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Décisions

CA Paris, 4e ch. A, 14 novembre 1994, n° 93-003071

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Europe Auto Sport (SA)

Défendeur :

Sonauto (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Gouge

Conseillers :

Mmes Mandel, Marais

Avoués :

SCP Roblin Chaix de Lavarene, SCP Teytaud

Avocats :

Mes Bourgeon, Durand.

TGI Paris, 4e ch., 1re sect., du 2 déc. …

2 décembre 1992

Dans des circonstances de faits suffisamment exposées par les premiers juges, la société Europe Auto Sport a assigné la société Sonauto en paiement de dommages-intérêts suite à la rupture, selon elle, abusive du contrat du 1er mars 1989 lui conférant la concession exclusive, pour le département du Gard, des automobiles de marque Chrysler.

Estimant la rupture conforme aux stipulations du contrat dès lors que le transfert du local d'exposition par le concessionnaire s'était réalisé sans le consentement du concédant, le TGI de Paris, par jugement du 2 décembre 1992, a débouté Europe Auto Sport de ses prétentions.

La société Europe Auto Sport a interjeté appel de la décision.

Prétendant que, contrairement à ce qu'énoncent les premiers juges, la société Sonauto l'avait autorisée, dès le 17 mai 1990, à transférer le local d'exposition en raison d'une implantation initiale défectueuse et d'un changement de conjoncture économique, la société Europe Auto Sport soutient que sa partenaire ne pouvait revenir sur cette autorisation en février 1991, la séparation physique des véhicules " Chrysler " concédés d'avec les véhicules d'autres marques qu'elle était régulièrement habilitée à représenter, n'ayant pas été exigée, selon elle, à titre de préalable mais comme simple modalité à réaliser dans les meilleurs délais.

Dénonçant la mauvaise foi de sa partenaire, la société Europe Auto Sport prétend que celle-ci, en mettant fin, le 15 mars 1991, au contrat de concession, a rompu abusivement les relations contractuelles, lui causant un grave préjudice dont elle demande réparation pour un montant de 1.300.000 F, et réclame, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 mars 1991, la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société Sonauto prétend, en réponse, que la demande de transfert formulée en février 1991 était entièrement nouvelle et indépendante de celle formulée sept mois plus tôt ; qu'ayant manifesté son désaccord Europe Auto Sport ne pouvait, sans enfreindre les dispositions du contrat, transférer son local d'exposition.

Dénonçant les conditions dans lesquelles celui-ci s'est effectué, elle estime qu'en résiliant le contrat sans préavis elle n'a fait qu'user de son droit sans en abuser et conclut à la confirmation pure et simple de la décision entreprise, réclamant 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Sur ce :

Considérant qu'aux termes de l'article 24.1 du contrat de concession exclusive en date du 1er mars 1989, les parties ont stipulé que celui-ci " serait résilié de plein droit sans aucun préavis ni indemnité et sans aucune formalité préalable si l'un quelconque des événements " énumérés venaient à se produire, événements au nombre desquels figurent le " changement du lieu d'implantation du local d'exposition sans l'accord de Sonauto ";

Considérant que par lettre du 7 février 1991, la société Europe Auto Sport, faisant valoir qu'elle venait de trouver un acquéreur au droit au bail du local sis avenue des Français Libres à Nîmes où elle exposait les véhicules Chrysler, a demandé l'autorisation de Sonauto pour fermer ledit point de vente et commercialiser, dans l'attente de la réalisation d'un nouveau garage sis route de Montpellier, à Nîmes, les véhicules concernés dans le vaste hall de la société Auto sport SA où il était d'ores et déjà procédé à leur entretien ;

Que par lettre en réponse du 14 février 1991, la société Sonauto a expressément manifesté son désaccord pour ce transfert;

Qu'en dépit de ce refus, Europe Auto Sport, par délibération d'assemblée générale du 28 février 1991, a décidé d'y procéder;

Que la société Sonauto, après avoir fait constater par huissier, le 12 mars 1991, que Europe Auto Sport avait quitté les lieux, a, par lettre du 15 mars suivant, résilié le contrat de concession en application de l'article 24.1 susvisé ;

Considérant que pour prétendre au caractère abusif de cette rupture, la société Europe Auto Sport se prévaut des termes d'une précédente correspondance par laquelle, répondant à sa demande d'autorisation de transfert de la concession dans la Hall d'exposition de la route de Montpellier formulée le 23 avril 1990, la société Sonauto a manifesté son accord par lettre du 17 mai 1990 ;

Mais considérant que la demande du 7 février 1991 est radicalement différente de celle du 23 avril 1990 à laquelle, au demeurant, elle ne se réfère pas ;

Que si la commercialisation des véhicules Chrysler devait intervenir, dans le cadre de la première demande, dans une surface de 200 m² modulable, en première exposition, celle de la deuxième demande était limitée à un simple emplacement réservé à cet effet, dans le hall du garage où les véhicules étaient entretenus ;

Qu'en énonçant de surcroît dans son accord du 17 mai 1990 : " Nous y mettons toutefois la condition suivante : qu'il existe une séparation physique, non modulable, entre le hall Chrysler et le hall SEAT ", la société Sonauto a, de manière expresse et non équivoque, subordonné le transfert de la concession à la réalisation préalable de cette séparation, un accord " conditionnel " ne pouvant être parfait qu'à compter de la réalisation de la condition à laquelle il se trouve soumis ;

Qu'il s'ensuit que la société Europe Auto Sport est mal fondée à se prévaloir de cette précédente autorisation ou de la mauvaise foi de son cocontractant, la demande du 7 février 1991 ayant été formulée sur des bases nouvelles et alors que la séparation physique des lieux préalablement exigée, n'avait pas été réalisée ;

Considérant dès lors, qu'ayant constaté le 12 mars 1991 la réalité du transfert, la société Sonauto était en droit de se prévaloir, le 15 mars 1991, des dispositions de l'article 24.1 du contrat, même si une entrevue était postérieurement prévue, l'accord de la société Sonauto étant requis préalablement à toute opération de changement d'implantation;

Que le bien fondé d'un tel changement (implantation initiale défavorable et conjoncture économique difficile), au demeurant reconnu par la société Sonauto, ne dispensait pas Europe Auto Sport de disposer préalablement à tout transfert de l'accord de sa partenaire afin d'en déterminer les conditions;

Que la société Europe Auto Sport invoque en vain les conditions actuelles d'exploitation de la concession Chrysler, n'ayant aucun titre à s'en prévaloir dès lors que le contrat du 1er mars 1989 a été régulièrement résilié ;

Que le jugement entrepris doit en conséquence être confirmé en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la société Sonauto la charge de ses frais irrépétibles en cause d'appel, la somme de 20.000 F devant lui être accordée de ce chef ; Que la demande formulée à ce titre par la société Europe Auto Sport doit être rejetée en raison de la solution apportée au litige ;

Par ces motifs : Confirme le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 2 décembre 1992 en toutes ses dispositions; Condamne la société Europe Auto Sport à payer à la société Sonauto la somme 20.000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Rejette la demande formée à ce titre par la société Europe Auto Sport; Condamne la société Europe Auto Sport aux dépens dont distraction au profit de la SCP Teytaud conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.