CA Paris, 1re ch. A, 16 janvier 1995, n° 93-11284
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Magasins Fauchon (SA)
Défendeur :
Ministre de l'Économie, des finances et du budget, Loquais (ès qual.)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bargue
Conseillers :
MM. Barthélemy, Mc Kee
Avoués :
SCP Autier, Me Lecharny
Avocats :
SCP Job, Trehorel, Bonzom, Me Dalipagic.
La société Magasins Fauchon a interjeté appel du jugement rendu le 3 mars 1993 par le Tribunal de grande instance de Paris qui a :
- déclaré recevables l'action introduite par le Ministre de l'économie et des finances et l'intervention volontaire de Joël Louis Allain à l'encontre de cette société ;
- déclaré irrecevable la demande du Ministre de l'économie et des finances tendant à ce qu'il soit statué sur les critères de sélection du système de distribution sélective mis en place par ladite société ;
- dit que le refus de vente opposé par la société Magasins Fauchon à l'encontre de Joël Louis Allain n'était pas justifié au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
- enjoint à la sosiété Magasins Fauchont de rétablir, dans le strict respect de ses conditions générales de vente, des relations commerciales avec Joël Louis ALLAIN exerçant son activité commerciale sous l'enseigne " Les délices de Julie " à Lorient et de livrer la commande du 3 septembre 1991 dans les huit jours qui suivront le jour où le jugement serait devenu définitif ;
- condamné la société Magasins Fauchon à payer à Joël Louis Allain la somme de 150.000 F à titre de dommages et intérêts et celle de 8.000 F en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Référence étant faite à cette décision et aux écritures des parties pour un plus ample exposé des faits, de la procédure initiale et des moyens retenus par les premiers juges, il convient de rappeler que :
La société Magasins Fauchon commercialise ses produits par un réseau de distributeurs agréés ; après avoir, jusqu'au mois de janvier 1991, sélectionné ses revendeurs sur la base des conditions générales de vente figurant en pages 3 et 4 de son catalogue, elle établit à cette date une convention de distribution complétant et précisant les critères de sélection jusqu'alors en vigueur.
Le 2 août 1990, M. Joël Louis Allain qui depuis plusieurs années distribuait les produits de cette société dans le magasin qu'il exploitait à Lorient sous l'enseigne " Les délices de Julie ", a passé une commande téléphonique ; affirmant s'être heurté à un refus, il a confirmé cette commande le 16 août suivant, par courrier avec demande d'accusé de réception, mais n'a pas obtenu satisfaction.
Le 26 septembre de la même année, M. Allain a demandé en vain à la société Magasins Fauchon de lui faire parvenir son catalogue ; son courrier avec demande d'avis de réception n'ayant pas été suivi d'effet, il a adressé le 3 septembre 1991 un nouveau courrier pour réitérer cette demande, passer commande de produits figurant sur le catalogue en sa possession et, faisant des excuses pour un incident de paiement survenu au début de l'année 1990, a offert de régler comptant à la livraison ; cette lettre est demeurée sans réponse.
C'est dans ces circonstances que, par actes des 14 et 17 février 1992 le Ministre de l'économie et des finances agissant par application des dispositions des articles 36 alinéa 5 et 56 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, a assigné la SA Magasins Fauchon en présence de l'exploitant du commerce " Les délices de Julie ", pour faire juger que :
- le refus de vente n'était pas justifié au sens de l'article 36-2 de cette ordonnance ;
- les critères de sélection du système de distribution sélective mis en place par la société Magasins Fauchon entrent dans le champ d'application de l'article 7 de la même ordonnance et sont donc prohibés ;
- lesdits critères ne peuvent bénéficier des dispositions d'exemption de l'article 10 alinéa 2 du même texte ;
- sont nuls en vertu de son article 9, les six critères de sélection des points de vente définis à la convention ;
- est également nulle en vertu du même texte la clause des conditions générales de vente relative à l'interdiction de " la revente à un autre revendeur, agréé ou non, et/ou à une société ayant une activité d'import/export ".
