Cass. com., 11 octobre 1994, n° 92-17.599
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
PARTIES
Demandeur :
Polyloc (Sté), Hall Automobiles (Sté)
Défendeur :
Ford France (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
M. Grimaldi
Avocat général :
Mme Piniot
Avocats :
SCP Waquet, Farge, Hazan, Mes Ryziger, Ricard.
LA COUR : - Statuant sur les pourvois, tant principal qu'incident : - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Reims, 27 janvier 1992), rendu en matière de référé, que la société Ford France (société Ford) a mis en place un programme dénommé " Stratégie loueurs courte durée ", destiné à permettre l'acquisition, auprès de ses concessionnaires, par des loueurs professionnels, de véhicules à un prix réduit, moyennant l'engagement de mettre ces véhicules en location pour une durée de six mois au moins ; que, dans le cadre de cette " opération ", la société Hall Automobiles, concessionnaire de la société Ford, a commandé plusieurs véhicules en précisant qu'ils étaient destinés à la société Polyloc, loueur professionnel ; qu'après avoir livré une partie des véhicules commandés, la société Ford a interrompu ses livraisons au motif qu'elle avait appris que ceux-ci étaient en réalité destinés à la société Marc Léooan International (société MLI), revendeur étranger à son réseau et qui les commercialisait ; que la société Hall Automobiles, assistée de l'administrateur et du représentant des créanciers de son redressement judiciaire, ont demandé la poursuite de la livraison des véhicules ; que la société Polyloc a présenté une demande aux mêmes fins ; que la cour d'appel a joint les deux demandes et les a rejetées ;
Sur le moyen unique, pris en ses première et deuxième branches, des pourvois principal et incident : - Attendu que la société Polyloc et la société Hall Automobiles reprochent à l'arrêt d'avoir ainsi statué alors, selon les pourvois, d'une part, que la société Ford ne contestait pas que la société Polyloc ait acquis les automobiles litigieuses, mais, après avoir expressément admis la qualité d'acquéreur de la société Polyloc, alléguait simplement que cette dernière aurait une activité fictive et ne remplirait pas les conditions fixées pour le programme " stratégie loueur ", et que les véhicules auraient été en définitive " livrés " à la société MLI, société de négoce de véhicules ; que, dès lors, en affirmant que les véhicules auraient été vendus à la société MLI, l'arrêt a dénaturé les termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, qu'en relevant d'office le moyen contraire aux conclusions des parties, tiré de la qualité d'acquéreur de la société MLI, sans rouvrir les débats pour permettre aux parties de s'expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, contrairement aux allégations du moyen, la société Ford soutenait, dans ses conclusions d'appel, que les véhicules vendus à la société Hall Automobiles et revendus par celle-ci à la société Polyloc étaient destinés à la société MLI, exerçant une activité de négoce de véhicules automobiles et non pas de louage, et que cette société, " revendeur étranger à son réseau ", les " commercialisait " ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, des pourvois principal et incident : - Attendu que les sociétés Polyloc et Hall Automobiles reprochent encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon les pourvois, que la seule condition du programme " stratégie loueur professionnel " résidait dans la revente des véhicules litigieux par la société Hall Automobiles à un loueur professionnel qui s'engagerait à les mettre en location pendant au moins six mois ; qu'il importait dès lors peu de savoir à quel endroit les véhicules auraient été matériellement livrés par la société Hall Automobiles, selon les documents des transporteurs ; qu'il importait également peu que l'acquéreur des véhicules soit une société nouvellement née et que ses associés soient les mêmes que ceux d'une société de négoce en véhicules ; que, dès lors, en retenant l'inexécution de ses obligations par la société Hall Automobiles, sans constater que la société Polyloc, dont elle admet l'existence et la profession de loueur automobile, n'aurait pas mis ces véhicules en location pendant au moins six mois, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
Mais attendu que, contrairement aux allégations du moyen, l'arrêt constate que les véhicules, loin d'être utilisés pour la location, " ont été en fait revendus à la société MLI, laquelle aux termes de ses statuts exerce une activité de négoce de véhicules automobiles et non pas de louage " et relève que la société Polyloc " ne justifie d'aucune activité réelle " ; que le moyen manque en fait ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche du pourvoi principal : - Attendu que la société Polyloc reproche encore à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que la bonne foi est toujours présumée ; qu'en faisant peser sur la société Polyloc le risque de la preuve de la prétendue fraude alléguée par la société Ford France, la cour d'appel a violé l'article 2268 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt ne dit pas que la société Polyloc a commis une fraude ; que le moyen manque en fait ;
Sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche, du pourvoi incident : - Attendu que la société Hall Automobiles reproche enfin à l'arrêt d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que la société Hall Automobiles, déclarée en redressement judiciaire par jugement du 15 novembre 1990, était, dans le cadre de la poursuite du contrat de concession, en droit d'exiger de la société Ford qu'elle lui livre l'ensemble des 50 véhicules commandés en avril et mai 1991 ; que si la société Ford a effectivement livré une partie de ces véhicules, elle a cependant, par courrier du 27 mai 1991, décidé de résilier le contrat de concession avec effet immédiat et bloqué la livraison à la société Hall Automobiles des véhicules déjà réglés en dépôt sur l'aire de stationnement de la société Sotra ; que, dès lors, en déboutant la société Hall Automobiles de sa demande tendant à voir condamner la société Ford à lui livrer la totalité des véhicules commandés avant le 27 mai 1991, la cour d'appel a violé l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Hall Automobiles avait, contrairement à la convention des parties, revendu les véhicules livrés à la société MLI, revendeur étranger à son réseau, qui les commercialisait, la cour d'appel sans violer l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, a rejeté à bon droit, la demande tendant à la poursuite des livraisons effectuées en violation de la loi des parties; que le moyen n'est pas fondé ;
Par ces motifs : rejette les pourvois tant principal qu'incident.