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Décisions

Cass. com., 7 février 1995, n° 93-11.378

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

PARTIES

Demandeur :

Fiatgeotech France (Sté)

Défendeur :

Établissements Georges Andelfinger (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bézard

Rapporteur :

M. Léonnet

Avocat général :

M. Mourier

Avocats :

SCP Defrénois, Levis

T. com. Paris, 12e ch., du 18 déc. 1990

18 décembre 1990

LA COUR : - Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 17 décembre 1992) que la société Fiatgeotech France, dénommée depuis le 31 mars 1993 société New Holland France, a concédé, par deux contrats en date des 20 juin et 1er juillet 1986, à la société Etablissements Georges Andelfinger (société Andelfinger), l'exclusivité de la vente de tracteurs Fiat et de moissonneuses-batteuses, ainsi que de diverses machines agricoles pour le département du Haut-Rhin ; que ces contrats étaient conclus pour une durée indéterminée et résiliables à tout moment par l'une des parties avec un préavis d'un an, sauf cas prévu par l'article 16-1-B qui prévoyait une résiliation de plein droit pour fautes graves, notamment pour " insuffisance de pénétration du concessionnaire dans le ou les produits objets du contrat ", les coefficients de pénétration étant définis à l'annexe I de chacun de ces contrats et prévoyant l'obligation pour le concessionnaire de vendre chaque année, et selon un objectif de pénétration évoluant de façon progressive, les produits concédés ; que cette annexe I, à laquelle renvoyait la clause résolutoire, définissait les critères de pénétration en ces termes : " la pénétration de Fiatgeotech dans les différents types de produits est définie comme étant la part de marché prise par Fiatagri dans les ventes totales toutes marques de ces lignes de produits en France métropolitaine " ; que la société Fiatgeotech, se plaignant de l'insuffisance des résultats de la société Andelfinger et se référant à la clause résolutoire incluse dans chacun des contrats, l'a assignée en 1989 devant le tribunal de commerce pour résiliation de plein droit et en paiement des factures impayées ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches : - Attendu que la société New Holland France fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en résolution des contrats litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le concessionnaire n'ayant jamais allégué dans ses conclusions d'appel que les contrats de concession seraient de nature à influer sur les échanges intracommunautaires, la cour d'appel ne pouvait tenir ce fait pour établi en affirmant qu'il n'était pas contesté par le concédant ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, d'autre part, que le juge ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevé d'office sans avoir, au préalable, invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce la cour d'appel a fondé l'annulation de la clause de pénétration sur l'affirmation d'un traitement inégal des concessionnaires du fait de la généralité de la clause des contrats de concession, sans avoir au préalable invité le concédant à présenter ses observations sur ce moyen qui n'était pas invoqué par le concessionnaire, violant l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des écritures des parties et du jugement du tribunal de commerce que, devant les juges du fond, le débat a porté sur la licéité des contrats liant la société Andelfinger à la société Fiatgeotech France, au regard des articles 85-I et 85-II du traité de Rome et des dispositions du règlement CEE 123-85 ; d'où il suit que le moyen manque en fait ;

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche : - Vu l'article 85 du traité instituant la Communauté économique européenne et les dispositions du règlement 123-85 du 12 décembre 1984 de la Commission des Communautés européennes ; - Attendu que, pour décider que la clause résolutoire prévue à l'article 16-I-B-a des contrats de concession exclusive liant la société Andelfinger à la société Fiatgeotech était nulle comme contraire aux dispositions des articles 85-I et 85-II du traité, la cour d'appel énonce que le taux de pénétration imparti au concessionnaire est faussement objectif dans la mesure où un taux de pénétration identique est imposé à chaque concessionnaire, déterminé en fonction de l'ensemble des ventes Fiat réalisées sur l'ensemble du territoire de la France métropolitaine, sans tenir compte des différences existant dans les zones considérées, à raison des degrés variables de pénétration de la marque dans chacune de ces zones; qu'il en résulte une dépendance économique au profit du concédant et au détriment du concessionnaire ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, insuffisants à établir en l'espèce le caractère " faussement objectif " des critères de rendement imposés au concessionnaire, susceptibles de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et sans vérifier s'il existait dans les conventions conclues entre les parties un taux de pénétration progressif de la marque calculé à partir de ses performances sur le territoire national, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les quatrième, cinquième et sixième branches du moyen : casse et annule, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 décembre 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans.