CA Nîmes, 1re ch., 30 janvier 1995, n° 93-4920
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Diffazur (SARL)
Défendeur :
Trauchessec (Époux), Gard Construction et Ingénierie (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Deltel (conseiller faisant fonction de)
Conseillers :
Mme Vieux, M. Rolland
Avoués :
SCP Pomies Richaud Astraud, SCP Tardieu
Avocats :
SCP Duburcq, Roux, Me Fremeaux.
FAITS, PROCEDURES ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 21 septembre 1990 les époux Trauchessec ont signé avec M. Clary, sur la qualité duquel les parties s'opposent, un devis pour la construction d'une piscine moyennant le prix total de 236 784,90 F.
Après interruption des travaux, les époux Trauchessec ont obtenu du juge des référés du Tribunal de grande instance de Nîmes la désignation de M. Falque en qualité d'expert, par ordonnance en date du 10 juillet 1991.
Après dépôt de son rapport intervenu le 2 décembre 1991, ceux-ci ont fait citer le 5 février 1992 la SA Diffazur et la SARL GCI représentée par M. Clary devant le Tribunal de grande instance de Nîmes aux fins de les entendre condamner in solidum à leur payer :
- la somme de 143 665 F avec intérêts au taux légal à compter du 29 mai 1991 ;
- celle de 30 000 F au titre des malfaçons ;
- celle de 80 000 F au titre du préjudice souffert ;
Par jugement en date du 29 novembre 1993 le tribunal a :
- constaté qu'il n'est pas saisi de l'action en paiement engagée contre la société GCI ;
- condamné la SARL Diffazur à payer aux époux Trauchessec la somme de 163 665 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SARL Diffazur a relevé appel de ce jugement et expose que les époux Trauchessec ont conclu avec GCI représentée par M. Clary, cette société étant liée avec elle par un contrat de franchise qui maintient le franchisé dans une situation de parfaite indépendance ;
- que le devis ne fait figurer nulle part le nom de la SA Diffazur mais bien celui de GCI ;
- que les intimés ne rapportent pas la preuve d'une faute quelconque de sa part, l'indication de leur cocontractant étant explicite ; que nulle confusion ne pouvait être créée par le contrat ;
- qu'ils ne rapportent pas la preuve du préjudice allégué ni de l'existence d'un lien de causalité avec les obligations du franchiseur ;
- que de plus ils ne démontrent pas la réalité du versement de 150 000 F en espèces, dont le montant ne pouvait concerner les travaux de piscine dont l'état d'avancement était sans relation avec un tel montant ;
- que cette somme était sans rapport avec le contrat ;
Qu'en tout cas ils ont commis une imprudence en versant cette somme, les travaux ayant à peine débuté ;
Elle conclut à la réformation du jugement et réclame la somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et celle de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Les époux Trauchessec répliquent
- qu'ils se sont adressés en premier lieu à la société Diffazur en raison de sa renommée et ont entendu bénéficier des garanties qu'elle offrait ; que les circonstances de la signature du contrat ont légitimé à leurs yeux qu'ils contractaient avec Diffazur, M. Clary apparaissant comme son représentant ;
- que l'existence du contrat de franchise est dès lors sans intérêts ;
- que les circonstances ayant présidé aux paiements successifs démontrent qu'ils n'ont commis aucune imprudence ni qu'ils aient eu l'intention de faire réaliser d'autres travaux que ceux relatifs à la piscine ;
Au titre de leur préjudice et par appel incident ils demandent que leur soit alloué
- la somme de 143 665 F au titre de sommes indûment payées ;
- celle de 30 000 F au titre des malfaçons relatives au terrassement et au ferraillage ;
- celle de 80 000 F du fait du retard de livraison qui a nécessité de leur part une avance complémentaire de trésorerie pour faire achever les travaux par une nouvelle entreprise.
Ils demandent enfin l'allocation d'une somme de 10 000 F à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et celle de 10 000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Maître d'Abrigeon, en sa qualité de mandataire liquidateur de GCI, régulièrement cité n'a pas comparu.
MOTIFS DE LA DECISION :
Il est constant à ce jour que le devis de construction d'une piscine signé le 21 septembre 1990 par les époux Trauchessec avec M. Clary, a été conclu avec la SARL GCI, représentée par celui-ci, franchisée de la marque et du procédé Diffazur.
Pour autant, rien n'était moins sûr au moment de la signature du contrat.
En effet, tant la publicité élaborée par Diffazur que le contrat contiennent tous les éléments de nature à accréditer une erreur sur le réel cocontractant du client.
D'autre part le dépliant publicitaire présente " l'équipe Diffazur " comme réalisateur de l'ouvrage, et énonce les garanties offertes par Diffazur à ses clients, " un savoir-faire, manifesté par le niveau de qualification obtenue auprès de l'OPQRSL... " et une " charte Diffazur...des prix nets et définitifs et le respect du cahier des charges et des délais... ".
Nulle part n'est évoquée l'existence de contrats de franchise, ni les conditions de réalisation de l'ouvrage par une tierce société et du contrôle qu'elle exercerait dans ce cas.
Diffazur ne peut dès lors opposer l'existence d'une telle convention aux époux Trauchessec.
D'autre part la lecture du devis permet de relever les anomalies équivalentes ;
Il est établi sur un papier à lettre à en-tête de Diffazur, rappelant tant ses qualifications professionnelles que l'assurance responsabilité civile dont elle jouit.
Différentes spécifications du contrat indiquent par ailleurs que l'implantation, le terrassement sont assurés par Diffazur.
En dernier lieu, les conditions générales du contrat confirment, s'il en était besoin, le rôle prépondérant de l' " entreprise Diffazur "à tous les niveaux d'avancement du chantier;
Enfin " Diffazur et SPAS " rappelle les garanties qu'elle offre et, indique qu' " elle n'est tenue aux engagements pris par ses agents commerciaux qu'après un délai normal de contrôle ".
Il ne peut dès lors être fait grief aux époux Trauchessec de n'avoir porté attention à la mention de " GCI SARL en capital de 50 000 francs " appliquée discrètement en bas de la première page, sans qu'aucune indication puisse attirer l'attention sur le fait qu'en sa qualité de franchisée c'est avec elle que les clients contractent.
En l'état de ces éléments concordants, qui concourraient à créer une erreur sur leur réel cocontractant, les époux Trauchessec sont en droit d'affirmer que par sa faute, la SA Diffazur a conduit à créer l'apparence que M. Clary était son mandataire;
De ce fait, Diffazur doit être tenue aux même obligations que GCI défaillante.
Au titre du préjudice les époux Trauchessec invoquent les paiements successifs suivants :
- 40 000 F en espèces le 31 octobre 1990, remis le jour de la commande ;
- 110 000 F en espèces le 24 décembre 1990 dont 80 000 F correspondant au montant d'un chèque remis le 21 décembre 1990 et impayé à la présentation et celle de 30 000 F destinée au maçon M. Gandea,
- la somme de 80 000 F payée au moyen du chèque reçu le 21 décembre 1990 et que les époux Trauchessec auraient invité M. Clary à déposer une nouvelle fois à l'encaissement.
Malgré les propos affirmatifs de l'expert judiciaire qui indique avoir vu les reçus de ces sommes, il apparaît que celui-ci a commis une erreur puisqu'aussi bien les époux Trauchessec n'affirment nullement avoir détenu de telles preuves qu'ils ont tout intérêt à communiquer en l'état de la contestation de la réalité des paiements qui leur est opposée.
D'autre part les documents qu'ils produisent ne justifient que de la remise de la somme de 30 000 F en espèce à M. Gandea, mais relative à des travaux de construction du mur de la clôture de la piscine qui sont étrangers au contrat de construction de la piscine.
D'ailleurs, tant dans leur assignation que différents courriers adressés à l'appelante, les intimés n'ont jamais revendiqué le paiement de la somme totale de 200 000 F au profit de GCI.
Par contre ils n'apportent aucun élément de preuve hormis les lettres de réclamations adressées à M. Clary, de nature à démontrer les paiements des sommes de 40 000 francs et de 80 000 F en espèce.
Il y a lieu d'ailleurs de s'étonner de leur légèreté à ne pas avoir exigé en un tel cas un reçu de ces paiements.
Il en résulte que le grief opposé par l'appelante relevant de paiements trop importants réalisés en infraction avec l'échéancier contractuels est dès lors sans intérêts puisqu'à la pose du ferraillage la somme de 142 070 F était déjà exigible.
Pour apprécier néanmoins le préjudice subi par l'abandon du chantier, dont Diffazur doit également supporter les conséquences dommageables, il y a lieu de relever que les époux Trauchessec ont été obligés de faire reconstruire entièrement la piscine compte tenu du fait que l'utilisation du ferraillage mis en place n'était possible que dans le cadre du procédé Diffazur exclusif.
Compte tenu du litige opposant les parties, il ne pouvait être imposé aux intimés de contracter à nouveau avec cette société ou son franchisé.
Dès lors l'évaluation des travaux effectivement réalisés par GCI et à laquelle s'est livrée l'expert n'est pas validée puisqu'il envisageait une reprise de l'ouvrage par l'appelante.
L'obligation de reprise de l'ensemble des travaux apparaît la conséquence directe de la faute imputée à GCI et Diffazur, de telle sorte que le montant des travaux réalisés par GCI doivent être réduit à ceux effectivement utiles, soit le terrassement.
La Cour dispose d'éléments suffisants pour réduire le montant des travaux facturables à la somme de 21 348 F (TTC).
Il est donc dû aux époux Trauchessec la somme de 80 000 F - 21 348 F = 58 652 F au titre des sommes indûment payées, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, en application de l'article 1153 du Code civil.
Par contre c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la prétention à voir indemniser les prétendues malfaçons, dont l'expert a rejeté l'existence.
Par ailleurs, l'éviction des travaux inutiles exclut d'autant plus cette exigence.
Enfin, la rupture abusive du contrat a fait subir un retard important de livraison qui, initialement fixée en avril 1991, n'a été assurée par une société Souliers Frères que courant été 1992.
Il a également imposé aux époux Trauchessec une nouvelle fois des sommes qu'ils avaient réglées à GCI et dont ils n'ont pu avoir le remboursement avant le jugement malgré le bien fondé de leur réclamation.
Il convient de porter à 30 000 F l'indemnité allouée de ces chefs.
Par contre l'appel étant partiellement fondé, il ne peut présenter de caractère abusif et les dommages et intérêts réclamés, pour ce motif, ne seront pas alloués.
Diffazur succombant sur l'essentiel de ses prétentions il convient de porter à la somme de 10 000 F l'indemnité allouée aux intimés en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; et pour le même motif Diffazur supportera les entiers dépens d'appel.
Toute autre demande contraire doit être rejetée.
Par ces motifs : LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière civile et en dernier ressort, - En la forme dit l'appel recevable ; - Au fond réforme le jugement sur le montant des dommages et intérêts alloués aux époux Trauchessec. Et statuant à nouveau : - Condamne la SA Diffazur à payer aux époux Trauchessec la somme de 58 652 F avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 1992 ; - Celle de 30 000 F à titre de dommages et intérêts complémentaires ; - Confirme le jugement pour le surplus ; - Y ajoutant, porte à 10 000 F l'indemnité allouée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; - Rejette toutes autres demandes ; - Condamne la SA Diffazur aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Tardieu, avoué, dans les conditions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.