Il était enfin demandé au tribunal de faire injonction à la société Magasins Fauchon, dans le strict respect des conditions générales de vente non sanctionnées par le tribunal, de rétablir des relations commerciales avec le magasin à l'enseigne " Les délices de Julie " à Lorient et de livrer la commande du 3 septembre 1991.
Pour déclarer irrecevable la demande tendant à voir déclarer nuls les critères de sélection, les premiers juges énoncent que la preuve n'est pas apportée d'une application abusive à M. Allain. Ils ont estimé que le refus de vente était établi à son égard, relevant toutefois son absence de mauvaise foi en raison de son acceptation du principe du paiement comptant proposé par la société Magasins Fauchon avant que celle-ci n'exige alors en sus l'acceptation préalable d'une facture pro-forma.
La société Fauchon prie la Cour d'infirmer le jugement déféré, et statuant à nouveau de :
- dire que l'action du Ministre est irrecevable car excédant sa compétence telle que définie par l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
- dire que la mise en cause de M. Allain ne repose sur aucun fondement juridique et est nulle avec toutes conséquences de droit,
- dire M. Allain irrecevable en son intervention volontaire,
Subsidiairement de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande du Ministre de l'économie tendant à ce qu'il soit statué sur les critères du système de distribution sélective mis en place par la société Magasins Fauchon,
- l'infirmer en ce qu'il a dit que le refus de vente opposé par la société Magasins Fauchon à l'encontre de M. Allain n'est pas justifié, au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986,
Statuant à nouveau de :
- dire établie la mauvaise foi de M. Alain, à la date de la commande, justifiant le refus de vente,
- débouter le Ministre de l'économie et M. Allain de l'intégralité de leurs demandes,
Très subsidiairement de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Magasins Fauchon à payer à M. Allain la somme de 150.000 F à titre de dommages et intérêts,
- ramener le montant des dommages et intérêts à une somme correspondant au préjudice réellement subi et démontré,
En tout état de cause de :
- condamner chacun des intimés au paiement de la somme de 17.990 F TTC au titre des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le Ministre de l'économie, intimé, représenté par le Directeur régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d'Ile de France, directeur de Paris conclut à :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré recevables son action et l'intervention volontaire de M. Allain,
- son infirmation en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du Ministre tendant à voir statuer sur les critères de sélection des revendeurs du système de distribution sélective mis en place par la société Magasins Fauchon,
- sa confirmation en ce qu'il a dit que le refus de vente opposé à M. Allain n'était pas justifié au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et en ce qu'il a enjoint à la société Magasins Fauchon de renouer des relations commerciales avec M. Allain.
M. Allain ayant été déclaré en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de commerce de Lorient en date du 25 juin 1993, Me Loquais agissant en qualité de liquidateur judiciaire, reprenant volontairement l'instance, demande à la Cour de débouter la société Magasins Fauchon de son appel, de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le refus de vente opposé par la société Magasins Fauchon à l'encontre de M. Allain n'était pas justifié au sens de l'ordonnance du 1er décembre 1986.
