Livv
Décisions

CA Paris, 1re ch. B, 3 novembre 1994, n° 94-10309

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Elf Antar France (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Guérin

Conseillers :

MM. Pluyette, Weill

Avocat :

Me Lardin.

TGI Melun, pres., du 7 avr. 1994

7 avril 1994

LA COUR statue sur l'appel relevé par la Société Elf Antar d'une ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Melun rendue le 7 avril 1994 qui a rejeté la requête présentée par cette société, en application de l'article 5 de la loi du 20 mars 1956, pour être dispensée d'exploiter pendant deux ans le fonds de commerce sis à Dammarie-les-Lys (77190) 612, avenue du Colonel Fabien avant de le confier en location-gérance.

Il est fait référence aux énonciations de l'ordonnance ainsi qu'à la requête et à l'acte d'appel pour un exposé complet des faits, des prétentions et des moyens développés devant la Cour. Il convient toutefois de rappeler les circonstances essentielles du litige.

La Société Elf Antar dispose d'une société filiale dénommée Carmag chargée de créer et d'exploiter des fonds de commerce de magasins de proximité à l'enseigne " 24 H " vendant des produits alimentaires et non alimentaires et assurant une restauration rapide à emporter ou à consommer sur place et installés dans les stations-service distribuant les produits Elf alliant ainsi la vente des carburants et des produits alimentaires.

L'exploitation directe par Carmag s'étant révélée déficitaire, Elf a souhaité confier ces fonds, qu'elle a pris en location-gérance, à des sous-locataires gérants par ailleurs locataires-gérants de stations-service Elf.

Le Président du tribunal a retenu qu'en faisant état des coûts de gestion exorbitants résultant de l'emploi de préposés, la Société Elf Antar ne justifiait pas de son impossibilité d'exploiter le fonds soit directement soit par l'intermédiaire de préposés, et ne démontrait pas que la mise en location-gérance permettrait de rentabiliser l'exploitation, le locataire-gérant subissant les mêmes contraintes liées à l'emploi de préposés.

Appelante la Société Elf expose que les coûts élevés résultant de l'emploi de préposés sont ceux inhérents au personnel d'encadrement d'un réseau national comme le sien, qui comporte 66 points de vente, nécessitant un cadre pour 3 points de vente, qu'une exploitation locale permettra au locataire-gérant de développer une activité bénéficiaire, qu'il ne s'agit pas de lui faire supporter des charges indues, qu'un tel système a d'ailleurs été adopté par d'autres réseaux de sociétés commerciales, qu'un même mandataire pourra utilement exploiter la station-service et le fonds de restauration " 24 H ".

Sur ce, LA COUR,

Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 20 mars 1956 le délai de deux ans pendant lequel le fonds doit avoir été exploité pour être concédé en location-gérance peut être supprimé ou réduit notamment lorsque l'intéressé justifie qu'il est dans l'impossibilité d'exploiter son fonds personnellement ou par l'intermédiaire de préposés,

Considérant que la Société Elf indique qu'elle ne peut exploiter directement le fonds incriminé par l'intermédiaire de salariés parce que ce système de gestion engendre des coûts résultant de l'existence d'une équipe d'encadrement itinérante, et parce qu'elle n'est pas capable de réduire à moins de 6 % le taux de démarque, c'est-à-dire de vols, lorsque ce type de fonds est exploité par un salarié,

Considérant que le choix d'un mode d'exploitation d'un réseau de magasins, recourant à la location-gérance plutôt qu'à des salariés, relève de la compétence du chef d'entreprise, que ce motif entre dans les prévisions de l'article 5 de la loi du 20 mars 1956,

Considérant que le choix de la Société Elf ne révèle aucune fraude à la loi ou intention spéculative à laquelle la loi du 20 mars 1956 entend faire échec.

Considérant que les dépens doivent être laissés à la charge de la société appelante dans l'intérêt de laquelle la présente procédure a dû être diligentée.

Par ces motifs : Infirme l'ordonnance du 7 mars 1994 et statuant à nouveau autorise la Société Elf à donner en sous-location gérance le fonds de commerce sis à Dammarie-les-Lys exploité sous l'enseigne " 24 H " à la SARL Delohen en la dispensant de la condition d'exploitation de ce fond pendant deux ans.