Cass. com., 17 janvier 1995, n° 92-17.886
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Fiat Auto France (Sté)
Défendeur :
Garage Moderne (Sté), Raynaud (ès qual.), Lacharme, Solypagi (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Pasturel
Avocat général :
M. Mourier
Avocats :
SCP Defrénois, Levis, Mes Goutet, Ricard.
LA COUR : - Sur le moyen unique, pris en sa première branche : - Vu l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 ; - Attendu qu'en vertu de ce texte, le Tribunal saisi d'une procédure de redressement judiciaire connaît de tout ce qui concerne le redressement et la liquidation judiciaires ; qu'échappent, en revanche, à ses dispositions, pour relever des règles de compétence du droit commun, les actions qui prennent leur source dans des faits antérieurs à l'ouverture de la procédure collective et sur lesquelles l'état de redressement ou de liquidation judiciaire n'exerce pas d'influence juridique ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Riom, 24 juin 1992), qu'après la résiliation par la société Fiat auto France (société FAF) du contrat de concession exclusive la liant à la société Garage moderne, celle-ci a déclaré au greffe la cessation de ses paiements et a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires par le tribunal de commerce de Cusset ; que, reprochant à la société FAF d'avoir abusivement rompu le contrat de concession et provoqué, ainsi, l'ouverture de la procédure collective, M. Raynaud, agissant ès qualités de liquidateur, l'a assignée devant le Tribunal susvisé en paiement de dommages-intérêts au titre du préjudice collectif causé aux créanciers ; que M. Lacharme et la société Solypagi, actionnaires de la société Garage moderne, ont également assigné la société FAF devant le même Tribunal en réparation du préjudice qu'ils prétendaient avoir personnellement subi ; que l'exception d'incompétence soulevée par la société FAF au profit du tribunal de commerce de Paris en ce qui concerne l'action du liquidateur, eu égard à la clause figurant dans le contrat de concession et au profit du tribunal de commerce de Nanterre, lieu de son siège social, en ce qui concerne l'action de M. Lacharme et de la société Solypagi, a été écartée par les premiers juges ;
Attendu que, pour confirmer, sur contredit, cette décision, l'arrêt retient que l'article 174 du décret du 27 décembre 1985, qui est d'ordre public, déroge tant aux autres dispositions légales en matière de compétence qu'à la volonté des parties, les objectifs de la loi du 25 janvier 1985 ne pouvant être atteints qu'en groupant entre les mains du Tribunal de la procédure collective toutes les informations concernant l'entreprise et qu'en l'espèce " ce serait gageure de porter les difficultés de la société Garage moderne à l'appréciation de trois tribunaux, Cusset, Paris et Nanterre " ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors que les actions en réparation des préjudices nés de la résiliation du contrat de concession, décidée par la société FAF avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, n'étaient pas soumises à l'influence juridique de la procédure collective et que, dès lors, la règle de compétence édictée par l'article 174 du décret du 27 décembre 1985 était inapplicable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 juin 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges.