Cass. com., 31 janvier 1995, n° 92-16.308
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Massiani (ès qual.), Baroso (SCI), Baroso (Consorts)
Défendeur :
BP France (SA), Banque populaire de la Côte d'Azur
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Bézard
Rapporteur :
Mme Clavery
Avocat général :
M. Raynaud
Avocats :
SCP Vier, Barthélemy, SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, Me Blanc, SCP Le Bret, Laugier.
LA COUR : - Vu leur connexité, joint les pourvois n° 92-16308 et 92-17457 ; - Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 1992), que le 27 février 1981, la société BP France (société BP) et la société d'exploitation des Etablissements Baroso (société Baroso) ont conclu, pour une durée de huit ans, un accord de revendeur agréé, aux termes duquel la société Baroso réservait au fournisseur l'exclusivité de ses achats de fuel oil domestique, le produit devant être facturé au tarif TTC des livraisons, sous déduction d'une réduction contractuelle ; qu' à cette même date ont été conclus un accord de prêt de matériel et un prêt bancaire ; qu' aux termes de ce dernier document, la société BP s'engageait à cautionner la société Baroso auprès de la Banque nationale de Paris (BNP) pour l'obtention d'un prêt de 850 000 francs, que la Banque populaire du Var, devenue la Banque populaire de la Côte d'Azur (BPCA), s'est portée caution de la société Boroso, vis-à -vis de la société BP, au titre du remboursement de ce prêt ; que MM. Michel et Joseph Baroso ont souscrit des engagements de caution solidaire de la société Baroso ; que, par acte du 4 février 1981, M. Joseph Baroso avait souscrit à titre personnel un engagement de caution solidaire de la société Baroso à hauteur de 800 000 F et consenti, en qualité de propriétaire du fonds de commerce, un remboursement sur celui-ci ; que, par acte sous seing privé du 23 juillet 1985, la SCI Baroso a souscrit un engagement de caution solidaire de la société Baroso à hauteur de 1 500 000 F au profit de la société BP que la société Baroso ayant dépassé le montant des encours prévus au contrat du 27 janvier 1981, un plan de règlement échelonné de la dette a été arrêté le 10 septembre 1985 ; que la société Baroso n'ayant pu l'honorer totalement, la société BP l'a assignée ainsi que les cautions en paiement de diverses sommes ; que la société Baroso, mise depuis en liquidation judiciaire, a invoqué l'annulation du contrat pour indétermination du prix des produits ; que l'arrêt de la cour d'appel a fait l'objet d'un pourvoi principal de la société Baroso ainsi que de la SCI Baroso, et d'un pourvoi principal de MM. Michel et Joseph Baroso ; que, de son côté, la BPCA a formé deux pourvois provoqués ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de la société Baroso et de la SCI Baroso, et le deuxième moyen du pourvoi principal de MM. Michel et Joseph Baroso, réunis : - Attendu que la société Baroso, la SCI Baroso et MM. Michel et Joseph Baroso font grief à l'arrêt, après avoir déclaré qu'un contrat d'approvisionnement exclusif était nul pour indétermination du prix des produits, que la nullité de ce contrat entraînait celle des conventions qui lui étaient indivisiblement liées, notamment celle des cautionnements, d'avoir néanmoins décidé que la SCI Baroso, représentée par son liquidateur judiciaire, était redevable envers le fournisseur la société BP d'une somme de 1 500 000 F correspondant à son engagement de caution, et que MM. Michel et Joseph Baroso étaient redevables envers ce même fournisseur des sommes de 200 000 F et 1 050 000 F correspondant à leur engagement de caution, alors, selon les pourvois, qu'un contrat nul ne saurait avoir aucun effet ; qu'en constatant la nullité des engagements de caution, dont la cour d'appel a souligné qu'ils étaient indivisiblement liés au contrat cadre annulé, tout en décidant néanmoins que les cautions devaient procéder aux restitutions qui s'imposaient au revendeur agréé à la suite de l'annulation de cette convention, la cour d'appel a violé les articles 2012 et 2015 du Code civil ;
Mais attendu qu'en retenant que tant que les parties n'avaient pas été remises en l'état antérieur à la conclusion de leur convention annulée, l'obligation de restituer inhérente aux contrats de prêts demeurait valable, et que, dès lors, les cautionnements en considération desquels le prêt avait été consenti subsistaient tant que cette obligation valable n'était pas éteinte, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal de MM. Michel et Joseph Baroso : - Attendu que M. Joseph Baroso fait grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer au fournisseur, la société BP, une somme correspondant au montant cumulé des deux engagements par lui souscrits, alors, selon le pourvoi, que les juges sont tenus de statuer dans les limites du débat, telles que fixées par les conclusions des parties ; que M. Joseph Baroso soutenait que le premier cautionnement, d'un montant de 250 000 F, par lui souscrit, pouvait seul être exécuté, le second de 800 000 F n'ayant été donné qu'au cas où le fournisseur n'aurait pu inscrire son nantissement sur le fonds de commerce de la société Baroso ; que ce nantissement ayant été pris, le cautionnement de 800 000 F était sans effet puisqu'il ne pouvait, selon ses termes, s'ajouter à la garantie offerte par le nantissement ; que le fournisseur prétendait de son côté que M. Joseph Baroso s'était porté caution à hauteur de 800 000 F afin de garantir le nantissement donné pour un montant identique, que telle aurait été sa volonté puisqu'il avait fait mentionner dans l'acte "caution liée à l'acte de nantissement signé ce jour et ne peut en aucun cas s'ajouter à la valeur portée sur l'acte de nantissement", en sorte que, cette dernière sûreté n'ayant pas pu le couvrir pour une somme quelconque, l'acte de cautionnement lié à elle devait être exécuté ; que le fournisseur admettait ainsi que c'était le cautionnement qui constituait la garantie du nantissement et non l'inverse ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a statué hors des limites du débat telles que fixées par les conclusions des parties, en violation des articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, dans ses conclusions, la société BP soutenait que le nantissement pris n'ayant pu la couvrir de sa créance, l'acte de cautionnement lié à ce nantissement devait être exécuté, qu'ainsi la cour d'appel n'a pas méconnu l'objet du litige ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique des pourvois provoqués de la BPCA : - Attendu que cette banque fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la société BP la somme principale de 630 508,21 F, avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 1986, celle de 20 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 3000 F pour frais irrépétibles alors, selon le pourvoi, que lorsqu'un contrat est annulé, la restitution doit s'opérer en fonction de la seule valeur reçue, sans que le juge puisse y inclure les avantages conventionnels ou les bénéfices stipulés pour l'une des parties, ce qui reviendrait à une exécution du contrat frappé de nullité ; que si la société BP avait accepté, en 1986, avant l'annulation du prêt et l'ouverture de la procédure collective, d'assumer au profit de la BNP l'exécution conventionnelle du prêt consenti à la société Baroso, elle ne pouvait être admise, après la survenance de ces deux événements, à poursuivre contre la BPCA, qui contestait le quantum de son obligation, un remboursement d'intérêts conventionnels ou d'avantages contractuels afférents à l'opération de prêt annulée et excédant le montant de la valeur effectivement reçue par la société Baroso, seule cautionnée par la BPCA, qui constituait la limite de la restitution ordonnée ; qu'ainsi, l'arrêt qui a mis à la charge de la BPCA le plein de la demande de la société BP, incluant les obligations contractuelles éteintes, qu'au prix d'une violation des articles 1234 et 2012 c. civ. ;
Mais attendu qu'il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que la BPCA ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions contenues dans le moyen ; que celui-ci est dès lors nouveau et, mélangé de fait et de droit, irrecevable ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche, des pourvois principaux : - Vu l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; - Attendu que, pour accueillir les demandes de la société BP, l'arrêt retient que l'annulation du contrat cadre ne pouvait porter atteinte aux effets des contrats de vente successifs exécutés sur la base d'un tarif préalablement communiqué ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions, la société BP n'avait jamais prétendu que les ventes successives des produits pétroliers, en exécution d'un contrat cadre annulé, seraient intervenues sur la base d'un tarif préalablement communiqué, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur tout autre grief, casse et annule, mais seulement en ce que, par confirmation du jugement du tribunal de commerce de Marseille, il a dit et jugé que la société BP était créancière de la société Baroso pour la somme de 770 372,09 F, représentant des fournitures de produits pétroliers, l'arrêt rendu le 7 mai 1992, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.