Formant appel incident, Me Loquais ès qualités sollicite la condamnation de la société Magasins Fauchon au paiement des sommes de 209.210 F à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice commercial subi par M. Allain, de 200.000 F en réparation de son préjudice moral et de 10.000 F sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Sur quoi, LA COUR,
Sur la recevabilité de l'action du Ministre de l'économie :
Considérant que la société Magasins Fauchon reproche d'abord au Ministre de l'économie d'avoir excédé le champ de sa compétence tel que défini par l'article 36 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, en engageant une action visant à faire juger d'une part que les critères de sélection des distributeurs par la société des Magasins Fauchon entrent dans le champ d'application de l'article 7 de cette ordonnance et à faire prononcer d'autre part, en application de l'article 9 du même texte, la nullité de clauses des conditions générales de vente relatives à l'interdiction de la revente à un autre revendeur agréé ou non ;
Mais considérant qu'aux termes de l'article 36 précité, " engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé de ce fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan ... (2°) de refuser de satisfaire aux demandes des acheteurs de produits ou de prestations de service, lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal, qu'elles sont faites de bonne foi et que le refus n'est pas justifié par les dispositions de l'article 10 " ;
Or considérant que ce dernier texte, qui renvoie aux articles 7 et 8 de l'ordonnance et implique l'existence de pratiques définies par ces textes, dispose que " ne sont pas soumises aux dispositions des articles 7 et 8 les pratiques ... (2°) dont les auteurs peuvent justifier qu'elles ont pour effet d'assurer un progrès économique et qu'elles réservent aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans donner aux entreprises intéressées la possibilité d'éliminer la concurrence pour une partie substantielle des produits en cause. Ces pratiques ne doivent imposer de restrictions à la concurrence, que dans la mesure où elles sont indispensables pour atteindre cet objectif de progrès. " ;
Considérant que la mise en place d'un système de distribution sélective entre dans les prévisions de ces dispositions dès lors qu'il a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ;
Considérant que c'est donc dans les limites de l'exercice de sa mission de protection générale de l'ordre public économique que le Ministre de l 'économie a pu engager devant la juridiction civile l'action en responsabilité dont la Cour est saisie, visant à faire sanctionner une pratique discriminatoire, sans préjudice de la mise en œuvre des dispositions de l'article 11 de l'ordonnance susvisée ;
Considérant qu'il ne saurait être reproché au Ministre de l'économie d'avoir fait application des dispositions de l'article 56 de l'ordonnance lui permettant de déposer des conclusions et de les développer à l'audience, alors que l'action engagée sur le fondement de l'article 36 n'exclut pas, pour permettre sa mise en œuvre, de recourir à ces dispositions ;
Considérant que le jugement doit dès lors être infirmé en ce qu'il a déclaré l'action irrecevable en ce qu'elle concerne les critères de sélection du système de distribution sélective mis en place par la société des Magasins Fauchon ;
Sur l'intervention de M. Allain :
Considérant que l'appelante reproche encore au Ministre de l'économie d'avoir mis en cause M. Allain, alors qu'une telle mise en cause ne peut se rattacher ni aux dispositions des articles 36 ou 56 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, ni à celles de l'article 331 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais considérant que la " mise en cause " de M. Allain " en tant que de besoin " par le Ministre de l'économie qui ne formulait à son encontre aucune prétention, constituait une simple dénonciation à M. Allain de l'action engagée à l'encontre de la société des Magasins Fauchon et non une intervention forcée au sens de l'article 331 du nouveau Code de procédure civile ;
Qu'il convient d'observer en effet d'une part que les intérêts de l'un et de l'autre étaient convergents et d'autre part que le Ministre aurait en tout état de cause été irrecevable à provoquer l'intervention de M. Allain dans le seul but d'obtenir qu'il fournisse des explications sur l'objet du litige et qu'il éclaire le juge sur les circonstances de la cause ;
