titre de dommages-intérêts et une somme de 3 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
Le Ministère public et la Confédération Syndicale du Cadre de Vie ont régulièrement interjeté appel de cette décision le 25 avril 1994 à l'encontre des trois prévenus ;
A l'audience de la cour du 8 septembre 1994 à laquelle les prévenus ont comparu et la Confédération Syndicale du Cadre de Vie était représentée, Michel V et Eric B ont fait développer par leurs conseils respectifs des conclusions aux termes desquelles ils sollicitent la confirmation du jugement déféré, Paul C concluant en ce qui concerne à sa relaxe ;
La Confédération syndicale du cadre de vie demande à la cour dans ses conclusions de condamner solidairement les prévenus à lui payer une somme de 15 000 F à titre de dommages intérêts et une somme de 5 000 F en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
I - SUR L'ACTION PUBLIQUE :
A - Sur la culpabilité :
Attendu qu'il ressort des pièces de la procédure, et des débats qu'une campagne publicitaire a été organisée pour les magasins " X " de Clermont-Ferrand Sud et Nord, Le Puy et Brioude du 23 janvier 1992 au 15 février 1992, 15 000 exemplaires environ d'un dépliant concernant 208 articles, objets d'un prix promotionnel, ayant été distribués dans les boites à lettres des particuliers de la commune de Brioude dès les 23 janvier ; que lors d'un contrôle effectué au magasin X de Brioude par les Services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes le 28 janvier 1992, il est apparu que 98 articles, objets de la publicité n'étaient pas disponibles à la vente à la clientèle ;
Attendu que les faits de publicité mensongère ainsi constatés sont établis et non contestés par les prévenus ; que ceux-ci se contentent simplement de se rejeter mutuellement la responsabilité de la non-disponibilité au magasin de Brioude de près de la moitié des articles figurant dans le dépliant publicitaire ;
Attendu qu'il ressort notamment de l'enquête de police, de l'audition des prévenus et de l'examen des pièces versées par eux aux débats que la SA Y, dont le PDG est Michel V, dispose d'une personnalité morale distincte de la société A exploitante des magasins X dont Paul C est le gérant responsable, Eric B en étant un des directeurs salariés affecté au magasin de Brioude ; que dans le cadre du contrat de franchise la liant à la société A, la SA Y n'intervenant que comme prestataire de services dans la préparation et le lancement de la campagne publicitaire, la société X conservant la possibilité contre remboursement par établissement d'un avoir, de ne pas suivre ladite campagne en avisant la SA Y à charge pour cette dernière de donner les instructions à son imprimeur pour ne pas éditer le dépliant ; que l'obligation d'approvisionner les magasins X n'incombait en conséquence aucunement à la SA Y dont le PDG Michel V a, à juste raison, été relaxé par les premiers juges ;
Attendu que pour tenter d'échapper à sa responsabilité Paul C fait observer qu'il n'est pas l'auteur du texte publicitaire incriminé et que, d'autre part, il existait sur l'ensemble des quatre magasins concernés par l'opération promotionnelle (Clermont-Ferrand Nord, Clermont-Ferrand Sud, Le Puy en Velay et Brioude) un stock suffisant disponible ;
Mais attendu qu'il n'est pas nécessaire pour se rendre coupable de publicité mensongère au sens de l'article 44 de la loi du 27 décembre 1973, d'être l'auteur du texte publicitaire mensonger ;que par ailleurs les dispositions de l'article 5 de l'arrêt du 2 septembre 1977 relatif à la publicité des prix à l'égard du consommateur, aux termes desquelles aucune publicité de prix ou de réduction de prix ne peut être effectuée sur les articles qui ne sont pas disponibles à la vente, s'appliquent à la vente dans le magasin (en l'espèce X-Brioude) précisément dans le secteur géographique duquel la publicité a été distribuée auprès de la clientèle potentielle locale ; que la déclaration de culpabilité de Paul C gérant des magasins X de la région de Clermont-Ferrand - le Puy, et en particulier du magasin de Brioude, sera en conséquence confirmée ;
Attendu enfin que si Eric B n'était effectivement que directeur salarié du magasin X de Brioude, ne disposait d'aucune délégation de pouvoir et n'avait qu'une capacité limitée (jusqu'à 10 000 F) de passer seul des commandes sans l'aval du gérant de la société A, il s'est toutefois abstenu en connaissance de cause alors qu'il savait que le magasin dont il était le directeur ne pouvait pas mettre à la disposition de la clientèle une partie très importante des articles objets de la publicité ... de passer les commandes nécessaires préalablement à l'ouverture de la campagne promotionnelle litigieuse puis durant celle-ci, rendu complice du gérant Michel V ;qu'il ne saurait à cet égard valablement invoquer une prétendue exiguïté de sa surface de vente alors, d'une part, que celle-ci n'est pas démontrée et qu'en tout état de cause, si tel avait été le cas, il devait - chargé aux termes de son contrat de " l'exécution et du suivi des actions publicitaires " - passer des commandes nécessaires dès lors qu'il avait fait lui-même, sous sa responsabilité, diffuser les dépliants publicitaires le jour même de l'ouverture de la campagne promotionnelle ;qu'en conséquence le jugement entrepris sera réformé de ce chef, Eric B devant être déclaré coupable de complicité du délit de publicité mensongère retenu à l'encontre de Paul C.
B - Sur la répression :
Attendu qu'eu égard à la gravité de l'infraction et en particulier à la violation caractérisée et délibérée qu'elle consitue à la protection légale des consommateurs, la peine d'amende prononcée par les premiers juges à l'encontre de Paul C sera aggravée et portée à la somme de 30 000 F le taux de cette amende tenant compte également de la situation personnelle du prévenu et en particulier de ses revenus ; qu'en ce qui concerne Eric B dont la responsabilité est bien moindre eu égard à son statut de salarié, celui-ci sera condamné à une peine d'amende de 5 000 F assortie du sursis ; qu'en outre des mesures de publication et d'affichage du présent arrêt seront ordonnées ;
II - SUR L'ACTION CIVILE
Attendu que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Confédération Syndicale du Cadre de Vie et a condamné après une juste appréciation du préjudice de cet organisme et de ses frais d'instance, Paul C à lui payer 5 000 F à titre de dommages-intérêts et 3 000 F en application de l'article 475-1 du CPP ; que le jugement sera confirmé de ce chef, la Cour y ajoutant qu'Eric B sera déclaré responsable du préjudice subi par la Confédération Syndicale du Cadre de Vie, et condamné solidairement avec Paul C, au paiement des sommes susvisées ;
Par ces motifs : LA COUR, Sur l'action publique : - sur la culpabilité : Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a renvoyé Michel V des fins de la poursuite sans peine ni dépens et a déclaré Paul C coupable des faits qui lui sont reprochés ; Réforme ce jugement en ce qu'il a relaxé Eric B ; Déclare Eric B coupable de complicité du délit de publicité mensongère retenu à l'encontre de Paul C ; - Sur la répression : Réforme le jugement déféré ; Condamne : - Paul C au paiement d'une amende de trente mille francs (30 000 F) ; - Eric B au paiement d'une amende de cinq mille francs (5 000 F) avec sursis ; Ordonne la publication du présent arrêt par extraits, dans le quotidien La montagne - Édition du Puy en Velay - Brioude, aux frais de Paul C et d'Eric B, sans que le coût de cette insertion ne puisse excéder cinq mille francs (5000 F) ; Ordonne en outre l'affichage de présent arrêt pendant quinze jours aux portes du magasin B de Brioude aux frais également de Paul C et d'Eric B ; Dit que la présente décision sera assujettie à un droit fixe de 800 F dont chacun des prévenus condamnés sera redevable outre les frais de première instance ; Dit que la contrainte par corps sera applicable s'il y a lieu selon les dispositions légales. Sur l'action civile : Confirme le jugement dont appel en ce qu'il a déclaré Paul C responsable du préjudice subi par la Confédération Syndicale du Cadre de Vie et l'a condamné à payer à cette société une somme de 5 000 F à titre de dommages-intérêts et une somme de trois mille francs (3 000 F) en application de l'article 475-1 du CPP ; Et Y ajoutant, Déclare Eric B responsable du préjudice subi par la Confédération Syndicale du Cadre de Vie et le condamne solidairement avec Paul C à payer à cette société les sommes susmentionnées ; Déboute la Confédération Syndicale du Cadre de Vie de ses autres demandes ; Confirme pour le surplus, le jugement déféré en toutes ses dispositions pénales et civiles non contraires au présent arrêt ; Condamne Paul C et Eric B à payer à la partie civile les frais engagés par elle et non avancés par l'Etat. Le tout en application des articles 44-1 - 44-II al. 7-8 - 44-II al. 9-10 - 44-II al. 6 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 et 1 de la loi du 1er août 1905 - art. L. 121-1 - L. 121-5 - L. 121-6 - L. 121-6 al. 1 - L. 213-1 et L. 121-4 du Code de la consommation - 132-29 du Code pénal - 749, 750 du Code de procédure pénale.