Considérant dès lors, que M. Allain, que la dénonciation de la procédure n'avait pas privé de sa qualité de tiers au sens de l'article 66 du nouveau Code de procédure civile, était de ce chef et sous réserve de l'examen ci-après d'une seconde condition de recevabilité contestée par l'appelante, recevable en son intervention volontaire ;
Considérant, sur cette seconde condition de recevabilité, que par des motifs pertinents que la Cour adopte, les premiers juges ont relevé que, même si elle rejoint par ses prétentions celles du Ministre de l'économie, l'intervention de M. Allain est autonome et principale, dès lors qu'elle est fondée sur le refus de vente qui lui a été opposé par la société Magasins Fauchon et qu'elle répond ainsi aux conditions de recevabilité posées par l'article 329 du nouveau Code de procédure civile ; que le moyen doit en conséquence être rejeté ;
Sur le fond :
Sur la licéité du réseau de distribution :
Considérant que jusqu'au début de l'année 1991 les revendeurs de produits Fauchon n'étaient liés à la société Magasins Fauchon par aucun contrat écrit, leurs relations étant alors régies par les seules conditions générales de vente du fournisseur ;
Considérant que ces conditions générales stipulaient notamment : " les produits Fauchon sont destinés à être vendus soit à un utilisateur final en vue d'une consommation personnelle, soit à un distributeur précédemment agréé par la société Fauchon. " ; qu'en outre, celle-ci se réservait " le droit de ne pas enregistrer une commande qui émanerait d'un distributeur qui n'aurait pas été agréé préalablement par la société Fauchon ou à qui cet agrément aurait été retiré pour non-respect des obligations mises à la charge de l'agréé " ;
Considérant qu'à partir du mois de janvier 1991 l'appelante a établi et soumis à la signature des revendeurs une convention prévoyant six critères de sélection venant s'ajouter aux conditions générales ;
Considérant que l'action du Ministre de l'économie tend à faire juger que ce système de distribution sélective est illicite au regard des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et qu'il ne peut bénéficier des conditions exonératoires de l'article 10 de ce texte ;
Considérant que la société appelante objecte que le fait de donner un agrément aux revendeurs de ses produits, le plus souvent de manière souple et informelle, n'ayant ni pour objet ni pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché de l'épicerie fine ou plus généralement de l'alimentation de luxe, n'est pas constitutif d'une entente prohibée au sens de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;
Mais considérant que pour être licite le système de distribution sélective doit être organisé en fonction de critères objectifs à caractère qualitatif ;
Considérant que selon la convention mise en place en janvier 1991, la société Magasins Fauchon réserve son agrément aux points de vente répondant aux six critères de sélection suivants :
1°) que le magasin ait une notoriété et une image de marque reconnues dans son secteur d'activité,
2°) que le point de vente propose des produits frais et conditionnés de haut de gamme,
3°) que le commerçant par sa qualification professionnelle offre un réel service à ses clients (conseils à la vente, recettes de préparation, élaboration de paniers gourmands, vente de colis-cadeaux, etc ...),
4°) que le point de vente par sa localisation et son profil ne l'assimile pas à une vente dans le circuit de la grande distribution, indépendant ou non,
5°) que le magasin ne pratique pas, de façon régulière ou non, des opérations promotionnelles de type discount ou d'autres (par exemple, prix coûtant),
6°) que le nombre de magasins dans une ville ou un secteur déterminé tienne compte de la zone de chalandise, de la proximité d'un revendeur existant, de l'environnement concurrentiel ;
Considérant qu'ainsi énoncés ces critères reposant sur des exigences de " notoriété et d'image de marque du magasin ", de " produits haut de gamme ", de " qualification professionnelle " et de " conseil et de service à la vente ", ne présentent pas, par la généralité et l'imprécision de leur formulation, un caractère objectif qualitatif propre à assurer une application uniforme et non discriminatoire des conditions imposées aux distributeurs et permettant à ce système de bénéficier des conditions exonératoires de l'article 10 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;
Considérant que la clause figurant aux conditions générales de vente relative à l'interdiction de la revente à un autre revendeur, agréé ou non et/ou à une société ayant une activité d'import-export encourt le même grief;
Sur le refus de vente opposé à M. Allain :
Considérant que l'appelante soutient que le refus de vente opposé par elle à M. Allain et qu'elle ne conteste pas, était justifié par l'existence de nombreux incidents de paiement établissant la mauvaise foi de ce dernier ;
Mais considérant que s'il est constant qu'au cours des derniers mois ayant précédé les refus incriminés, les relations commerciales des parties ont été marquées par les retards de paiement, il n'est pas établi ni même soutenu qu'il existait un arriéré de paiement du distributeur envers son fournisseur lorsqu'en août 1990 et en septembre 1991, M. Allain s'est vu refuser la livraison de produits Fauchon ;
Considérant qu'ayant, le 2 août 1990, passé une commande par téléphone et s'étant heurté à un refus, M. Allain a adressé le 16 août suivant un courrier avec demande d'accusé de réception demeuré sans réponse ;
Que la société des Magasins Fauchon n'a encore pas répondu à la lettre recommandée du 26 septembre de la même année par laquelle il lui demandait son catalogue ;
Qu'il en a été de même du courrier recommandé du 3 septembre 1991, par lequel M. Allain la priait de lui faire parvenir son nouveau catalogue et lui passait commande de divers produits en faisant offre de régler comptant à la livraison ;
Considérant que la société Magasins Fauchon qui affirme avoir proposé de l'approvisionner après paiement d'une facture pro-forma, n'en justifie pas, mais qu'en revanche M. Allain établit qu'il avait offert de régler comptant à la livraison et que cette proposition a été refusée ;
Considérant que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu que M. Allain n'avait manifesté aucune mauvaise foi à l'égard de la société Magasins Fauchon et que celle-ci s'était rendue responsable des refus de vente opposés les 16 août 1990 et 3 septembre 1991 ;
Considérant que l'appel est donc sans fondement de ce chef ;
Sur la réparation du préjudice :
Considérant que Me Loquais ès qualités soutient que l'attitude de la société Magasins Fauchon a occasionné une perte de marge brute chiffrée (sur trois années) à la somme de 54.330 F ; qu'il estime le manque à gagner subi à la somme de 72.440 F et à la somme de 114.880 F l'indemnité de privation de clientèle ; qu'il ajoute que les agissements de l'appelante ont conduit M. Allain au " dépôt de bilan " ; qu'il soutient enfin que la suppression des produits Fauchon a été perçue par la clientèle comme une sanction de la qualité des produits offerts dans le magasin et lui a causé un préjudice moral ;
Mais considérant qu'il n'est pas démontré que les refus de vente opposés par la société Magasins Fauchon sont la cause de la déconfiture du commerce de M. Allain ;
Considérant que le préjudice moral invoqué n'est qu'un élément du préjudice commercial dont il est demandé réparation ; qu'il ne peut dès lors ouvrir droit à une réparation distincte ;
Considérant que le manque à gagner résultant de l'absence de produits d'appel " Fauchon " n'est pas démontré ;
Considérant que compte tenu d'une part de la perte de marge brute moyenne subie, étayée par les calculs de la société d'expertise comptable AAC, compte tenu d'autre part de l'atteinte portée à l'image de marque résultant de la suppression des produits Fauchon et du manque à gagner consécutif, le préjudice trouvera son exacte réparation dans l'allocation de la somme de 80.000 F, le jugement étant réformé de ce chef ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Par ces motifs : Joint les procédures inscrites au répertoire général de la Cour sous les numéros 93-11284 et 93-24493 ; Confirme le jugement en ce que : - il a déclaré recevables l'action introduite par le Ministre de l'économie et l'intervention volontaire de Joël Louis Allain, à l'encontre de la société Magasins Fauchon, - il a dit que le refus de vente opposé par la société Magasins Fauchon à l'encontre de Joël Louis Allain n'est pas justifié au sens de l'article 36 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ; L'infirmant pour le surplus et statuant à nouveau : Déclare recevable l'action du Ministre de l'économie ; Constate la nullité des six critères de sélection figurant à la convention de distribution mise en place par la société Magasins Fauchon en janvier 1991 ; Constate la nullité de la clause des conditions générales de vente relatives à la revente à un autre revendeur, agréé ou non et/ou à une société ayant une activité d'import-export ; Déclare recevable l'intervention de Me Loquais ès qualités de liquidateur de M. Allain ; Condamne la société Magasins Fauchons à lui verser la somme de 80.000 F à titre de dommages et intérêts ; Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; Condamne la société Fauchon aux dépens de première instance et d'appel ; Admet Me Lecharny, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.